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ATTILA ETAIT UN HUN CAPABLE DE TOUT ...
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Sculptures
Les Bronzes : Histoire générale des origines à nos jours
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Cet article se compose de 17 pages.
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Les grandes statues étaient fondues d'un seul jet alors que les petits modèles se faisaient à la chaîne découpés en de nombreuses parties fondues séparément puis assemblées avec soin par des ouvriers qui surent appliquer avec talent une patine glacée au vernis et ciseler les pièces avec une rare précision. Les patines françaises étaient faites d'un vernis chatoyant avec un rouge violacé se superposant à une sous-couche brun clair recouverte d'un vernis translucide qui donnaient une rare luminosité aux bronzes. On produisit également des pièces avec une patine brun-foncé sur une sous-couche verte revêtue d'un glacis ou des patines miel-clair utilisées pour les bronzes de Slodtz. On n'oubliera pas que ces bronzes produits en France avaient une filiation certaine avec les oeuvres de Jean de Bologne dont la majesté et l'avantageuse vision frontale permettaient une présentation idoine sur des meubles. Ceux-ci inspirèrent Girardon et Lepautre notamment. On ne peut finalement manquer de noter que les bronzes français furent avant tout d'apparat du fait de leur présentation sur des socles richement travaillés sinon somptueux en marqueterie Boulle rehaussés de bronzes dorés. De là la liaison naturelle avec le bronze d'ornement du XVIIIe siècle. Il n'y eut pas moins d'une soixantaine de bons sculpteurs en France entre 1640 et 1710 mais deux décennies plus tard, l'art du bronze sombrait pour n'être plus qu'une industrie vouée à la décoration. On peut épiloguer sur le pourquoi et le comment de cette décadence qui fut certainement due à un changement de politique à partir de 1685 et surtout à une suite de guerre qui engendrèrent une grave crise économique, la fin du règne de Louis XIV effaçant d'un seul coup plus de cinquante années de gloire. Encore une fois, la politique et l'économie eurent une influence directe sur l'art et après la mort du roi, une nouvelle ère s'ouvrit sous la Régence. Ce fut alors la période des galanteries décrites par Gillot ou Watteau qui ouvrit la page d'un siècle plus libertin, donc moins empreint de classicisme. N'oublions pas encore qu'à partir de 1725, les ébénistes commencèrent à créer des meubles munis de garnitures en bronze alors que de nombreux cartels en bronze doré furent produits durant les années 1730. L'art du bronze connut ainsi une autre destination en ayant alors un caractère essentiellement décoratif en France d'abord puis en Europe où les réalisations de statuettes de bronze doré, à Augsbourg notamment, diminuèrent durant le premier tiers du XVIIIe siècle. Au style classique et maniériste du siècle précédent succéda un art baroque plus ou moins exacerbé selon les pays. On comprend alors pourquoi, en dehors de la production de statues équestres de monarques, l'art de la statuaire marqua grandement un temps d'arrêt jusqu'au début du XIXe siècle. Il y eut aussi un problème de succession, Louis XV étant trop jeune pour régner, il y eut une époque transitoire avec un Régent qui n'osa pas chercher à se glorifier à travers des statues, ce qui lui aurait probablement valu d'être considéré comme un usurpateur. La Régence ne profita pas aux artistes mais plutôt aux artisans qui continuèrent à produire des meubles et des ornements de qualité mais le Régent Philippe avait d'autres soucis en tête que de donner un élan prioritaire à l'art.
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Tête de cheval qui ornait le timon d'un char (Kharmir-Blour) | Bronze ajouré du Louristan | Protomes d'animaux, Bronze de Louristan | L'histoire du bronze commence bien entendu avec la période de l'âge du bronze plus de deux mille huit cent ans avant notre ère. On commença à fabriquer des armes puis ensuite des objets usuels et d'autres correspondant à l'art du temps dans le bassin méditerranéen, en Mésopotamie, en Egypte puis en Chine où les techniques devinrent rapidement très élaborées.. Le Taureau, le bronze est martelé et plaqué sur du bois, et non fondu, II millénaire. En dehors donc de la Chine, où l'art du bronze connut un rapide développement après que celui-ci eût prit naissance dans le bassin méditerranéen quelque dix siècles auparavant, nous savons que c'est en Mésopotamie et surtout dans la région englobant l'Irak actuelle et les régions limitrophes comme l'Iran et même le sud de la Bulgarie, que la production d'objets artistiques en bronze se développa vers l'an 2000 avant notre ère, notamment à travers les réalisations du Louristan avec une représentation dominante de bouquetins et autres animaux représentatifs de l'art sacré alors en vogue dans ces régions. Au niveau artistique, c'est d'abord en Egypte que l'art du bronze a connu une première véritable apogée avec des fontes de divinités sous la forme de statues ornant des temples ou de statuettes qui accompagnaient les défunts dans leurs tombes. On peut citer également l'énorme fontaine en bronze du temple de Jérusalem bâti sous Salomon soutenue par des taureaux. Mais c'est surtout dans la Grèce antique, vers le Ve siècle avant J.C, et après plus de six siècles durant lesquels la production se limita à des représentations plutôt rudimentaires, notamment d'animaux dans un style proche du Cubisme, que l'art du bronze a vécu un premier âge d'or avec la représentation grandeur nature de sujets humains ou de divinités sous forme humaine. Ces bronzes étaient si extraordinaires au niveau de la ressemblance et de la qualité - certains avaient ainsi des yeux incrustés d'ivoire et même d'argent ou d'or- qu'ils firent fureur dans tout le Bassin méditerranéen, surtout à Rome trois ou quatre siècles plus tard.
Bronze etrusque | Sphinx trouvé à Topkrakalé, tête en pierre blanche | Représentation de chat, art égyptien L'art grec essaima à des milliers de kilomètres à la ronde pour atteindre le sud de l'Italie et l'Etrurie où furent produits des bronzes dans le style grec quoique les représentations furent plutôt archaïques. On assista alors à l'émergence d'un marché très actif puisque de nombreux bronzes grecs furent importés à Rome où des marchands, déjà peu scrupuleux, ouvrirent des ateliers pour produire des copies fidèles afin de satisfaire les demandes de nombreuses familles patriciennes. On peut dès lors constater que l'industrie du faux remonte dans l'histoire de l'art à une époque vraiment très reculée. Bien évidemment, les Romains s'inspirèrent de l'art grec pour produire d'énormes quantités de statues, de bustes et de bas-reliefs avec toujours ce souci de réalisme poussé au plus haut. Les Grecs avaient déjà produit de fort belles statues équestres et encore une fois, Rome se mit à pulluler d'oeuvres monumentales exécutées dans ce genre comme cette statue de Marc Aurèle, créée en 176 après J.-C. et qui survécut miraculeusement par la suite laquelle impressionna les artistes de la Renaissance et les inspira énormément dans la représentation imposante des grands princes de leur époque, à cheval et souvent en armure. Les invasions menées par des tribus autrefois contrôlées ou mâtées par les Romains, comme les Germains, les Vandales ou les Wisigoths provoquèrent à la longue la chute d'un Empire romain décadent alors que le Christianisme naissant mit naturellement fin à la représentation de divinités et plus tard à celle des personnages en vue de la société romaine ou gallo-romaine.
Taureau Apis, 26ème Dynastie, Egypte 664-525 av J.-C. L'art du bronze, à partir du IVe siècle de notre ère, subit donc un terrible contrecoup dû à des facteurs d'instabilité qui, avec l'émergence du Christianisme, entraîna des changements de mentalités dans toute l'Europe du sud. Il n'y eut qu'un endroit où certaines sculptures en bronze subsistèrent durant quelques siècles, mais à une échelle nettement réduite, c'est à dire à Byzance qui garda longtemps des pièces antiques comme les célèbres chevaux de St Marc transférés plus tard à Venise. On continua donc à produire des bustes en bronzes d'empereurs à Byzance pendant un certain temps. Ailleurs, l'art gréco-romain, transmis à d'autres peuplades comme les Gaulois, ne perdura pas et sombra donc en laissant place à la prédominance à l'Eglise dont le principal souci fut d'évangéliser le continent. Dans la masque juvénile qui provient d'une statue-portrait romaine, le classicisme grec se fait encore sentir aux dépens de l'expression individuelle A la fin d'un monde païen, riche en réalisations artistiques au niveau du bronze, se substitua une ère dominée par l'Eglise et les seigneurs qui furent garants de sa gloire et de ses dogmes. Pendant donc plus de dix siècles, l'Eglise régenta la vie artistique donnant la priorité à la construction d'églises et de cathédrales en laissant un espace restreint à la production de bronzes en dehors de la religion. Il y eut quand même des bronzes produits à l'époque de Charlemagne vers l'an 800 et quelques représentations de chevaliers ou d'animaux sous la forme d'aquamaniles à partir du XIe ou XIIe siècle mais l'essentiel de la production fut consacré à la représentation du Christ, de la Vierge Marie ou de Saints, souvent en bronze doré ou d'oeuvres décorées d'émaux comme à Limoges ou les ateliers mosellans, lieux célèbres de fabrication de châsses et de croix émaillées mais où l'utilisation du cuivre seul fut prédominante alors qu'à Dinant on travailla beaucoup le laiton. Statuette représentant Hercule, vers 100-200 après J.-C. | Rome, bronze représentant Hermes, vers 50 après J.-C. | Rome, bronze représentant Aphrodite, vers 100-200 après J.-C. |
Déesse Victoire, 3ème siècle après J.-C. Pour ce qui fut purement de la sculpture les artistes se limitèrent surtout au travail de la pierre pour créer des statues destinées souvent à orner des cathédrales. Ainsi donc, il y eut une longue période d'occultation pour le bronze jusqu'à la découverte à la fin du XIIIe siècle et au début du XIVe siècle de statues de l'époque romaine dans des sites archéologiques en Italie. Les premières fouilles effectuées à Rome et dans ses environs eurent notamment un retentissement considérable parmi les artistes italiens qui travaillaient essentiellement sous la férule de l'Eglise. On assista alors à un retour de l'art du bronze, d'abord dans la décoration de portes d'églises, comme celle du Baptistère San Giovanni de Florence, une oeuvre extraordinaire par sa composition où Lorenzo Ghiberti (1370 ou 1378-1455) donna libre cours à une inspiration débordante d'ingéniosité à partir de 1403 pour compléter l'oeuvre entamée par Andrea Pisano en 1330. Ce fut donc à l'occasion d'un concours organisé en 1401 qui marqua une date très importante dans l'histoire de l'art italien que Ghiberti et Brunelleschi furent choisis pour décorer les portes du baptistère. Ghiberti fut plus à son aise concernant l'exécution de ses portes, avec la troisième qu'il commença après 1425 et pour laquelle il voulut faire une oeuvre originale qui fit dire plus tard à Michel Ange que celle-ci était digne d'être la porte du paradis. Les trois anges du sacrifice d'Isaac empreints d'une formidable grâce inspirèrent d'ailleurs Michel Ange pour son Adam de la chapelle Sixtine qui est sans doute un des plus beaux nus jamais créés dans l'histoire de l'art. Cette collaboration pour la réalisation de ces portes du baptistère de San Giovanni, surtout celle de Brunelleschi, marqua le véritable départ de la Renaissance avant l'entrée en jeu de sculpteurs comme Donatello (Vers 1386-1466), le premier à dompter magistralement le bronze comme le firent bien avant lui les artistes grecs ou romains. Son “Le Festin d'Hérodeâ€, bas-relief de bronze sculpté en 1427 pour les fonds baptismaux de Sienne exprima pour la première fois quelque chose de saisissant au niveau de l'expression et de l'émotion. Inspiré par les artistes de l'antiquité, l'artiste florentin donna la pleine mesure de son talent avec la création de statuettes ou de tombeaux. Un voyage à Rome en 1433 fut déterminant dans sa carrière avec l'approfondissement de ses connaissances concernant les oeuvres antiques. Tout entier tourné vers un réalisme exacerbé, il sut produire des sculptures rompant avec la tradition instituée par l'Eglise en représentant notamment des enfants à la mode antique présentés dans des rondes joyeuses. Grâce à l'appui de Cosme de Médicis, son ami et protecteur, Donatello créa d'autres chefs d'oeuvre dont le David du Bargello, nu debout et au repos d'une vitalité si intense exaltant la beauté du corps humain. On peut noter au passage que la Renaissance ne commença pas aux environs de l'an 1500 mais plutôt vers l'an 1400 avec Ghiberti et que les cent années qui suivirent cette date, furent d'une importance primordiale dans l'histoire de l'art. Ce David si expressif, où on entrevoit à travers la représentation de ses traits, la prise de conscience du miracle qu'il vient d'accomplir, fut un chef-d'Å“uvre qui marqua de son empreinte tout l'art du bronze. Il y a un saisissant contraste entre l'enfant qui vient de terrasser un géant et ce bras vigoureux tenant un glaive.
ll va sans dire que cette magnifique statue inspira plus d'un artiste dans le siècle qui suivit et marqua le départ d'une période glorieuse pour les sculptures en bronze alors que de nombreux sculpteurs rivalisèrent entre eux pour atteindre le niveau de Donatello. Ce dernier exécuta d'ailleurs la première grande statue équestre de la Renaissance lors d'un séjour à Padoue vers 1444, celle du condottiere vénitien Gattamelata dont la fonte eut lieu en 1447. Il avait fallu ainsi attendre près de douze siècles pour voir réapparaître ce genre d'oeuvre dans l'histoire du bronze. Cette statue inspira toutes les autres créations équestres, en dehors du célèbre Marc-Aurèle, qui la suivirent, à commencer par le Colleoni de Verrocchio. Dans celle-ci on ne peut s'empêcher de voir Gattamelata pensif chevauchant un destrier de bataille à l'allure puissante et massive. Ce visage exprime notamment la pensée de l'homme de guerre, brave et accoutumé aux batailles, mais qui laisse déjà percer en lui le poids du harnais. Donatello produisit également des bronzes religieux extraordinaires comme des saints représentés en vieillards, d'émouvants Christ en croix ou un superbe relief de bronze montrant ce dernier pleuré par deux anges ou encore un Saint François exprimant un sublime degré de spiritualité. Avec Donatello on entra finalement de plain-pied dans la Renaissance et le développement de l'art du bronze, à travers Verrocchio d'abord et d'autres artistes qui surent se dégager de l'influence restrictive de l'Eglise. On ne peut pas parler de Donatello sans évoquer le rôle capital de relayeur de son art que joua Verrocchio (1435-1488). Son importance dans l'histoire de l'art fut manifeste puisqu'il eut Léonard de Vinci comme élève. Andrea del Verocchio, David Peintre et sculpteur, Verrocchio bénéficia de l'appui des Medicis, Cosme et Laurent, et fut l'élève de Donatello. On comprend mieux alors le lien qui unit fortement ces deux artistes et Verrocchio ne manqua pas de créer à son tour son “Davidâ€, un sujet charmant quoique bizarre à certains égards puisqu'il paraît un tantinet féminin, moins viril que celui de son maître. Dans maints endroits à Florence, Verrocchio voisine avec Donatello comme pour lui faire pendant. Sa science des drapés annonçait Vinci mais ce fut à Venise qu'il connut en même temps le drame de sa vie et son apothéose. La République Sérénissime voulait honorer la mémoire de l'un de ses plus fameux condottieri, Bartolomeo de Bergame, dit le Colleone. Elle chargea donc Verrocchio de lui élever une statue équestre au Campo San Giovanni y Paolo. Cette oeuvre fut commencée en 1481, interrompue à plusieurs reprises et ne fut achevée qu'après la mort de l'artiste par Leopardi.
Pour Verrocchio, la tâche se révéla gigantesque puisque 34 ans avant lui Donatello avait exécuté la première grande statue équestre depuis l'Antiquité, celle, rappelons-le, du condottiere Gattemalata. Les deux oeuvres furent des modèles de sensibilités opposées. La première fut dominée par une volonté de calme alors que la seconde voulut manifester tout son élan. Au style classique de Donatello s'opposa donc un esprit romantique. Alors qu'on retrouvait dans la sculpture de Donatello la majesté tranquille de la statue de Marc-Aurèle, dans le cheval en action de Verrocchio, avec son cavalier crispé dans son élan, on vit poindre le début de la sculpture baroque et les chevaux cabrés du Bernin. Cela n'empêcha pas Verrocchio de tenir une place prépondérante dans l'histoire de l'art puisqu'il amena une rupture et en même temps un trait d'union entre deux esthétiques. Avec Donatello, on en vint ainsi à la fin d'une courte période classique alors que débutait l'art moderne avec Verrocchio. Il semble maintenant nécessaire de souligner l'influence des grands princes des XVe et XVIe siècles qui cherchèrent à s'entourer d'artistes afin de faire resplendir leur gloire en dehors de leurs cités et comme leurs familles donnèrent des papes, ces derniers, plus libéraux dans leurs choix, surent s'adapter à un nouvel esprit dans le domaine de la sculpture tout en assouplissant la position de l'Eglise vis à vis de certaines représentations humaines. Il est patent que sans les Médicis et d'autres princes, l'art aurait continué à s'exprimer sous la conduite exclusive de l'Eglise durant encore plusieurs décennies. Ceux-ci, en dehors de leur caractère quelque peu autocratique, eurent un rôle certain dans l'expression d'un humanisme naissant, donc à des préoccupations centrées autour de l'homme et de son existence. Leur gloire franchirent vite les frontières et incitèrent ainsi des monarques comme Charles Quint ou François 1er à les imiter quoique ces derniers furent les seuls au XVIe siècle à donner une part intéressante à l'art du bronze. Il n'en reste pas moins que les artistes qui se manifestèrent dans le registre de la sculpture en Italie eurent une influence certaine sur d'autres qui travaillaient à l'étranger, notamment en Allemagne du sud, aux Pays Bas du sud et en France. Toutefois, l'essentiel de la production d'oeuvres en bronze se fit en Italie, notamment à Florence, Padoue, Rome ou Venise durant tout le XVIe siècle. Italie du nord, Severo da Ravenna | Padoue, vers 1500, cheval au pas | Alors que les princes participaient à la promotion de l'art, l'Eglise commença donc à fermer les yeux au sujet de certaines représentations, ce qui permit à des sculpteurs comme Andrea Riccio ou Briosco (vers 1470-1532) qui fut actif à Padoue de produire des Å“uvres osées par rapport au contexte de leur époque. Elève de Bartolomeo Bellano, Riccio travailla essentiellement au Santo de Padoue, où il réalisa en 1506 deux reliefs en bronze retraçant l'histoire de Judith, David et l'Arche d'Alliance et surtout un chancelier pascal monumental qui lui prit neuf années de travail jusqu'en 1516. Il réalisa également des reliefs en bronze évoquant l'Invention de la Croix pour l'église Santa Maria dei Servi à Venise vers 1511.
Severo da Ravenna, dragon au bougeoir | Andrea Riccio, Satyre | Mais on connaît surtout Riccio à travers ses représentations de satyres montés en encriers ou en supports de bougeoirs. Ces satyres avaient pour particularité d'avoir une forte connotation érotique puisque l'artiste les représenta souvent le phallus dressé à la mode antique. Il y eut donc une grande mode qui voulait que les artistes traitassent de thèmes antiques et notamment mythologiques ou tirés encore de livres célèbres comme les poèmes d'Ovide qui marquèrent autant en sculpture qu'en peinture une rupture avec la tradition classique de la représentation religieuse notamment avec la réalisation de reliefs et de sculptures de petites dimensions représentant souvent les Travaux d'Hercule ou des centaures et autres sujets mythologiques, produites à Rome par Moderno, un artiste sur lequel on ne sait pas grand chose, entre la fin du XVe et le début du XVIe siècle. C'est donc à partir de l'an 1500 environ que des dizaines d'artistes se manifestèrent dans diverses villes d'Italie, notamment Florence, Padoue, Rome ou Venise et produisirent des quantités de statues de bronze, souvent de petite dimension, sur les thèmes liés en grande partie à l'Antiquité. Bien entendu, les collectionneurs étaient en majorité des princes et autres membres des grandes familles nobles italiennes, ce qui signifie que le cercle des acheteurs était étroit tout autant que l'espace géographique de la production de ces bronzes. N'oublions pas que l'invention de l'imprimerie et la diffusion de livres imprimés ne date que du milieu du XVe siècle et que l'information ne circulait que lentement par rapport à aujourd'hui où elle se traite pratiquement à la seconde. La circulation des idées n'était qu'en gestation durant le dernier tiers du XVe siècle et le fait d'apprendre vers 1435 qu'un peintre flamand du nom de Van Eyck savait diluer les couleurs à l'huile mieux que quiconque prit des mois avant de parvenir aux oreilles de peintres italiens intéressés à découvrir son secret. On peut ici ouvrir une parenthèse en précisant que Van Eyck ne fut probablement pas l'inventeur du procédé de la peinture à l'huile mais plutôt un alchimiste génial qui mit au point l'art des glacis. Donc, bien avant lui des peintres avaient utilisé l'huile au lieu de la tempera pour peindre des tableaux. Mais revenons aux bronzes pour signaler que les sculptures dans cette matière ont eu le mérite de mieux résister au temps que les peintures. A part des fresques préhistoriques qui restent nombreuses pour la raison évidente que les grottes ont été vite désertées et oubliées par les humains, et en dehors des fresques égyptiennes ou pompéiennes ou encore des portraits du Fayoum produites en Egypte aux temps des Ptolémée et de la domination romaine, on n'a pu recenser que très peu d'oeuvres peintes durant l'Antiquité qui soient parvenues jusqu'à nous. L'histoire est bien différente pour les bronzes puisqu'on a pu sortir de tombes oubliées ou des fonds de la Méditerranée des statues extraordinaires et en parfait état qui datent de plus de 2000 ans. Ce sont donc ces sculptures qui ont exercé une profonde influence sur les artistes de la Renaissance et pas seulement pour tailler le marbre ou couler des oeuvres en bronze, mais également pour produire des tableaux inspirés de l'Antiquité et de ses légendes.
La révolution qui s'opère durant la seconde moitié du XVe siècle est multiple puisqu'elle repose sur des découvertes archéologiques, sur la diffusion des livres imprimés mais également à travers l'accent mis sur l'humanisme, le rôle des princes et des grandes familles nobles en Italie, la rivalité entre des monarques comme Charles Quint et François 1er, et Henri VIII à un degré moindre, et pour finir, sur une expansion économique qui va déborder l'espace italien pour atteindre des lieux comme Anvers ou la région de la Hanse en Allemagne. C'est ce contexte qu'il faut ainsi prendre en compte pour expliquer le développement de la sculpture en bronze qui atteindra vers 1530 d'autres régions comme l'Allemagne du sud, les Pays Bas du Sud et finalement la France. Donatello et Verrocchio ont quelque part donné le tournis à d'autres artistes, notamment Léonard de Vinci qui tenta sans succès de réaliser une statue équestre de près de huit mètres de long du Duc de Milan et ce syndrome de la monumentalité fut aussi pour quelque chose dans l'amélioration des moyens techniques qui se perfectionnèrent au fil des décennies. Même si Vinci échoua dans son entreprise, notamment par manque d'argent, le fait qu'il tenta de réaliser l'impossible l'amena à trouver des techniques de fonte élaborées au moyen de tubes et de méthodes de fusion. Il va sans dire que les artistes cherchèrent la perfection et à travers cette ambition, ils rivalisèrent pour obtenir la plus grande qualité possible au niveau de la patine et de la ciselure. N'oublions pas non plus les nouvelles modes. Celle du cabinet d'amateur, instituée à partir de 1575, profita à la production de petits bronzes placés dans des cabinets richement décorés. Autre passage obligé dans l'évolution de la sculpture, l'Å“uvre de Michel-Ange (1475-1564), le Picasso du XVIe siècle, touche à tout génial, véritable artiste complet, bien plus que ne le fut Vinci dont la production resta très limitée. Même s'il travailla surtout le marbre, son influence sur de nombreux sculpteurs fut des plus marquantes. Ce fut donc surtout après 1550 que l'art de la sculpture en bronze connut un âge d'or avec une prolifération d'artistes mais qui travaillèrent en majorité en Italie. On ne s'étonnera pas que Jean de Bologne dit Giambologna, né à Douai vers 1529 et qui étudia d'abord à Mons, ait décidé de faire carrière à Florence, un lieu où il trouva toutes les conditions propres à son épanouissement. Jean de Bologne, Apollon | Antonio Susini, Architecture, (Vénus) | Giambologna vint d'abord à Rome étudier d'abord sous la direction de Michel Ange. Puis sur le chemin du retour vers les Flandres, il eut l'heureuse idée de s'arrêter à Florence où le mécène Bernardo Vecchietti l'hébergea dans son palais avant de le présenter à Cosme et François de Médicis qui le retinrent par des commandes. Giambologna qui eut notamment Ammanati comme rival qui réalisa à sa place la fontaine de Neptune de la Piazza della Signoria en 1560. Toutefois, les armes ducales qu'il exécuta pour la salle du Grand Conseil lui permirent d'asseoir sa réputation laquelle éclipsa celles d'Ammanati et du célèbre Benvenuto Cellini. Giambologna réalisa la fontaine de Neptune de la Piazza Nettuno de Bologne ainsi que plusieurs statuettes de Mercure dont une fut envoyée en Allemagne à l'Empereur Maximilien II alors qu'une autre, dite de Médicis, aujourd'hui au Bargello, fut particulièrement remarquée par son envol et sa légèreté.
Jean de Bologne fut avant tout préoccupé par le mouvement développé dans l'espace en créant une impressionnante série de sculptures et de reliefs en bronze. On peut citer son Enlèvement des Sabines à partir de 1579 dont le modelé et le mouvement préfigurèrent certaines réalisations de Pigalle et même de Rodin. Giambologna fut le sculpteur du XVIe siècle dont on a conservé une grande quantité de modèles originaux pour les fontes, qu'on trouve notamment au Victoria & Albert Museum de Londres ou encore au Bargello de Florence. Par ailleurs, il a été l'artiste le plus copié au début et au milieu du XVIIe siècle grâce à son savoir qu'il transmit à des élèves comme Francavilla et Pietro Tacca ou à son assistant Antonio Susini lequel fut ensuite relayé par son neveu Francesco dans la diffusion de copies fidèles de ses oeuvres. C'est en grande partie grâce à lui que la sculpture sortit de son espace essentiellement italien pour rayonner à travers l'Europe, notamment en Allemagne, à Prague, en France et en Espagne. Alors que Michel-Ange créa un style néo-classique, qui devait plus à Rome qu'à la Grèce et que Canova remit à l'honneur du temps de Napoléon 1er, et alors qu'il jeta les bases de l'art baroque par l'exacerbation du mouvement à travers l'extériorisation de la force musculaire, Giambologna créa un style qui influença toute l'Europe de la fin du XVIe siècle, et plus particulièrement la France qui ne se montrera sensible au baroque que durant le siècle suivant. Les artistes qui travaillèrent dans la mouvance de Jean de Bologne furent surtout des maniéristes, notamment à travers l'allongement exagéré des formes. Mais avant tout Jean de Bologne fut du siècle du Primatice ou de Jean Goujon qui fut de son côté porté au pinacle au XIXe siècle par des historiens comme Elie Faure. Il serait en fait plus judicieux de redonner à Jean de Bologne la place qu'il mérite dans l'histoire de l'art, une place certainement plus marquante que celle de Goujon dont de nombreuses oeuvres, surtout en pierre, ont disparu du paysage parisien. On pourrait même mettre Barthélémy Prieur, né à une date inconnue et mort en 1611, sur un pied d'égalité avec Goujon avec qui il eut une certaine affinité puisqu'il fut l'élève de Germain Pilon (Vers 1535-1590) autre grand artiste français lequel fut influencé par le Primatice et produisit des oeuvres maniéristes de tendance baroque. Prieur réalisa de nombreuses statuettes en bronze qui le mettent en bonne place parmi les sculpteurs mais loin derrière Jean de Bologne qui reste une référence pour les amateurs, tant par la quantité de sa production que par les thèmes abordés dans la représentation humaine et animalière, et qui sut si bien représenter certaines attitudes qui ne manquèrent pas d'influencer nombre d'artistes durant le XVIIe siècle. On pense notamment à ses chevaux cabrés qui servirent de modèles à des sculpteurs qui glorifièrent Louis XIV à travers des représentations équestres. Le véritable rival de Jean Bologne en dehors du cercle italien fut en fait le Hollandais Adriaen de Vries (Vers 1550-1626), qui fut dit-on son élève à Florence. De Vries travailla ensuite pour le Duc de Savoie Charles Emmanuel et pour l'Empereur Rodolphe II et accessoirement pour la cour de Hongrie. On voit là que l'art de la sculpture en bronze avait commencé à rayonner à travers l'Europe à partir de 1575. Comme Jean de Bologne, il édifia des fontaines monumentales, notamment à Augsbourg et créa des oeuvres maniéristes magistrales, notamment des chevaux cabrés et autres statuettes très expressives. Notons qu'il y a une dizaine d'années à Drouot, un cheval cabré de De Vries a atteint la bagatelle de dix millions de francs.
Adriaen de Vries, Apollon On aura du mal aujourd'hui à trouver une oeuvre originale de Jean de Bologne en vente alors que des modèles repris par ses élèves, Tacca ou les Susini, sont encore disponibles sur le marché. Ces modèles furent surtout diffusés à travers l'Europe par Antonio Susini, mort en 1624, et son neveu Francesco, mort en 1646. Ce sont eux, ou des artistes de leur entourage ou inspirés par Jean de Bologne, qui ont produit des quantités d'oeuvres qu'on trouve parfois dans des ventes aux enchères. Citons ainsi une représentation présumé du Dieu Mars, en fait plutôt un bourreau avec son sabre recourbé dans une main, l'autre main restant libre, alors qu'une récente découverte suggère qu'elle tenait une tête tranchée, estimée l'an dernier 150 000 FF à Drouot, qui a atteint la coquette somme de 7500 000 FF avec les frais. Finement ciselée et nantie d'une belle patine, on peut attribuer cette statuette à Francesco Susini sans trop de réserve. La montée en puissance des monarques et des princes à la fin du XVIe siècle va de pair avec la production intensive de sculptures en bronze. En France, c'est Prieur qui exécute des bustes de Henri IV alors que Rodolphe II et Philippe II font appel à des artistes pour être figés dans l'éternité. Louis XIV s'entourera de même de nombreux sculpteurs pour fixer sa gloire jusqu'au moment où acculé à la ruine par des guerres à répétition, il commettra une faute irréparable en ordonnant la fonte de toutes les pièces d'argenterie de son royaume pour renflouer ses caisses. On imagine sans peine que concernant le bronze, la priorité fut donnée à partir de 1685 à la fabrication de canons plutôt que de sculptures. On constate encore que les phénomènes économiques et politiques ont souvent influé sur le cours de l'histoire de l'art. Le bronze, matière noble par excellence, ne fut destiné en grande partie qu'à la noblesse et si Louis XIV donna entre 1655 et 1685 un grand élan au domaine de la sculpture en bronze, il n'en resta pas moins en grande partie responsable de son déclin pendant des décennies. On peut ajouter que Colbert avait su donner un rôle déterminant aux artistes alors que Louvois, son successeur, fut moins accessible aux milieux artistiques. A partir du début des années 1680, Louvois donna la priorité aux dépenses militaires avant de connaître la disgrâce en 1689 mais le mal était fait car jamais le royaume ne put se relever de telles dépenses. Il est patent que la production de statues équestres représentant le roi fut grandement freinée avant même 1700, année qui représenta le début des misères progressives du royaume avec un lot incessant de guerres qui coïncida avec une période de durs hivers et même de famine. On peut ainsi constater que le Roi Soleil avait commençé à décliner quinze ans avant sa mort qui, rappelons-le, ne fut pas un événement propre à faire pleurer les Français puisqu'on enterra le monarque à la sauvette alors que certains de ses serviteurs eurent l'outrecuidance de se servir dans les appartements royaux durant l'organisation d'obsèques clandestines. Si la Révolution intervint moins de 75 ans plus tard, ce fut ainsi plus ou moins par la faute de ce roi qui n'avait pas su préserver tous les acquis fabuleux des deux premiers tiers de son règne. Ne jetons donc pas la pierre exclusivement à Louis XVI et à Marie-Antoinette malgré la cervelle d'oiseau de cette dernière.
Martin Desjardin, statue équestre de Louis XIV, vers 1690 | Guillaume de Groff, statue équestre de Louis XIV, début XVIIIe siècle | Bref, avec Louis XIV, l'art de la sculpture en France connut toutefois une période dorée à la suite de Pierre Puget (1626-1694) qui représenta le roi en buste à plus d'une occasion. Toute une pléiade de sculpteurs travaillèrent à la gloire du monarque comme Girardon ou Le Hongre mais cependant dans un registre limité, c'est à dire tout tourné vers la splendeur de ce dernier. N'oublions pas non plus le rôle de Mme de Maintenon, qui amena le roi à mener une vie plus austère et les conséquences néfastes de la révocation de l'Edit de Nantes en 1685 qui provoqua le départ du royaume de nombreux artistes et artisans. UN DEMI-SIECLE D'OR EN FRANCE Avant d'évoquer le XVIIIe siècle et les périodes suivantes, il convient de rappeler que l'art du bronze au XVIIe siècle fut encore prolifique en Italie, du moins jusqu'en 1680 alors qu'en France, il fallut attendre le règne de Louis XIV pour assister à une véritable éclosion qui dura cependant un peu moins d'une cinquantaine d'années. Après l'assassinat de Henri IV, le pays avait été exsangue du fait de la main-mise des Concini sur le pouvoir avant l'avènement de Louis XIII. Il va sans dire qu'il y eut une période d'anarchie culturelle et un vide artistique. Les artistes français eurent ainsi du mal à s'exprimer alors que les Italiens purent continuer à imposer leur vision à travers une bonne partie de l'Europe. Pierre Francheville (suite de) l'hiver Il y eut cependant quelques artistes qui sortirent du rang comme Pierre Francheville, un franco-flamand, élève de Jean de Bologne qui travailla avec ce dernier pour le compte de Henri IV.
Ses esclaves enchaînés au pied de la statue équestre du roi recelaient tous les artifices de la sculpture florentine alors qu'en France seul Mathieu Jacquet parvint à se distinguer, mais à un niveau bien inférieur. Le déclin de la sculpture florentine s'amorça dès la première moitié du XVIIe siècle tandis que celle de Rome commençait à connaître son heure de gloire. Ce fut Louis XIV qui invita le Bernin en France et dès son arrivée en 1665, celui-ci influença nombre d'artistes français à travers ses oeuvres, tel son David, son enlèvement de Proserpine, le groupe Enée et Anchise et ses travaux pour la façade du Louvre. Toutefois, le Bernin, dont le caractère était quelque peu odieux, ne resta pas longtemps à Paris. Ce fut surtout Alessandro Algardi, son compatriote, qui eut une influence plus durable sur les sculpteurs français comme Michel et François Anguier et Pierre Puget. Michel Anguier, Neptune, XVIIe siècle | Michel Anguier, Venus Amphitrite XVIIe siècle | Les frères Anguier travaillèrent à Rome et Michel, plus académique que François, adopta un style classique, souvent à l'opposé du maniérisme des artistes florentin. Il créa notamment d'intéressantes sculptures comme son «Neptune», sa «Vénus Amphitrite», «Jupiter» ou «Les Travaux d'Hercule». Michel Anguier, Les travaux d'Hercule, XVIIe siècle Néanmoins, Michel Anguier fut instable dans sa production en oscillant maintes fois entre le maniérisme, le classicisme et le baroque. Finalement, il fut supplanté par Girardon et Coysevox alors que Pierre Puget fut plus constant en trouvant un beau compromis entre le Bernin et Algardi. Il produisit des sculptures étonnantes comme «Milon de Crotone» en 1682, «Persée délivrant Andromède» en 1684 ou la «Rencontre d'Alexandre et de Diogène» en 1693.
| Algardi, Jupiter XVIIe siècle | Auparavant, Simon Guillain, mort en 1658, avait été tout comme Jean Varin parmi ceux qui ne subirent pas d'influence étrangère, à produire des oeuvres typiquement françaises. On peut encore citer Jacques Sarrazin qui affirma son propre style à travers le bas relief de la Justice et le bronze du tombeau de Condé à Chantilly. Il parvint ainsi à réaliser un mélange de classicisme et de baroque qui s'imposa durant le règne de Louis XIV. Il y eut aussi des artistes comme Gilles Guérin, Thibault Poissant et Louis Lerambert qui produisirent des bronzes de petite taille avant l'avènement de Coysevox et de Girardon. Ce fut grâce à la construction du château de Versailles que les sculpteurs furent mis à contribution sur une grande échelle et qui permit à Coysevox et Girardon de s'exprimer pleinement. Versailles fut une mine de symboles traduits en bronze par ces sculpteurs et par d'autres. On peut aujourd'hui admirer des oeuvres comme «Le Nil», «La Dordogne», «Le Tibre» ou «Apollon» exécutés par Coysevox, Jacques Buirette et Girardon. Toutefois, l'art du bronze demeura un art de cour et les sculptures produites par les artistes furent souvent offertes en cadeaux à des ambassadeurs étrangers. N'oublions pas l'influence du cardinal Mazarin qui collectionna des quantités de bronzes italiens qu'il légua à Louis XIV qui lui-même devint collectionneur. En 1684, le roi possédait 168 bronzes et à sa mort, on en compta 335, groupes, figures, têtes et bas-reliefs, dans sa collection. L'art sous Louis XIV ne donna cependant pas une approche nouvelle, les sculpteurs se contentant de puiser leur inspiration dans l'antiquité gréco-romaine et leurs prédécesseurs de la Renaissance. Louis XIV voulut que Versailles fût comme une galerie d'art à ciel ouvert où les grands modèles classiques se multiplièrent à l'envi. Mais les artistes ne cherchèrent pas à rendre leurs sujets sensuels mais plutôt à atteindre une froide perfection avec une place privilégiée réservée aux héros. Coustou représenta César, Sébastien Slodtz montra Hannibal, Girardon glorifia Alexandre. L'art sous Louis XIV mit donc l'accent sur la représentation et la glorification du roi à travers ses succès militaires.
A la longue, l'art du bronze fut l'apanage du roi et des grands du royaume et de ce fait, le public fut seulement invité à admirer les oeuvres et certainement pas à les acquérir. Les artistes représentèrent également la femme à travers des figures mythologiques comme Diane produite notamment par Anselme Flamen ou la version de Vertumus et Pomone exécutée par le Lorrain. Les représentations féminines figuraient la paix et la sérénité, en dehors du jeu politique. Girardon et Desjardins en donnèrent les plus beaux exemples avec ces Diane, Vénus ou Andromède qui formèrent un contre-point intéressant face à ces oeuvres glorifiant la personne royale. Mais avant tout, ce furent les représentations équestres qui auréolèrent la sculpture française au temps de Louis XIV grâce à Girardon qui instaura un style nouveau et original de cavalier, notamment avec sa statue équestre du roi de six mètres de haut qui orna la place des Conquêtes (place Vendôme). Celle-ci fut coulée d'un seul tenant et nécessita l'utilisation de 40 tonnes de métal. Elle fut érigée un an avant la disparition de Girardon en 1699, élevée sur un socle de marbre et de bronze à figures d'Atlantes conçues par Sébastien Slodtz. Girardon exécuta plusieurs bronzes équestres représentant le roi en s'inspirant du Marc Aurèle du Capitole à Rome, le Guattamelatta de Donatello à Florence, le Condottiere de Verrocchio à Venise, la statue équestre d'Henri IV de Jean de Bologne à Paris et le Louis XIV du Bernin à Versailles. Girardon préféra finalement l'antique en s'inspirant du Marc-Aurèle mais en montrant un roi quelque peu hautain sur un cheval servant de faire-valoir au cavalier. A la suite de Girardon, s'illustrèrent Etienne Le Hongre, Martin Desjardins, Simon Hurtrelle, Guillaume de Groff ou Jean Gobert. La représentation en buste du roi et de grands personnages fut pour nombre d'artistes un autre thème de prédilection, notamment pour Coysevox avant et après 1700. Au début du XVIIIe siècle, la production de ces bronzes diminua tout autant que le nombre des artistes, Gobert (1680-1742) restant un des derniers à réaliser des modèles pour des monarques européens. Mais comme on l'a précisé plus haut, la grande époque de l'art du bronze en France s'éteignit progressivement à partir de 1690. Sous Louis XIV ce fut aussi un art d'apparat dirigé par Charles Lebrun, exécuté par Girardon et d'autres artistes ainsi que par l'atelier des Gobelins qui abrita quelque 300 artistes, ouvriers et aides dans les domaines de la peinture, de la broderie, de l'ébénisterie, de la gravure et de l'orfèvrerie. Ce fut donc une production dirigée où l'individualité joua un rôle effacé et où les fondeurs eurent un rôle aussi important que les sculpteurs, tels les frères Keller, Aubry et Le Pileur et encore Bonvallet, Roger, Taubin, Langlois, Sautray, Nècre, Scabol, Forestier, Leclair, Le Blond, Ludovisi, Spagna, Lochon, Vannier, Piserone et tant d'autres qui réalisèrent des fontes de grande qualité.
Les grandes statues étaient fondues d'un seul jet alors que les petits modèles se faisaient à la chaîne découpés en de nombreuses parties fondues séparément puis assemblées avec soin par des ouvriers qui surent appliquer avec talent une patine glacée au vernis et ciseler les pièces avec une rare précision. Les patines françaises étaient faites d'un vernis chatoyant avec un rouge violacé se superposant à une sous-couche brun clair recouverte d'un vernis translucide qui donnaient une rare luminosité aux bronzes. On produisit également des pièces avec une patine brun-foncé sur une sous-couche verte revêtue d'un glacis ou des patines miel-clair utilisées pour les bronzes de Slodtz. On n'oubliera pas que ces bronzes produits en France avaient une filiation certaine avec les oeuvres de Jean de Bologne dont la majesté et l'avantageuse vision frontale permettaient une présentation idoine sur des meubles. Ceux-ci inspirèrent Girardon et Lepautre notamment. On ne peut finalement manquer de noter que les bronzes français furent avant tout d'apparat du fait de leur présentation sur des socles richement travaillés sinon somptueux en marqueterie Boulle rehaussés de bronzes dorés. De là la liaison naturelle avec le bronze d'ornement du XVIIIe siècle. Il n'y eut pas moins d'une soixantaine de bons sculpteurs en France entre 1640 et 1710 mais deux décennies plus tard, l'art du bronze sombrait pour n'être plus qu'une industrie vouée à la décoration. On peut épiloguer sur le pourquoi et le comment de cette décadence qui fut certainement due à un changement de politique à partir de 1685 et surtout à une suite de guerre qui engendrèrent une grave crise économique, la fin du règne de Louis XIV effaçant d'un seul coup plus de cinquante années de gloire. Encore une fois, la politique et l'économie eurent une influence directe sur l'art et après la mort du roi, une nouvelle ère s'ouvrit sous la Régence. Ce fut alors la période des galanteries décrites par Gillot ou Watteau qui ouvrit la page d'un siècle plus libertin, donc moins empreint de classicisme. N'oublions pas encore qu'à partir de 1725, les ébénistes commencèrent à créer des meubles munis de garnitures en bronze alors que de nombreux cartels en bronze doré furent produits durant les années 1730. L'art du bronze connut ainsi une autre destination en ayant alors un caractère essentiellement décoratif en France d'abord puis en Europe où les réalisations de statuettes de bronze doré, à Augsbourg notamment, diminuèrent durant le premier tiers du XVIIIe siècle. Au style classique et maniériste du siècle précédent succéda un art baroque plus ou moins exacerbé selon les pays. On comprend alors pourquoi, en dehors de la production de statues équestres de monarques, l'art de la statuaire marqua grandement un temps d'arrêt jusqu'au début du XIXe siècle. Il y eut aussi un problème de succession, Louis XV étant trop jeune pour régner, il y eut une époque transitoire avec un Régent qui n'osa pas chercher à se glorifier à travers des statues, ce qui lui aurait probablement valu d'être considéré comme un usurpateur. La Régence ne profita pas aux artistes mais plutôt aux artisans qui continuèrent à produire des meubles et des ornements de qualité mais le Régent Philippe avait d'autres soucis en tête que de donner un élan prioritaire à l'art.
La Régence imposa cependant un style qui s'éloigna de la pompe classique du XVIIe siècle où les ors décoratifs supplantèrent le faste passé. Les modes changèrent tout comme les perruques et la forme des meubles et lorsque Louis XV put s'asseoir sur le trône, un autre vent, plus libertin, souffla sur Versailles. Curieusement, les sculpteurs délaissèrent le bronze et préférèrent créer des oeuves en marbre ou en terre cuite. L'époque Louis XV fut celle de la délicatesse et ce fut une période faste pour les figurines en porcelaine qu'elles fussent de Meissen, de Nymphembourg, de Vincennes ou de Sèvres. Le bronze, matière lourde, et ses accents virils et brutaux ne trouva plus grâce aux yeux des monarques. Certes, on continua bien à produire des statues équestres et quelques bustes mais en quantité limitée et avec moins de vigueur et de talent qu'au siècle précédent. Et puis, les petits modèles en bronze produits durant tout le XVIIIe siècle servirent avant tout à orner des pendules alors que nombre de bronziers s'étaient investis dans la fabrication d'ornements pour des meubles dont les prix étaient démesurés par rapport à ceux qui n'en avaient pas. Vint la révolution qui porta un nouveau coup d'arrêt à la production de petits bustes ou de statuettes sans compter le nombre incroyable de statues équestres représentant Louis XIV ou Louis XV qui furent démantelées et fondues suite à la haine des révolutionnaires envers la monarchie. Ce véritable massacre, ajouté à la destruction du trésor royal de St Denis et à la dispersion des contenus de Versailles et de nombreux châteaux, fut un désastre pour le patrimoine culturel de la France qui perdit en l'espace de cinq années des milliers de pièces inestimables. On a encore du mal aujourd'hui à mesurer cette perte. Vint ensuite l'Empire mais là encore Napoléon donna la préférence aux sculpteurs qui, comme Canova, travaillaient plutôt le marbre et si des bronzes furent produits, ceux-ci furent une nouvelle fois perdus lors de la Restauration. Ce ne fut donc qu'à partir des années 1830 que l'art du bronze commença à renaître de ses cendres après une période durant laquelle on s'attacha à réaliser des petits modèles, souvent à la gloire des grands rois tels qu'Henri IV ou Louis XIV. La mode du Grand Tour instituée par les Anglais au début du XVIII e siècle donna aussi lieu à une floraison de copies d'après des bronzes antiques à partir des années 1820. Ce fut surtout le Salon de Paris qui donna l'occasion à des sculpteurs comme Barye de se manifester dans un nouveau registre, la représentation très naturaliste d'animaux. Barye ne dédaigna pas les sujets mythologiques et des représentations féminines mais trouva réellement sa voie avec la sculpture animalière en produisant des sujets saisissants de vérité. Il n'avait pas à aller bien loin pour représenter des éléphants, des lions et des crocodiles puisque le Jardin des Plantes à Paris fut son endroit favori pour dessiner sur le vif ces animaux avant de les réaliser en plâtre puis en bronze. L'époque du règne de Louis-Philippe et l'avènement de la révolution industrielle fut propice à un développement de l'art du bronze à une grande échelle surtout que les artistes bénéficièrent des commandes d'une nouvelle clientèle bourgeoise alors que les bronzes purent être produits industriellement grâce au procédé Acolas de reproduction.
Durant le règne de Napoléon III, de nombreux artistes s'étaient mis à imiter Barye tels Frémiet, Mène, Le Courtier, Comte du Passage et bien d'autres encore. On vit éclore de grandes fonderies comme celle de Barbedienne puis des frères Susse qui produisirent un nombre incroyables de bronzes. Après la guerre de 1870, l'heure de la revanche pour la France avait sonné, ce qui donna l'occasion à des sculpteurs de produire des bronze allégoriques avec des Victoires, des Jeanne d'Arc, des soldats héroïques alors que l'heure était à un académisme pur et dur qui se manifesta par une statuaire grandiose réservée à la décoration de ponts ou de bâtiments. Parallèlement, des artistes comme Dalou et Rodin embrayèrent vers une nouvelle forme de sculpture mêlant le monumental et le modernisme. On continua cependant à produire des bronzes décoratifs signés M., A. ou H. Moreau, des femmes-papillons, des nus féminins, des angelots, des St Michel ou des St Georges et une impressionnante série de chevaux et autres animaux tout au long du XIXe siècle. Cette production industrielle limita cependant le contingent des artistes inventifs comme si la plupart des sculpteurs se contentaient de produire à la demande des modèles qui plaisaient un public peu porté vers l'avant-garde. A la longue, Rodin devint classique tout comme Maillol qui fut le chantre du nu et Camille Claudel, qui fut une des premières femmes du tout début du XXe siècle à exceller dans le domaine de la sculpture. Après la Première Guerre Mondiale, l'art du bronze évolua sous l'impulsion du Cubisme et de la mode Art Déco mais les artistes furent moins nombreux que ceux du XIXe siècle dans ce registre. De plus, entre les années 1930 et 1950, il fut souvent un art décoratif, sinon de propagande, notamment en Allemagne puis en Union Soviétique et à un degré bien moindre en France, tout en devenant souvent lié à un style d'architecture qui devint quelque peu uniforme à travers l'Europe. Aujourd'hui, on retient essentiellement les noms de J. Epstein, Archipenko, Picasso, Julio Gonzales, Zadkine, Lipchitz, Germaine Richier, Alberto Giacometti, Henry Moore, Max Ernst, César, Arman, Barry Flanagan, Botero et de quelques autres, ce qui représente un contingent assez maigre dans le monde de l'art qui compte des centaines de grands artistes dans le domaine de la peinture. Il faut néanmoins rappeler que le bronze est coûteux à produire, lourd au niveau du poids, cher à la vente et moins facile à insérer dans un décor qu'un tableau. Adrian Darmon
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