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Lors de la campagne présidentielle, la tactique de Ségolène Royal était quelque peu gauche tandis que celle de Nicolas Sarkozy était plutôt adroite…
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LA MONUMENTALE ESCROQUERIE DU TRIO INCOMPARABLE DE FRIBOURG
06 Janvier 2011 Catégorie : News
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Cet article se compose de 8 pages.
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Bref, les enquêteurs ont soupçonné le trio d'avoir écoulé au moins une quarantaine de faux tableaux sur une période de plus de 15 ans et ce, en les présentant à des maisons de vente, comme Lempertz à Cologne ou Christie's à Londres, ou en les vendant à travers d'autres circuits pour des montants susceptibles d'atteindre au total plus de 50 millions d'euros. Inutile de dire que cette affaire stupéfiante a ridiculisé les experts, les représentants de grandes maisons de vente et plusieurs galeristes en vue pourtant réputés avoir du flair lesquels n'ont pas douté un seul instant de l'authenticité des œuvres écoulées par le redoutable trio qui avait su subtilement leur conférer une provenance mythique, à savoir celle d'Alfred Flechtheim, un célèbre marchand des années 1920. Tirant avantage d'une forte demande d'œuvres de qualité sur le marché de l'art et notamment de l'appétit prononcé des amateurs pour les tableaux expressionnistes allemands, les Beltracchi avaient ainsi facilement trompé les représentant de la maison Lempertz en leur faisant croire que les oeuvres dont ils désiraient se séparer provenaient de la collection d'un grand-père appelé Jägers. Les responsables de Lempertz n'avaient donc pas cru bon de poser des questions insidieuses au sujet de cette collection, vraisemblablement par crainte de froisser leurs interlocuteurs qui ne se seraient alors pas privés de proposer leurs tableaux à des concurrents. Le fait est que d'ordinaire plus circonspects, des spécialistes et des marchands de premier plan furent dupés par l'épouse de Beltracchi et sa sœur qui avaient su admirablement endormir leur méfiance avec cette histoire de provenance Jägers et cette belle fable de tableaux réputés perdus. Selon Helene Beltracchi, son grand-père Werner Jägers avait ainsi acquis auprès de son ami Alfred Flechtheim à la fin des années 1920 et au début des années 1930 un certain nombre de tableaux signés par les peintres expressionnistes Campendonk, Pechstein, Ernst, Nauen ainsi que des œuvres par Braque, Derain, Dufy ou Marcoussis. Elle avait ajouté qu'ayant pris peur de voir les nazis saisir ses tableaux au motif que ceux-ci avaient décrété que les peintres expressionnistes ou cubistes étaient des artistes dégénérés, Werner Jägers les avait cachés dans une maison de la région de Eiffel avant de les confier à ses filles quelques années avant sa mort. La collection en question était simplement bidon. Par contre, le grand-père Jägers avait bien existé. Né en Belgique en 1912, marié à quatre reprises et accessoirement membre du parti nazi au milieu des années 1930, il avait travaillé comme entrepreneur dans le bâtiment à Cologne où il était mort en 1992 sans avoir jamais manifesté un quelconque intérêt pour l'art, à part le fait d'avoir peint des petits tableaux ou acheté quelques croûtes pour le plaisir. Selon sa dernière épouse, Jägers n'avait possédé que quelques toiles sans réelle valeur alors que rien parmi les documents trouvés à son sujet n'avait suggéré une quelconque relation avec Flechtheim.
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Durant près d'une vingtaine d'années, trois ingénieux individus sont parvenus à berner nombre de spécialistes du marché de l'art en vendant plus d'une quarantaine d'œuvres expressionnistes allemandes soi-disant redécouvertes qui n'étaient en fait que des plagiats habilement exécutés. C'est un scandale sans précédent qui a éclaté outre-Rhin avec l'arrestation en août 2010 d'un ancien hippy, de sa femme et de sa belle-sœur qui ont réussi à écouler tant de fausses toiles sans éveiller les soupçons des experts. Ces tableaux, peints en fait par Wolfgang Beltracci et vendus par sa femme Helene et sa belle-sœur qui disaient les avoir reçus en héritage de leur grand-père ont rapporté des millions d'euros à ce trio diabolique qui menait grand train dans une villa cossue de Fribourg où les gens qui les côtoyaient n'avaient pourtant pas manqué de se poser des questions au sujet de leur fortune. Pour les uns, Beltracchi était un artiste qui ne peignait des œuvres que pour des millionnaires qui le rétribuaient grassement. Pour les autres, il semblait être un marchand d'art en réussite, voire un collectionneur aisé ou un chineur au flair incroyable qui avait trouvé des chefs d'œuvre en allant hanter des foires à la brocante ou des marchés aux puces. Pour étranges qu'ils paraissaient, les Beltracchi aimaient entretenir le mystère à leur sujet tout en ne dédaignant pas organiser des fêtes somptueuses dans leur villa acquise pour plus d'un million d'euros en 2005 jusqu'à ce fameux jour du 27 août 2010 où la police vint les cueillir à 7 heures 35 du matin dans le cadre d'une enquête pour diffusion de faux ordonnée par le procureur de Cologne. A partir de ce moment, la police alla de surprise en surprise en interrogeant le trio, la mère des deux femmes et un marchand d'art de Krefeld du nom d'Otto Schulte-Kellinghaus pour démêler alors une affaire incroyable de plagiats, vraisemblablement la plus énorme que le marché de l'art ait pu connaître.
Bref, les enquêteurs ont soupçonné le trio d'avoir écoulé au moins une quarantaine de faux tableaux sur une période de plus de 15 ans et ce, en les présentant à des maisons de vente, comme Lempertz à Cologne ou Christie's à Londres, ou en les vendant à travers d'autres circuits pour des montants susceptibles d'atteindre au total plus de 50 millions d'euros. Inutile de dire que cette affaire stupéfiante a ridiculisé les experts, les représentants de grandes maisons de vente et plusieurs galeristes en vue pourtant réputés avoir du flair lesquels n'ont pas douté un seul instant de l'authenticité des œuvres écoulées par le redoutable trio qui avait su subtilement leur conférer une provenance mythique, à savoir celle d'Alfred Flechtheim, un célèbre marchand des années 1920. Tirant avantage d'une forte demande d'œuvres de qualité sur le marché de l'art et notamment de l'appétit prononcé des amateurs pour les tableaux expressionnistes allemands, les Beltracchi avaient ainsi facilement trompé les représentant de la maison Lempertz en leur faisant croire que les oeuvres dont ils désiraient se séparer provenaient de la collection d'un grand-père appelé Jägers. Les responsables de Lempertz n'avaient donc pas cru bon de poser des questions insidieuses au sujet de cette collection, vraisemblablement par crainte de froisser leurs interlocuteurs qui ne se seraient alors pas privés de proposer leurs tableaux à des concurrents. Le fait est que d'ordinaire plus circonspects, des spécialistes et des marchands de premier plan furent dupés par l'épouse de Beltracchi et sa sœur qui avaient su admirablement endormir leur méfiance avec cette histoire de provenance Jägers et cette belle fable de tableaux réputés perdus. Selon Helene Beltracchi, son grand-père Werner Jägers avait ainsi acquis auprès de son ami Alfred Flechtheim à la fin des années 1920 et au début des années 1930 un certain nombre de tableaux signés par les peintres expressionnistes Campendonk, Pechstein, Ernst, Nauen ainsi que des œuvres par Braque, Derain, Dufy ou Marcoussis. Elle avait ajouté qu'ayant pris peur de voir les nazis saisir ses tableaux au motif que ceux-ci avaient décrété que les peintres expressionnistes ou cubistes étaient des artistes dégénérés, Werner Jägers les avait cachés dans une maison de la région de Eiffel avant de les confier à ses filles quelques années avant sa mort. La collection en question était simplement bidon. Par contre, le grand-père Jägers avait bien existé. Né en Belgique en 1912, marié à quatre reprises et accessoirement membre du parti nazi au milieu des années 1930, il avait travaillé comme entrepreneur dans le bâtiment à Cologne où il était mort en 1992 sans avoir jamais manifesté un quelconque intérêt pour l'art, à part le fait d'avoir peint des petits tableaux ou acheté quelques croûtes pour le plaisir. Selon sa dernière épouse, Jägers n'avait possédé que quelques toiles sans réelle valeur alors que rien parmi les documents trouvés à son sujet n'avait suggéré une quelconque relation avec Flechtheim.
Il fut par contre plus intéressant pour les enquêteurs d'apprendre qu'à la mort de son grand-père, Helene Beltracchi, une des cinq filles d'un chauffeur-routier belge qui avait passé son enfance et son adolescence dans une HLM de Bergisch Gladbach, avait commencé une carrière d'antiquaire à Cologne où elle rencontra son futur mari Wolfgang, connu alors sous le nom de Fischer, un artiste-peintre qui avait exposé ses œuvres sans grand succès depuis 1978. Ceux qui l'avaient fréquenté dans les années 1970 se rappelèrent de lui comme un hippy rêvant de mener la belle vie sous les tropiques qui se vantait d'avoir fait les 400 coups tout en affirmant avoir appris la peinture dès l'âge de huit ans auprès de son père, un artiste fresquiste et restaurateur qui faute d'avoir réussi, avait fini comme simple peintre en bâtiment du côté d'Aix-la-Chapelle. Au début des années 1980, Fischer s'était fait oublier en passant la plupart de son temps au Maroc ou au sein d'une communauté de hippies. Puis, à son retour en Allemagne, il était devenu organisateur de fêtes tout en essayant vainement de devenir scénariste puis réalisateur de films. En octobre 1990, Wolfgang et un ami achetèrent pour plus de 300 000 marks une ferme à Viersen qu'il rénova à grands frais et où il installa un atelier de peinture. Deux ans plus tard, il devint le compagnon d'Helene Beltracchi puis l'épousa en 1993 tout en adoptant son nom.
Ce fut à partir de ce moment, que le couple devint actif dans le commerce de l'art, surtout Helene qui s'occupa de négocier ce qu'elle avait à vendre alors que Wolfgang passait l'essentiel de son temps à travailler dans son atelier. En 1995, le couple traversa une mauvaise passe au plan financier, ce qui incita Helene à contacter Lempertz à Cologne pour mettre en vente une toile de Hans Purrmann, un élève et ami d'Henri Matisse, laquelle lui avait été léguée par son grand-père maternel Werner Jägers mais la maison de vente la refusa après que l'expert des œuvres de l'artiste allemand eût douté de son authenticité. Nullement découragée pour autant, Helene présenta quelques mois plus tard à la maison Christie's de Londres une huile d'Heinrich Campendonk titrée « Jeune femme avec un Cygne » provenant des collections Flechtheim et Jägers qui cette fois fut acceptée sans aucun problème alors que collée sur le châssis, l'étiquette grossièrement imprimée au nom du galeriste berlinois aurait déjà pu paraître sujette à caution. Cette vente rapporta au couple une somme nette de près de 60 000 livres sterling. Peu après, Wolfgang acheta un mobile-home qu'il aménagea avant de vendre sa ferme de Viersen pour 2,6 millions de mark à une société immobilière et d'aller avec Helene vivre en France dans une maison près de Montpellier où il aménagea un atelier spacieux pour travailler. En juin 1978, Lempertz offrit alors à la vente une toile de Raoul Dufy, « La Plage du Havre » provenant de la collection Jägers mais pour une fois, l'œuvre était parfaitement authentique, ce qui d'après un responsable de cette maison de vente prouverait à quel point le couple Beltracchi avait fait preuve d'ingéniosité en lui présentant de vraies toiles parmi des fausses, notamment de Hermann Max Pechstein ou Campendonk tout en évitant de proposer de trop grosses pointures comme Picasso dont les œuvres sont pour la plupart dûment référencées.
Pour réussir à vendre une grande quantités de plagiats, Wolfgang et Helene avaient ainsi jeté leur dévolu sur des tableaux censés être passés entre les mains d'Alfred Flechtheim, un des plus importants galeristes allemands des années 1920 qui en tant que juif avait dû abandonner des dizaines d'œuvres derrière lui en fuyant les nazis en 1933 pour s'installer d'abord à Paris puis à Londres où il était mort en 1937. De nombreux tableaux appartenant à Flechtheim avaient disparu tout comme la plupart de ses précieuses archives. Le couple Beltracchi imagina alors qu'il serait facile de faire ressurgir à la lumière des œuvres jugées perdues en inventant au passage une relation entre le marchand et le grand-père maternel d'Helene pour leur conférer une provenance intéressante. Pour ne pas éveiller les soupçons, les œuvres de la collection Jägers furent réalisées par Wolfgang d'après des descriptions trouvées dans des catalogues de la galerie Flechtheim où leurs photographies ne figuraient pas alors que bizarrement, aucune des maisons de vente contactées durant les années 1990 par le couple Beltracchi ne s'inquiéta vraiment de l'apparition croissante sur le marché d'œuvres expressionnistes soi-disant miraculeusement redécouvertes. En attendant, le couple Beltracchi vit ses revenus gonfler via la vente de diverses œuvres, ce qui lui permit d'acheter le « Domaine des Rivettes » près de Mèze, dans le Languedoc, qu'il restaura à grands frais et où Wolfgang installa un atelier de plus de 150 M2. Selon le magazine « Der Spiegel », un artiste ancien ami du couple se rappela avoir vu dans la maison de nombreux tableaux de Campendonk, Pechstein ou Max Ernst provenant d'après les dires d'Helene de l'héritage d'un de ses oncles et qu'elle s'apprêtait à mettre en vente. Aucun des visiteurs du domaine n'avait alors pensé qu'il s'agissait de faux sauf l'un d'eux qui en vint à se demander si cette collection n'était pas constituée en fait de tableaux volés par les nazis durant la Seconde Guerre Mondiale. Bref, Helene Beltracchi alla de plus en plus souvent vendre des œuvres de la « collection Jägers » et ce, avec l'aide de sa sœur Jeanette et du mystérieux amateur d'art de Krefeld Otto Schulte-Kellinghaus. En 2001, Jeanette Beltracchi présenta à Lempertz une toile de Pechstein titrée « Pont sur la Seine avec des péniches » qui fut acquise par un collectionneur de Montevideo. En 2003, elle mit en vente une autre œuvre de Pechstein « Nu allongé avec chat » supposée dater de 1909 et dont seule une aquarelle était connue qui fut vendue au galeriste suisse Wolfgang Henze pour près de 500 000 euros. En fait, comme les enquêteurs le constatèrent plus tard, Wolfgang Fischer alias Beltracchi avait copié fidèlement cette aquarelle exposée au Brucke Museum de Berlin à l'aide d'un projecteur tout comme il avait réalisé « Pont sur la Seine » en s'inspirant d'un dessin de Pechstein.
A la mi-octobre de 2005, ayant largement alimenté son compte ouvert dans une banque de la principauté d'Andorre, le couple Beltracchi acheta une luxueuse villa à Fribourg pour plus d'un million d'euros avant d'entreprendre des travaux de modernisation qui durèrent près de 20 mois tout en engrangeant de nouvelle sommes d'argent à travers la dispersion d'autres œuvres de la collection Jägers comme « La Horde » de Max Ernst qui fut vendue à un collectionneur allemand pour plus de 4 millions d'euros chez Christie's en 2006. A la fin du mois de novembre 2006, Lempertz se vit alors proposer par Jeanette Beltracchi un « Tableau rouge avec chevaux » de Campendonk qui fit la couverture du catalogue de la vente pour atteindre alors le prix record de 2,9 millions d'euros. Le tableau fut acquis par une compagnie établie à Malte, la Trasteco Ltd, qui pour avoir l'absolue certitude de son authenticité, se décida alors à requérir l'avis d'une galerie suisse dont le spécialiste trouva étrange de constater que le tableau n'avait pas été dûment certifié au moment de la vente. Se voyant donc demander de confirmer l'authenticité de la toile, Lempertz répondit que le fils de Campendonk avait donné verbalement un avis favorable, mais peu rassurée pour autant, la Trasteco Ltd alla contacter l'historienne d'art Andrea Firmenich laquelle estima utile de faire procéder à une analyse scientifique de l'œuvre. Andrea Firmenich entra ensuite en relation avec Ralph Jentsch, le spécialiste de l'histoire de la galerie Flechtheim qui, en examinant l'étiquette collée sur le châssis du tableau de Campendonk, s'étouffa de rire en y découvrant la reproduction mal fagotée du visage du galeriste avant de signaler qu'il n'avait jamais vu de vignette de ce genre pas plus qu'il n'avait eu connaissance d'une collection « Jägers ». L'étiquette en question était donc bidon tout comme était faux le tableau peint avec des pigments qui n'existaient pas à l'époque où il avait été censé peint. Sur ce, la Trasteco exigea l'annulation de la vente auprès de Lempertz.
Ce fut là qu'on s'intéressa à la provenance Jägers et à l'énigmatique Otto Schulte-Kellinghaus, intimement lié aux Beltracchi, qui lui aussi avait vendu plusieurs œuvres douteuses censées selon lui provenir de sa famille. Travaillant comme publicitaire, Otto avait évoqué un grand-père maternel du nom de Knops, un maître tailleur qui avait acheté de nombreuses œuvres à Flechtheim et qui, sacrée coïncidence, avait été un ami proche du dénommé Jägers auprès duquel il avait voulu échanger deux toiles de Campendonck au début des années 1950. La collection Knops était notamment constituée d'œuvres de peintres expressionnistes allemands mais aussi de l'artiste surréaliste Max Ernst qui, elles, furent toutes authentifiées par Werner Spies, le spécialiste incontournable de ce dernier. Spies et Otto Schulte-Kellinghaus échangèrent notamment plusieurs courriers au sujet de « la Forêt », une œuvre faisant la fierté de ce dernier qui fut ensuite exposée lors d'une rétrospective consacrée à Ernst au Metropolitan Museum de New York. Nul doute que ce jour là, ce cher Otto et Wolfgang Fisher-Beltracci durent danser de joie à l'idée d'avoir floué un des plus grands spécialistes de la peinture moderne lequel avait certifié pas moins de sept tableaux de Max Ernst provenant des collections Knops et Jägers. Outre Spies, plusieurs marchands en vue furent dupés puisque les tableaux d'Ernst furent pour la plupart vendus en privé, parfois avec l'aide de ce spécialiste qui s'est contenté pour l'instant de dire qu'il fallait saluer le génie de leur créateur s'il s'avérait que ceux-ci étaient faux. A tout le moins, Fischer-Beltracchi a été plus que génial en parvenant durant vingt ans à tromper ceux qui se présentaient comme les meilleurs spécialistes du marché de l'art pour rejoindre ainsi dans la légende le fameux Van Meegeren lequel parvint à fourguer de faux Vermeer à des collectionneurs -dont le maréchal Goering en personne- avant et durant la Seconde Guerre Mondiale. A cet égard, il convient de faire un parallèle entre Van Meegeren et Fischer-Beltracchi, à savoir que tous deux ont été des peintres ratés qui pour se venger de leurs échecs se sont alors lancés avec succès dans la production de plagiats.
Toujours est-il qu'une fois qu'une fois que la police allemande a été saisie de l'enquête sur les agissements du trio Beltracchi, il n'a pas fallu plus d'une semaine pour découvrir que la collection Werner Jägers n'avait jamais existé. La police a ensuite cherché à déterminer combien de faux tableaux avaient été mis en vente sur le marché et si Wolfgang avait eu des complices pour créer des plagiats, en s'intéressant notamment à son ami Otto qui dans sa jeunesse rêvait d'être le Warhol allemand. Etrange Wolfgang que certains surnomment déjà le « Mozart du faux » dont le seul haut fait de sa carrière artistique fut d'exposer en 1978 trois toiles à l'acrylique à l'Haus der Kunst Museum de Munich avant de rester dans l'ombre durant près de trois décennies. Toutefois, Wolfgang Beltracci ne resta apparemment pas inactif puisqu'il amassa beaucoup d'argent au fil des ans, apparemment en fabriquant des faux puisqu'il a été soupçonné d'avoir écoulé au moins 44 plagiats depuis le milieu des années 1990 dont 14 d'entre eux auraient été vendus ou confiés à la vente à des galeries françaises par son complice Otto Schulte-Kellinghaus. Il est néanmoins vraisemblable que la carrière de faussaire de Wolfgang Fischer ait démarré dès le début des années 1980 puisque selon d'anciennes enquêtes à son sujet, il aurait écoulé 15 autres tableaux douteux à partir de 1985 et qu'il avait été à deux doigts de se faire prendre dès 1996 par les agents du bureau des enquêtes criminelles de Berlin. Né en 1951, Wolfgang avait fréquenté dès 1969 l'école de Design d'Aix-la-Chapelle avant d'entamer une carrière de peintre qui ne s'avéra finalement guère fructueuse. Avec ses cheveux longs, ses lunettes rondes à la John Lennon et sa moto Harley-Davidson lui donnant l'allure de Peter Fonda dans le film « Easy Rider », Wolfgang mena longtemps une existence de hippy avant de s'associer en 1981 avec un riche agent immobilier de Düsseldorf avec lequel il créa la « Kürten & Fischer Fine arts GmbH » spécialisée dans la vente de tableaux et d'antiquités. A l'époque, Fischer s'était intéressé aux peintures flamandes du 17e siècle qu'il achetait à Londres, Paris, Bruxelles, Cologne ou Vienne et restaurait au besoin dans un atelier situé dans le grenier d'une maison d'Aix-la-Chapelle. Un an plus tard, son riche associé décida cependant de mettre fin à l'activité de cette société du fait de pertes importantes dues à l'achat de peintures aux enchères en accusant Fischer de les avoir revendues à des prix ridicules et d'avoir négligé ses fonctions de directeur tout autant que la comptabilité de la-dite société. Quelques mois plus tard, la propriété de l'ex-associé de Fischer fut cambriolée alors que celui-ci était en vacances en France. Des toiles furent volées, notamment une œuvre attribuée à Pierre Brueghel le Jeune que Fischer avait acquise pour la société et dont la photo apparut quatre mois plus tard dans une annonce de vente aux enchères. L'ex-associé prévint alors la police qui interpella un antiquaire d'Aix-la-Chapelle lequel avait mis le tableau en vente mais qui ne fut pas inquiété en justice faute de preuves suffisantes à son encontre. Nul ne sait ce que Fischer avait fait précisément à cette époque sauf qu'il s'était installé en août 1984 avec sa petite amie d'alors dans un appartement de Krefeld où il avait essayé péniblement de survivre avant de rencontrer par l'intermédiaire d'un ami un antiquaire de Berlin auquel il apporta entre 1985 et 1988 quinze plagiats, notamment d'œuvres de Johannes Molzahn, Georges Valmier, Ernst Wilhelm Nay, Tamara de Lempicka ou Victor Servanckx.
Le premier faux que Fischer livra fut une toile de Molzahn, un peintre expressionniste qui avait fui l'Allemagne nazie pour s'installer aux USA où il était décédé en 1965. L'antiquaire berlinois qui se vit confier ce tableau par Fischer eut du mal à trouver un acquéreur. Pour ce faire, il loua les services d'un jeune étudiant nommé Clemens Toussaint, aujourd'hui devenu un grand détective sur le marché de l'art, lequel ne douta pas de l'authenticité de la toile titrée « Erigones » qui fut finalement vendue pour 27 500 marks en novembre 1985 à un collectionneur de Cassel. Ce fut alors que d'autres œuvres prétendument peintes par Molzahn apparurent en nombre à Krefeld où Fischer passait ses soirées à faire bombance dans un café de la Tannenstrasse en compagnie d'Otto Schulte-Kellinghaus, son vieux complice. L'antiquaire Berlinois en relation avec Fischer vendit en 1987 deux autres tableaux de Molzahn, un « Portrait d'Oskar Schlemmer » soi-disant de 1930 et « Energy relaxed » prétendument de 1919 lequel fut acquis pour 80 000 marks par une galerie de Berlin qui le montra lors d'une exposition itinérante consacrée aux Expressionnistes allemands à Los Angeles, Düsseldorf et Halle en RDA. A la fin de cette année-là, nouvel exploit : le portrait de Schlemmer fut vendu à la veuve même de Molzahn pour 60 000 marks et exposé l'été suivant au Lehmbruck Museum de Duisbourg. Un 4e tableau de Molzahn fourni par Fischer titré « Compositions linéaires colorées » fut vendu pour 15 000 marks mais fut la cause d'un différend entre ce dernier et l'antiquaire de Berlin qui selon la police cessa alors toute relation avec lui en 1988 ou 1989. Après cela, cet antiquaire fut en rapport avec un dessinateur héroïnomane qui lui procura d'autres faux tableaux de Molzahn. L'affaire dite des faux Molzahn éclata en 1995 lorsque le collectionneur de Cassel se décida à faire examiner la toile titrée « Erigones » par l'institut Doerner de Munich qui découvrit qu'il s'agissait d'un faux tout comme deux autres œuvres fournies par Fischer. Ce collectionneur et la veuve de Molzahn portèrent plainte en justice et l'antiquaire de Berlin, un de ses associés et le dessinateur furent condamnés à des peines avec sursis. Pour sa part, Fischer avait entre-temps changé de nom en adoptant le patronyme de sa femme alors que la police s'était lancée sur ses traces en juillet 1996 sans toutefois pouvoir le retrouver. Interrogé de son côté, Otto Schulte-Kellinghaus ne fut pas très bavard en déclarant qu'il ne savait pas ce que Fischer faisait ni même s'il avait des relations dans le monde de l'art. Le temps passant, la police oublia fâcheusement Fischer lequel finit par être à l'abri de poursuites concernant ses méfaits commis dans les années 1980 devenus prescrits à partir de 1996, ce qui lui permit de continuer à écouler tranquillement des faux, cette fois sous le nom de Beltracchi. En attendant, cette affaire a ridiculisé et fait redescendre de leur piédestal nombre d'acteurs importants du marché de l'art qui se croyaient tout-puissants et dont l'autorité a été bafouée mais rien ne dit qu'ils se corrigeront de sitôt hormis le fait qu'ils se montreront un peu plus circonspects lorsqu'ils auront à donner des avis sur des œuvres à authentifier.
Pour le reste, le scandale Beltracchi finira par s'estomper du fait que les procès à venir dureront à coup sûr des années mais on peut parier que d'autres affaires incroyables de plagiats éclateront ailleurs qu'en Allemagne parce qu'il est certainement plus lucratif et bien moins risqué au plan pénal de produire des faux tableaux de maîtres que de la fausse monnaie…
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