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"Si on approchait des vrais tableaux un miroir, celui-ci devrait se couvrir de buée car les vrais tableaux respirent" (Picasso)
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Le journal d'un fou d'art
Les fous d'art, ivres de savoir et de découvertes, riches ou moins nantis et sans cesse à l'affût des nouvelles relatives au marché de l'art, forment une belle légion à travers le monde. Sans eux, ce marché n'aurait donc sûrement rien de légendaire. Depuis plus d'une quinzaine d'années, Adrian Darmon a donc rassemblé à travers plus de 2200 pages de multiples anecdotes souvent croustillantes sur les chineurs, amateurs et autres acteurs de cet univers plutôt incroyable et parfois impitoyable.
XXXVème Chapitre
UN BUSTE DE GEORGE WASHINGTON REAPPARAÎT
20 Juin 2011 |
Considéré comme perdu dans un incendie qui avait ravagé la librairie du Congrès à Washington en 1851, un buste en marbre du premier président américain George Washington réalisé par Pierre-Jean David, dit David d'Angers, a fini par être retrouvé au musée Huntington en Californie,a-t-on appris le 20 juin 2011. Cette sculpture avait été commandée en 1827 à David d'Angers par le gouvernement français qui l'avait ensuite offerte aux Etats-Unis. Exposée à la librairie du Congrès, on avait perdu sa trace après que celle-ci eût été la proie des flammes. En fait, elle avait été sauvée sans qu'on sache dans quelles circonstances avant d'être achetée en 1914 par un marchand d'art à un particulier pour 25 dollars. Plus tard, le fils de ce marchand la confia à une galerie qui la revendit en 1924 à M. Huntington lequel la plaça dans son musée personnel. Ce n'est qu'en 2010 que cette statue a été analysée par un expert californien qui a pu déceler des traces prouvant sans conteste qu'elle avait été exposée à une forte chaleur. Il a donc fallu attendre près d'un siècle pour se rendre compte que la sculpture était bien l'original réalisé par David d'Angers et non une réplique d'autant plus qu'aucun document n'existait pour conforter cette hypothèse. Le comité français des relations franco-américaines avait offert en 1933 à la Librairie du Congrès un modèle en bronze produit d'après le plâtre original conservé à la ville d'Angers où il a trôné en lieu et place du marbre qu'on croyait définitivement disparu. Les détracteurs des installations colossales du sculpteur Bernar Venet exposées jusqu'au 1er novembre 2011 à Versailles n'ont pas réussi à obtenir son retrait en se voyant déboutés de leur demande en référé de retirer celles-ci. Les arcs de fer monumentaux entourant la statue de Louis XIV et les autres placés dans le domaine du château resteront donc en place au grand dam des riverains qui estimaient qu'ils occupaient un secteur protégé et posaient un problème de sécurité pour les visiteurs. En attendant, Venet se sera offert une belle pub en prime. Au Caire, le bouillant ministre des Antiquités Zahi Hawass a poussé un ouf de soulagement après l'annulation d'une peine de prison qui lui avait été infligée en avril dernier par une cour criminelle au sujet d'un appel d'offres qu'il avait lancé pour la création d'une librairie au sein du musée du Caire alors qu'une telle boutique existait déjà. Suite à une plainte déposée par l'exploitant de cette librairie qui avait dénoncé une manœuvre destinée à le priver de son commerce, le tribunal correctionnel avait ordonné que l'appel d'offres soit abandonné mais Hawass avait fait la sourde oreille pour se voir ensuite à nouveau poursuivre par le plaignant et se faire condamner à une peine de prison et au versement de dommages et intérêts tout en étant contraint de démissionner de ses fonctions. L'habile Hawass a finalement réussi à sauver sa tête pour se sentir à nouveau tout-puissant, ce qui l'amènera vraisemblablement à reprendre sa sempiternelle croisade pour obtenir la restitution de trésors antiques égyptiens détenus par plusieurs musées étrangers. De quoi filer un sacré « Mummy blues » à leurs conservateurs.
Mardi 21 juin, Sebastien Schütze, professeur à l'université de Vienne et co-auteur d'un livre sur Le Caravage appelé à être publié par l'Université de Yale le mois prochain, a annoncé la découverte par un marchand d'art d'un tableau du maître du clair-obscur dans une collection privée britannique. Attribuée à un peintre anonyme du début du XVIIe siècle, l'œuvre représentant Saint Augustin a retrouvé à l'issue d'une restauration ses splendides qualités picturales qui étaient dissimulées sous un épais vernis et de nombreux repeints. Clovis Whitfield, le marchand qui l'a découverte, a été sûr de reconnaître la main du Caravage, une opinion partagée par Schütze et d'autres spécialistes, avant de déterminer qu'elle avait probablement appartenu à Vincenzo Giustiniani, un important mécène romain du début du 17e siècle, comme l'inventaire de sa collection le laisse suggérer. De facture plutôt sobre et classique, cette toile est néanmoins atypique dans l'œuvre du Caravage, ce qui laisserait penser que le peintre l'aurait réalisée vers 1600 en se conformant à une commande spécifique de la part de Giustiniani. Ce n'est certes pas le plus beau Caravage parmi les 50 tableaux connus de lui mais qu'importe, celui-ci aura eu le mérite de sortir de l'obscurité pour se révéler dans sa pleine clarté.
A Londres, un revolver Colt 38 Police à six coups ayant appartenu au célèbre gangster américain Al Capone a atteint l'enchère canon de 109 000 euros chez Christie's. On constate là que les légendes n'ont pas de prix. Qu'en sera-t-il le jour où on vendra un préservatif de Truman Capote qui n'aura servi que pour un seul coup? A méditer...
Mercredi 22 juin, victime du quatuor qui a écoulé de nombreux faux de maîtres modernes en Allemagne et ailleurs, la société Monte-Carlo Art a décidé de poursuivre en justice la galerie Cazeau-La Béraudière et Werner Spies, expert du peintre allemand Max Ernst pour obtenir des dommages et intérêts. Il y a un mois, le faussaire Wolfgang Beltracci, sa femme, sa belle-sœur et un comparse ont été inculpés pour avoir écoulé au moins 14 faux tableaux en récoltant au passage pas moins de 34 millions d'euros. La justice allemande a également saisi 33 autres tableaux actuellement soumis à des experts pour vérifier leur authenticité. La société Monte Carlo-Art avait acheté en 2004 auprès de la galerie Cazeau-La Béraudière un tableau de Max Ernst titré « Tremblement de Terre » qui avait été déclaré comme authentique par Werner Spies lequel a persisté depuis à clamer que les œuvres qui lui avaient soumises n'étaient pas des plagiats. Bref, l'affaire Beltracci risque de continuer longtemps à faire des vagues sur le marché européen.
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