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L'Expressionnisme en Allemagne

Cet article se compose de 11 pages.
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Le Lexique

L'Expressionnisme allemand a joué un rôle majeur, en association avec le furtif mouvement fauve français, dans le développement de la peinture moderne au tournant du 20e siècle.

Tandis que les Fauves français exprimèrent leurs talents pendant moins d'une décennie, l'Expressionnisme allemand survécut à la Première guerre mondiale et dura jusqu'à la montée du nazisme. Après 1933, ce mode artistique cessa d'exister et fut qualifié de "dégénéré" par les dirigeants du IIIe Reich.

Les peintres expressionnistes allemands et quelques artistes belges et hollandais furent certainement influencés par les Fauves français qui dès les premières années du 20e siècle avaient été les pionniers d'une nouvelle forme de peinture fondée sur l'utilisation des couleurs pures sur la toile.

Avec les mouvements "Die Brücke" et "Der Blaue Reiter", les Expressionnistes allemands se firent connaître dès avant 1910, au moment où le courant fauve français commença à battre de l'aile, ses plus grands représentants, Matisse, Marquet, Van Dongen, Braque, Derain, Friesz et Vlaminck ayant décidé brutalement de s'en écarter.

En fait, le public français ne fut jamais véritablement réceptif au Fauvisme qui, durant une décennie, perpétua en quelque sorte le divisionnisme institué par Seurat alors que l'esprit allemand apparut bien plus adapté à l'Expressionnisme, particulièrement après la première guerre mondiale quand l'Allemagne dut faire face à d'impitoyables conditions de vie, et ce, jusqu'au début des années 30.

Ainsi, l'Expressionnisme allemand fit date dans l'histoire de la peinture moderne alors que le Fauvisme en France apparut simplement comme un bref intermède précédant la montée du Cubisme ou l'art de Matisse, qui n'y adhéra que durant trois petites années.

On compte un très grand nombre de peintres expressionnistes en Allemagne, mais peu en France ou dans d'autres pays. Paradoxalement, sans l'influence des Fauves, de nombreux artistes n'auraient pas eu l'opportunité de pleinement s'exprimer de l'autre côté du Rhin.

En France, l'Expressionnisme fut toujours mal perçu du fait de sa connotation germanique et de son rapport étroit avec la crise qui affecta l'Allemagne après la Première Guerre Mondiale car il refléta en grande partie une réaction esthétique résultant de la déliquescence de l'empire allemand au tournant du XXe siècle. Les oeuvres produites dès le départ traduisirent ainsi un rejet de la société et de la tradition classique avec le désir chez nombre d'artistes de traiter le pathétique et le chaos à l'opposé de leurs homologues français qui se contentèrent de prolonger l'art de Seurat en insistant sur l'utilisation des couleurs pures tout en rejetant l'Impressionnisme qui à leurs yeux menait à une impasse.

Néanmoins, l'Expressionnisme ne fut pas à proprement parler un mouvement ni une école, contrairement au Surréalisme ou au Futurisme, d'autant plus qu'après la Première Guerre Mondiale, il ne fit que vivoter jusqu'à la prise du pouvoir par les nazis en 1933. Il s'était agi en fait pour les artistes de définir un mode d'expression pour s'insurger d'une part contre l'académisme et d'autre part, contre la société et ses valeurs mais en traduisant leurs interrogations et surtout leur pessimisme sur la toile, ils ne pouvaient que devenir finalement gênants pour les tenants d'un ordre nouveau.

Ce fut donc à partir d'une révolte identitaire que l'Expressionnisme prit son envol, les peintres exprimant avant tout leur mal-être et leurs angoisses, inspirés probablement en premier lieu par Edvard Munch, le peintre norvégien qui le premier en 1893 exhala la souffrance déchirante sur une toile avec son célèbre "Le Cri", un tableau produit à une époque où la société scandinave vivait dans le plus parfait conformisme.

Au tournant du siècle, avec l'apparition de l'Art Nouveau, le développement industriel et l'émergence de la psychanalyse, de nombreux artistes allemands confrontés alors à d'intenses questionnements eurent ainsi l'occasion de représenter la souffrance, la dérision, un certain fatalisme et leurs angoisses dans leurs oeuvres. Alors que les Fauves français optèrent pour l'expression vive de la couleur, les Allemands et les Autrichiens se tournèrent vers la représentation cinglante et caricaturale des corps, comme Kirchner, Nolde, Schiele ou Klimt et ensuite Dix, des peintres qui flirtèrent avec la dérision en empruntant une voie les menant vers l'angoisse, le nihilisme et le cataclysme.

La société allemande forgée par Bismarck ayant commencé à se déliter au début des années 1900, ces artistes se lancèrent à corps perdu dans l'adoption d'un nouveau langage visant à rompre avec l'académisme et l'ordre établi. En France, les Fauves se contentèrent de destructurer les formes et les couleurs alors que les Expressionnistes allèrent plus loin en créant des oeuvres violentes, instinctives et agressives à la fois, à contre-courant de l'Impressionnisme, revisité à partir des années 1880 en Allemagne sous le pinceau de Liebermann ou de Corinth .

l'Expressionnisme servit de tremplin à certains peintres, comme Kandinsky, pour passer plus aisément à l'abstraction avant la Première Guerre Mondiale mais comme il ne s'agissait pas d'un mouvement structuré, il eut ses limites dans la manifestation de leur rebellion surtout que dès 1914, il commença à perdre de sa force et de son influence avec l'apparition du Dadaïsme, du Surréalisme et du Futurisme. On ne doutera pas cependant que sans lui, ces tendances là n'auraient pas pu s'imposer aussi vite. N'empêche, l'Expressionnisme fut annonciateur du grand cataclysme de la guerre, notamment à travers Meidner avec ses oeuvres apocalytiques créées au début des années 1910, et servit à ouvrir la porte à la grande révolution artistique qui précéda et suivit le conflit mondial. Il faut dire aussi que la guerre lui fit perdre des représentants majeurs comme Marc ou Macke et qu'elle perturba les esprits d'autres artistes qui ne retrouvèrent plus leur verve d'avant 1914.

L'Expressionnisme permit néanmoins à nombre de peintres de se montrer plus audacieux à partir du moment où ils décidèrent de verser dans la dénonciation d'une société repue encore ancrée dans le XIXe siècle et ses injustices. Il avait d'ailleurs failli être récupéré par les nazis après avoir reflété le malaise social qui s'était étendu à travers toute l'Allemagne durant les années 1920 mais Hitler le jugea dangereux et inadapté à l'instauration de la société idéale qu'il entendait mettre en place de sorte qu'il devint le miroir de l'art dégénéré après 1933. Dès lors, la plupart des artistes expressionnistes furent persécutés en Allemagne alors que d'autres retournèrent leur veste en essayant de composer avec le régime totalitaire pour continuer à vivre décemment en produisant dès lors des oeuvres mièvres.

Le groupe "Die Brücke" fut un des premiers qui regroupa des artistes expressionnistes entre 1905 et 1913 tout comme le "Blaue Reiter" qui compta dans ses rangs Schmidt-Rottluff, Kirchner, Pechstein, Marc, Heckel et Kokoschka. L'Expressionnisme fut alors avant tout considéré comme germanique même si en France ce terme fut employé dès 1901 et que certains Fauves furent labellisés comme expressionnistes lors d'une exposition de la Sécession de Berlin organisée en 1911. On décrivit ainsi comme expressionnistes les peintres tournés vers la violence des couleurs et la déformation des formes. Le fait est que l'Expressionnisme eut un caractère international sauf que ce fut en Allemagne qu'il fut le plus exacerbé.

En dehors de Munch, pionnier par excellence, il convient de ne pas oublier le rôle que joua Van Gogh dans l'émergence de l'Expressionnisme d'autant plus qu'il fut le peintre du désespoir et de la misère et se rappeler que Gauguin, à travers son oeuvre symboliste et son désir d'un retour aux sources exerça une influence considérable sur des artistes comme Kirchner, Heckel, Nolde ou même Franz Marc alors que les toiles du Belge Ensor eurent des accents très expressionnistes dès la fin des années 1880.

Avec l'apparition en 1905 du groupe "Die Brücke" qui reconnut l'apport du Fauvisme dans sa nouvelle déclinaison de l'Expressionnisme, les ferments étaient déja opérationnels pour faire trembler la société artistique allemande sur ses bases mais paradoxalement, la révolution en cours n'emprunta pas immédiatement la voie d'un modernisme appuyé en se contenant surtout d'opérer un retour à l'art du Moyen-Age et en puisant ses racines chez les Primitifs du XVe siècle.

Fondé par Marc et Kandinsky, ce fut le "Blaue Reiter" qui donna ses lettres de noblesse à l'Expressionnisme en imposant une démarche franchement nouvelle tout en ouvrant la voie à de nouvelles perspectives comme l'abstraction. Nettement plus incisif et violent après la Première Guerre Mondiale, l'Expressionnisme devint alors plus politique sous l'impulsion de peintres comme Dix, Grosz, Schad et Beckmann mais leur hargne, tout comme celle manifestée dans les domaines du théâtre, notamment par Brecht, ou de la littérature, fut en fait comme le dernier soubressaut d'une société artistique agonisante et prête à se laisser dompter par les partisans de l'ordre nouveau conçu par Hitler. L'exaspération eut ainsi ses limites dans une Allemagne épuisée par la guerre et prête à se laisser séduire par le diable pour renaître.

On l'a souligné plus haut, l'Expressionnisme permit l'éclosion de nouvelles tendances comme le Futurisme qui traduisit l'envie de montrer le mouvement et la vitesse, symbole d'un monde en pleine révolution, ou de saisir l'instantané. Dès 1909, Marinetti fit paraître le manifeste du Futurisme, un art dont Boccioni fut le chef de file et qui influença aussi nombre d'artistes russes propulsés sur le devant de la scène par la révolution bolchevique en 1917. Contrairement à Hitler qui eut l'Expressionnisme en horreur, Mussolini prit soin de favoriser le Futurisme et de s'en servir abondamment à son profit.

En Belgique et aux Pays-Bas, l'Expressionnisme avait déjà pris racine avec Ensor d'un côté et Van Gogh de l'autre, pour voir ensuite éclore de Smet, Permeke, Gestel ou Van den Bergh. des artistes qui trouvèrent un terreau favorable dans ces pays où l'influence de Bosch et de Brueghel resta longtemps palpable. Il en alla de même dans les pays scandinaves où certains artistes ne se privèrent pas de bousculer la société puritaine.

Finalement, rejeté en France parce qu'il fut jugé abusivement comme une tare germanique, l'Expressionnisme y survécut toutefois sous une forme qui ne voulut pas dire son nom, à travers notamment Georges Rouault puis Fautrier et nombre de peintres venus d'Europe de l'Est, comme Soutine, Modigliani ou Chagall qui furent rangés commodément parmi les peintres de l'Ecole de Paris mais dont les oeuvres avaient des accents expressionnistes avant de devenir à partir de 1930 la cible des critiques qui réclamèrent un retour aux racines d'un art bien français auquel des Fauves comme Derain et Vlaminck s'étaient déjà ralliés. Cela n'empêcha pas nombre d'artistes autochtones de produire par la suite des oeuvres de tendance expressionniste, comme Gruber, Giacometti, André Masson et plus tard Bernard Buffet.

Nous pensons que la liste d'artistes qui suit donnera une idée de la véritable importance de l'expressionnisme allemand dans l'Histoire de l'art moderne. Un tel lexique sera très utile aux visiteurs d'artcult attirés par une forme d'art plutôt forte au niveau des couleurs et somme toute assez agressive à laquelle succéda après 1945 l'art Cobra ou l'Expressionnisme-Abstrait aux Etats-Unis. C'est dire son héritage.

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