Rares sont ceux qui savent qui a été Huguette Clark, une très riche héritière morte en 2011 au Beth Israel Memorial Center de New York à l'âge de 104 ans après avoir été la pensionnaire de cet établissement hospitalier durant vingt ans et dont l' énorme héritage est aujourd'hui âprement disputé.
Huguette Clark était la fille du second mariage du très controversé magnat des mines de cuivre William A. Clark qui, pour se voir conférer une certaine respectabilité, accumula nombre d'importantes oeuvres d'art dont elle hérita après sa mort survenue en 1925. Dans un testament remanié une troisième fois à la fin de sa vie, cette dernière avait légué à la Corcoran Art Gallery un tableau de Monet de 1907 représentant des nymphéas d'une valeur de 25 millions de dollars mais celui-ci a maintenant fait l'objet d'une contestation.
Mariée brièvement à la fin des années 1920, Hugette Clark n'eut pas d'enfant et vécut une existence de recluse après avoir intégré au début des années 1990 le Beth Israel Memorial Center où, après avoir été déclarée apte à réintégrer sa résidence après avoir été opérée d'un cancer au visage, elle loua à l'année une chambre décorée d'une incroyable collection de poupées. Ne pesant plus qu'une quarantaine de kilos à l'approche de son centième anniversaire mais restée coquette et assez vive, Hugette Clark avait ainsi laissé ses deux imposants manoirs et ses trois luxueux appartements inoccupés mais remplis de trésors, notamment des tableaux de Manet, Renoir, Monet, Cézanne ou Singer Sargent et remisé dans un coffre de banque son extraordinaire bague ornée d'un diamant rose de neuf carats.
Parti de rien, son père avait à la fin du XIXe siècle amassé une fortune colossale via l'exploitation de mines de cuivre en passant de simple prospecteur au statut de magnat, de sénateur de l'Etat du Montana et de bienfaiteur de la Corcoran Art Gallery. A sa mort, il laissa derrière lui une collection de quelque 200 chefs d'oeuvre qui revinrent à son épouse, sa fille ainsi qu'à deux autres demi-soeurs et un demi-frère nés d'un premier lit.
Selon David Montgomery du "Washington Post", l'héritage de Hugette était estimé à environ 700 millions de dollars mais elle en dépensa une bonne partie en gratifiant les rares personnes de son entourage, notamment Henry Singman, son médecin attitré. En 2005, elle rédigea un testament modifiant les premières dispositions testamentaires qu'elle avait établies en 1929 aux termes desquelles elle avait décidé de léguer tous biens à sa mère, Anna La Chapelle Clark, la seconde femme et veuve de son père qui décéda en 1963.
Durant des années, Huguette avait refusé de rédiger un nouveau testament, une initiative qui selon certains la rebutait simplement par la peur que ce faisant, elle forcerait le destin et mourrait alors qu'elle avait une féroce envie de vivre. En rédigeant ce second testament, elle décida donc de léguer 5 millions de dollars à son infirmière particulière, une Philippine du nom de Hadassah Peri et de transmettre le reste de sa fortune aux 21 arrières et grands-enfants de ses deux demi-soeurs et de son demi-frère en privant ainsi la Corcoran Art Gallery de revendiquer le trust d'une valeur de 3 millions de dollars créé en sa faveur par sa mère dans les années 1920.
Faisant face à des difficultés financières, les responsables de la Corcoran Art Gallery envoyèrent des courriers insistants pour recevoir des subsides de la part de Huguette qui de temps à autre consentit à leur adresser des chèques, notamment de 50,000 et de 250,000 dollars.
Quelques semaines plus tard, Huguette modifia à nouveau son testament. Cette fois, en ne laissant rien aux héritiers de ses demi-soeurs et de son demi-frère du fait qu'elle n'avait pratiquement plus de relations avec eux, elle décida de créer une fondation d'art- la Fondation Bellosguardo au sein de sa résidence en bord de mer à Santa Barbara en allouant 15% de sa fortune à celle-ci ainsi que toute sa collection d'art, à l'exception des nymphéas de Monet, un tableau acheté en mai 1930 à Paris avant son départ pour Reno pour officialiser un divorce rapide et qu'elle destinait à la Corcoran Art Gallery. Pour le reste, elle léguait 100,000 dollars au bon docteur Singman, 500,000 dollars à Christopher Sattler, son assistant qui lui avait permis de monter sa collection de poupées et autant à Irving Kamsler, son comptable. Huguette avait également décidé de distribuer 8 millions de dollars à ses divers exécuteurs testamentaires, de donner un million de dollars au Beth Israel Medical Center et d'octroyer à son infirmière philippine sa collection de poupées ainsi que 60% de son patrimoine restant.
Jamais exposé, le tableau de Monet d'une valeur de 25 millions de dollars destiné à la Corcoran était resté dans un des appartements de Huguette situé sur la 5e Avenue à New York. L'an dernier, les responsables de cette institution avaient envisagé de vendre leur immeuble ou de céder le tableau de Monet pour équilibrer leurs comptes mais aujourd'hui son sort dépend d'une décision de justice suite à la contestation de son testament par les héritiers de ses demi-soeurs et demi-frère.
Selon le dernier testament de Huguette, morte le 24 mai 2011 à peine deux semaines avant son 105e anniversaire, cette dernière laissait une fortune de 306, 48 millions de dollars. Les héritiers du premier mariage de son père n'ont pas hésité à le contester en estimant que leur belle-mère avait été manipulée par ceux qui en étaient les bénéficiaires. Bref, si jamais ils obtenaient gain de cause contre ceux-ci, sa fortune leur reviendrait et la Corcoran Art Gallery récupérerait le trust de 3 millions de dollars tout en prenant finalement possession du tableau de Monet.
Ceux-ci ont argué que durant les 20 dernières années de sa vie passée à l'hôpital, Huguette avait dilapidé plus de 40 millions de dollars tout en ayant dû vendre certains chefs d'oeuvre de sa collection après que ses conseillers fiscaux eurent oublié de régler des taxes sur cette somme. Ils ont affirmé que son infirmière avait à elle seule bénéficié de 32 millions de dollars de dons manuels, tandis que l'hôpital avait reçu 4 millions de dollars dont un Manet d'une valeur de 3,5 millions et que le docteur Singman avait été gratifié de 900, 000 dollars alors que son comptable avait mal géré ses affaires. Les avocats de ces derniers ont rétorqué que les dons en questions avaient été volontairement consentis par Huguette en remerciement de l'attention qu'elle avait reçue de leur part pour lui permettre de vivre une longue existence.
Bref, les avocats des deux parties ont été engagés dans un long bras de fer quant à savoir lequel des testaments de Huguette est valide tandis que les responsables de la Corcoran Art Gallery ont déploré la tournure des évènements et regretté que cette dernière n'ait pas soutenu leur institution comme son père l'avait fait.
Invité au début des années 1900 à un dîner organisé dans un club par William Clark, le célèbre écrivain Mark Twain avait sauté sur l'occasion pour remarquer que le sénateur du Montana se faisait applaudir comme un grand philanthrope de l'art alors que tout le monde savait que le personnage n'était guère en odeur de sainteté en allant jusqu'à dire qu'il était une honte pour la nation et que sa place était plutôt dans un pénitencier avec une chaîne munie d'un boulet attachée à la cheville.
Twain avait probablement dans l'esprit la campagne menée par Clark pour se faire élire sénateur du Montana au cours de laquelle il fit distribuer des liasses de dollars à des législateurs de l'Etat pour influencer le scrutin. Il se fit élire mais sa nomination fut rejetée par la commission de contrôle du Sénat. Néanmoins, Clark parvint à ses fins en 1901 et servit un mandat de quatre ans.
Devenu immensémment riche dans l'Ouest, Clark chercha à tout prix à obtenir la reconnaissance des classes très aisées de l'Est, notamment en achetant à profusion des oeuvres d'art en Europe sans oublier de se faire construire un palais sur le 5e Avenue pour faire de l'ombre à nombre de familles huppées, comme les Vanderbilt ou les Astor.
Sa première femme, Katherine Stauffer Clark, ayant disparu en 1893, ce dernier noua une relation avec Anna La Chapelle, une Canadienne devenue sa régisseuse qui avait auparavant approché en vain un autre homme d'affaires dans le but de se faire financer son éducation.Ayant fait d'elle sa maîtresse, Clark l'envoya à Paris pour parfaire ses études puis en 1902, elle donna naissance à une fille prénommée Andrée.
Clark attendit trois ans avant de révéler qu'il avait épousé en 1901 Anna, alors âgée de 23 ans, durant son séjour parisien. En 1906, elle eut une deuxième fille appelée Huguette avant de revenir aux Etats-Unis en 1910 avec ses deux enfants.
Durant des vacances passées dans le Maine en 1919, Andrée mourut subitement d'une méningite. Pour sa part, Huguette, alors âgée de 13 ans, ne parvint jamais à combler cette perte dans le coeur de son père qui de la sorte la négligea mais elle bénéficia du réconfort de sa mère qui la protégea d'une manière plutôt possessive.
Après la mort de son père en 1925, Huguette et sa mère emménagèrent dans de grands appartements sur le 5e Avenue. La jeune femme participa alors à des bals de débutantes oranisés par la haute société new-yorkaise puis se fiança en décembre 1927 à William MacDonald Gower, une diplômé de Princeton fils d'un de ses contrôleurs financiers qui se destinait à une carrière dans le domaine de la banque.
En mars 1928, Huguette et sa mère assistèrent en compagnie du président Calvin Coolidge à l'inauguration de l'aile Clark à la Corcoran Gallery qui avait bénéficié du legs de ses collections qui selon son testament devaient en fait revenir au Metropolitan Museum mais celui-ci avait finalement décliné d'accéder à son son désir de les présenter dans leur ensemble. Au mois d'août de cette année, la jeune femme alors âgée de 22 ans épousa Wiliam MacDonald Gower à Bellosguardo.
Férue de peinture, elle exposa ses oeuvres à la Corcoran en avril 1929, les administrateurs de l'institution s'étant montrés plus que disposés à les accepter, nonobstant le fait qu'elle avait un réel talent. Parmi les sept toiles exposées figurait son autoportrait la montrant en train de peindre.
Deux semaines après cette exposition, Huguette rédigea donc son premier testament en omettant d'y mentionner son mari pour ne laisser l'intégralité de ses biens qu'à sa mère. Quinze mois plus tard, elle divorça en prétextant que ce dernier avait déserté le domicile conjugal. En fait, son mariage ne fut jamais consommé, selon son biographe.
Ayant repris son nom de jeune fille après son divorce, Huguette s'éloigna progressivement de la haute société new-yorkaise pour finalement mener une existence de recluse tout en continuant son oeuvre philantropique en faveur de diverses institutions puis la presse ne parla plus d'elle durant près de 80 ans.
Huguette et sa mère partagèrent leur temps entre New York et Santa Barbara en ne fréquentant que de rares amis tout en dépensant des millions de dollars pour entretenir leur domaine de Bellosguardo où elle aménagea un atelier pour continuer à peindre sans oublier de créer le refuge Andrée Clark pour les oiseaux en mémoire de sa soeur.
Âgée de 57 ans en 1963, Huguette perdit sa mère qui venait d'atteindre ses 85 ans. Ce fut alors pour elle comme si la vie s'était arrêtée. Désertant le domaine de Bellosguardo, elle conserva toutefois son personnel pour le maintenir à grands frais en laissant l'impression qu'elle y retournerait un jour. Bien qu'ayant acquis un manoir dans le Connecticut, elle n'y passa en tout et pour tout qu'une seule nuit en préférant rester à New York en compagnie de sa gouvernante qui s'occupa de lui préparer des repas frugaux, de faire la lessive et de nettoyer ses poupées.
Demeurant sur la 5e Avenue dans deux appartements situés au 12e et au 8e étage avec une belle vue sur Central Park, Huguette s'abstint de recevoir des visiteurs chez elle à l'exception d'une veuve française qui reçut 10 millions de dollars de sa part puis elle passa les vingt dernières années de sa vie dans une chambre du Beth Israel Medical Center.
En mars 1991, le Dr Singman reçut un appel l'invitant à voir une mystérieuse dame. Une fois arrivé à l'adresse indiquée, il pénétra dans une pièce éclairée par une bougie et se retrouva face à une vieille femme pesant à peine une trentaine de kilos revêtue d'une robe de chambre souillée, le bas du visage en partie masqué par une serviette de bain. S'approchant d'elle, il crut avoir affaire à une lépreuse en constatant que sa lèvre inférieure manquait et que les paupières de son oeil droit avaient été bouffées par des ulcères cancéreux en le laissant nu comme celui d'un écorché.
Les chirurgiens du Beth Israel Medical Center s'employèrent alors à ôter les tumeurs et à lui refaire le visage. Sauvée, elle reprit du poids tandis que le bon docteur se montra gentil avec elle en lui apprenant à faire des réussites pour tuer le temps.
Une année plus tard, les responsables de l'hôpital estimèrent qu'elle pouvait rentrer chez elle, mais Huguette refusa cette perspective et les convainquit de rester à demeure en louant une chambre à l'année pour quelque 350 000 dollars.
Maintenant, la justice a été appelée pour dénouer une affaire de succession plutôt tortueuse et peu facile à dénouer au vu de l'étrange personnalité d'une femme un peu folle jouant à la poupée et dont les caprices et les cadeaux faits en faveur de gens soupçonnés d'être des manipulateurs n'ont guère été du goût des héritiers issus du premier mariage de son père.
En restant à l'hôpital, elle s'attacha les services de Hadassah Peri, une aide-soignante philippines envoyée par une agence d'interim spécialisée dans le secteur médical. Durant 20 ans, cette dernière passa 12 heures par jour chaque semaine à s'occuper d'Huguette en échange d'un salaire annuel de 131 000 dollars mais aussi de cadeaux mirobolants sous forme de chèques, de bijoux ou d'instruments de musique.La considérant un peu comme sa fille, Huguette lui offrit en 2000 10 millions de dollars tirés de la vente d'un tableau de Cézanne.
Huguette savait ainsi récompenser ceux qui obéissaient à ses ordres et respectaient scrupuleusement ses désirs. En échange de quoi, elle se montrait extrêmement généreuse à leur égard. Le docteur Singman encaissa ainsi des chèques allant de 600 à 65,000 dollars pour engranger au total quelque 900 000 dollars sans compter d'autres multiples cadeaux, ont affirmé les plaignants alors que l'avocat de ce dernier a tenu à préciser que les dons avaient toutefois été étalés sur une période de 20 ans et qu'ils ne représentaient pas grand chose en regard de la fortune de la défunte.
Pour leur part, les responsables du Beth Israel Medical Center ont déclaré part ignorer que des docteurs ou des infirmières avaient reçu des cadeaux de la part d'Huguette tout en reconnaissant avoir sollicité des dons au point de se voir offrir une oeuvre de Manet d'une valeur de 3,5 millions de dollars.Selon ces derniers, Huguette avait agi de son plein gré comme d'autres patients l'avaient fait avant ou après elle.
Se retrouvant en manque de liquidités en 2003, Huguette fut obligée de vendre un tableau de Renoir titré "Dans les Roses" qui atteignit 23,5 millions de dollars aux enchères afin d'assumer son train de vie, d'entretenir ses résidences et de régler des taxes sur les cadeaux qu'elle avait consentis à ceux qui l'entouraient mais en 2005, elle dépensait toujours plus que ce dont elle pouvait disposer. Elle répondit alors à son comptable de vendre d'autres éléments de son patrimoine, une attitude décrite en justice comme démentielle par l'avocat des membres de la famille Clark qui ont dénoncé son dernier testament.
Pour leur part, les conseils des personnes visées par la procédure ont répondu que Huguette pouvait disposer librement de son argent puisqu'elle ne faisait pas l'objet d'une quelconque curatelle prouvant une situation de faiblesse pour signaler que c'était elle seule qui donnait des instructions pour le dépenser à sa guise.
Objet de la philanthropie manifestée par Huguette, la Corcoran avait reçu de sa part des fonds pour la construction de l'aile Clark mais pour ses responsables, elle demeurait plutôt insaisissable comme lorsqu'au début des années 1980 elle déclina de financer l'installation d'une système d'air conditionné dans cette aile en arguant que les autres musées européens en étaient dénués. Néanmoins, elle accepta d'offrir un million de dollars pour la restauration du Salon Doré provenant d'un château français du XVIIIe siècle qui avait orné la résidence de son père sur la 5e Avenue avant d'être transféré et remonté dans le bâtiment de cette institution.
Durant les années 1940, la mère d'Huguette avait acquis trois violons de Stradivarius et un violoncelle ayant appartenu à Paganini avant de les offrir à la Corcoran qui, confrontée à des difficultés financières un demi-siècle plus tard, vendit ce lot pour 15 millions de dollars après avoir obtenu la bénédiction de leur bienfaitrice pour ce faire.
Ayant refusé que son nom soit cité après chaque donation, Huguette s'abstint toujours de rencontrer les responsables de la Corcoran pour ne se contenter que de correspondre par courrier avec ces derniers qui ne voyaient que son avocat d'alors ou ses conseillers financiers.
En 2000, le directeur de la Corcoran essaya en vain de l'amener à faire passer une promesse de don de 5 millions de dollars à 10 millions avant de recevoir 50 000 dollars deux ans plus tard au lieu de 100 000 comme il l'espérait. En 2003, le gestionnaire des comptes d'Huguette l'informa qu'elle se retrouvait dans l'incapacité de faire de nouveaux dons. Néanmoins, elle offrit à la Corcoran une petite aquarelle de l'artiste Boutet de Monvel.
Cette année là, la Corcoran venait d'avancer dans son projet d'extension imaginé par l'architecte Frank Gehry sauf que celui-ci prévoyait la destruction d'une partie de l'aile Clark financée par Huguette qui, mécontente de cette idée, décida de ne plus adresser de subsides à cette institution dont les responsables furent stupéfaits d'apprendre par la presse la vente du tableau de Renoir sans rien recevoir des 23,5 millions de dollars obtenus pour celui-ci.
Au début de l'année 2006, après l'abandon du projet de Gehry et la démission du directeur de la Corcoran, Jeanne Ruesch, sa présidente, écrivit une lettre en français à Huguette en lui demandant aimablement si elle comptait offrir ses tableaux et ses archives à l'institution tout en apportant une contribution de 10 millions de dollars pour l'entretien de l'aile Clark mais cette dernière s'abstint de lui répondre.
En fait, personne au sein de la Corcoran n'était au courant que la chère Huguette venait de modifier ses dispositions testamentaires en ne laissant à l'institution qu'un seul tableau et rien d'autre. Paul Greenhalg, son nouveau directeur, tenta de revenir à la charge et parvint en 2009 à obtenir la promesse d'un don d'un million de dollars payable en quatre versements après avoir reçu quelques mois plus tôt une contribution de 10,000 dollars pour un dîner au Salon Doré réunissant les membres de la famille Clark.
Huguette étant morte en mai 2011 en n'ayant versé que la moitié du don d'un million de dollars, la Corcoran s'est alliée avec les plaignants qui ont contesté son dernier testament, une posture pour le moins étrange puisqu'elle a semblé aller à l'encontre de ses propres intérêts avec le risque de perdre le tableau de Monet qui lui est destiné alors qu'elle est pratiquement en situation de faillite.
Les responsables de l'institution ont démenti avoir conclu un quelconque accord avec les membres de la famille Clark dans l'espoir d'une gratification en cas de victoire en justice en affirmant qu'ils ne faisaient que respecter les véritables intentions des donateurs et qu'ils ne faisaient qu'attendre un verdict pour savoir si le tableau de Monet allait finalement leur revenir.
Néanmoins, après que l'accusation ait suggéré qu'Huguette était déjà dans un état de démence lorsque sa promesse de don avait été faite, ceux-ci auraient obtenu la garantie du tribunal de ne pas rembourser les 500 000 dollars qu'elle avait versés.
Le dernier geste d'Huguette, enterrée dans le mausolée de sa famille en forme de temple grec à Woodlawn, fut de prêter à la Corcoran deux oeuvres, une de Renoir et l'autre de John Singer Sargent montrant une femme jetant un filet de pêche, toujours exposées dans l'aile Clark.
Inutile de dire que cette femme un peu folle n'eut pas une vie rêvée, avec un père parvenu obsédé par le besoin de s'acheter une bonne réputation et qui la dédaigna en la laissant sous l'emprise d'une mère possessive pour finir recluse dans une chambre d'hôpital parmi ses poupées tout en dilapidant des sommes colossales dont une partie a profité à son infirmière, son médecin et ses conseillers.
En attendant, il y a de quoi s'étonner du comportement des responsables de la Corcoran qui n'ont compté que sur la générosité de riches donateurs sans pouvoir la gérer convenablement au point d'être au bord de la faillite, comme ce fut le cas pour la Fondation Barnes sauf que celle-ci parvint à être miraculeusement remise sur pied grâce à des administrateurs compétents.
Adrian Darmon