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Un dingue de la chine a une passion débridée...
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Le journal d'un fou d'art
Les fous d'art, ivres de savoir et de découvertes, riches ou moins nantis et sans cesse à l'affût des nouvelles relatives au marché de l'art, forment une belle légion à travers le monde. Sans eux, ce marché n'aurait donc sûrement rien de légendaire. Depuis plus d'une quinzaine d'années, Adrian Darmon a donc rassemblé à travers plus de 2200 pages de multiples anecdotes souvent croustillantes sur les chineurs, amateurs et autres acteurs de cet univers plutôt incroyable et parfois impitoyable.
IIIème Chapitre
KING BÜRGI : UN LABEL A LA MODE
01 Octobre 2000 |
Cet article se compose de 3 pages.
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Bürgi a en outre l'avantage de vivre à l'heure de l'an 2000 puisqu'il s'est entouré d'une attachée de presse efficace et d'un contingent de collaborateurs qui tiennent les médias au courant de ses gros coups et de ses meilleures ventes. Il a déjà son site Internet et entend ne pas mollir dans ses opérations médiatiques mais, quoiqu'il en soit, Bürgi King commence à donner des idées à ses confrères concernant la manière d'assurer leur promotion. Pendule lyre, mouvement "Cronier à Paris". Epoque Louis XVI | Un secrétaire en laque camomille, à pans coupés. Epoque Louis XVI | Pour en arriver là où il est, Bürgi a effectué un véritable parcours du combattant avec pas mal d'embûches à surmonter. Aujourd'hui, il est fier du travail accompli après avoir vécu des hauts et des bas. Mais depuis sa première participation à la Biennale en 1990, il peut se targuer d'avoir fait un sacré chemin. La Biennale 2000 l'a empli d'aise après avoir reçu la visite de grands collectionneurs et de conservateurs de grands musées qui l'ont complimenté sur la qualité de sa marchandise. Maintenant qu'il a le sentiment d'exister plus que jamais, il entend ne pas s'endormir sur ses lauriers... Nouveau prince des antiquaires, puisque désormais il compte parmi ses clients d'illustres collectionneurs à travers le monde tandis que les grandes ou bonnes familles lui ouvrent de plus en plus leurs portes pour lui vendre des pièces qui sont parmi les plus prestigieuses, Camille Bürgi entrevoit l'avenir avec sérénité . Bref, la crème de la crème va semble-t-il déguster du «hambürgi» pour longtemps…
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Vendredi 6 octobre, je reçois un e-mail plutôt bizarre de la part de l'antiquaire Camille Bürgi qui en cinq mots se contente de demander l'identité de l'auteur des quelques lignes pondues à son sujet à la page «jour.41 htm». Allons bon, que me veut-il ? S'est-il offusqué à propos de ce que j'ai écrit en évoquant son parcours et son ascension tout en le qualifiant de «gladiateur» des antiquités ? J'ai beau retourner la question dans tous les sens, je ne vois rien de contestable dans ma prose. A 17 heures 55, je me rends à l'Hôtel Drouot avec plus de vingt minutes de retard après avoir été bloqué dans un embouteillage à la Concorde. Je n'ai donc que cinq minutes devant moi pour visiter l'exposition de tableaux d'artistes contemporains en devenir que M° Néret-Minet doit vendre ce samedi. Je n'ai pas fait dix pas que je tombe sur Bürgi qui me salue très amicalement. Je m'étonne de ne pas le voir évoquer d'emblée son e-mail et décide de prendre les devants en lui demandant ce que son message voulait dire. «Mon message ?», me dit-il sans comprendre. Puis il se ressaisit en ajoutant : «Ah c'est toi ? Pas possible !». - Eh oui, c'est moi. Aurais-tu l'intention de me faire un procès ? - Pas du tout ! Ton article était bien torché et m'a procuré beaucoup de plaisir. C'est un grand collectionneur basé à Londres qui m'en a envoyé la copie après avoir lu. Sur le coup je respire, content de ne pas l'avoir froissé et en même temps heureux de savoir que mes chroniques sont lues dans le monde entier et pas par n'importe qui. Au contraire, il est ravi et m'invite illico à le suivre dans sa galerie où cinq minutes plus tard, il me montre ses trésors avec l'air d'un gosse heureux de faire découvrir ses plus beaux jouets à ses copains. Mais là, ce sont des meubles exceptionnels susceptibles de faire pâlir ses rivaux d'envie. Des pièces signées Boulle, Weisweiler, RVLC, BVRB, Rübestück, Tillard Oeben, Leleu ou Riesener lesquelles se négocient sur le marché à des prix faramineux. Bureau à cylindre attribué à Riesener, époque Louis XVI | Paire de chenets en bronze, époque Louis XVI | Il me dévoile ensuite sa dernière découverte, des chaises de la chambre du Comte d'Artois à Bagatelle, achetées en vente au nez et à la barbe des autres grands antiquaires parisiens et me fait palper le galbé du décor traité à la manière d'une exquise ornementation en bronze, un régal pour les yeux. Bürgi me parle alors de sa participation à la Biennale où son stand a attiré les plus grands collectionneurs et conservateurs de musées de la planète ainsi que de nombreux confrères, étonnés d'y voir des pièces qu'ils auraient bien aimé présenter.
Ces grands antiquaires ont finalement admis de le voir jouer dans leur cour mais se demandent toujours comment il parvient à dénicher de telles merveilles. Tout heureux de faire partie de ce cercle restreint, il arbore un grand sourire tout en me faisant admirer de superbes appliques Directoire en bronze doré ainsi qu'une exceptionnelle pendule-lyre d'époque Louis XVI par Cronier. A l'évidence, les Perrin, Ségoura, Kraemer, Aron, Lupu, Steinitz et consorts ne considèrent plus Bürgi comme un empêcheur de tourner en rond et admirent maintenant son abnégation et son sens inné du commerce. Commode estampillée J.- F. Leleu, époque Louis XV | Chaise de la Chambre du Comte d'Artois au château de Bagatelle | Pour ma part, je pense avant tout que le problème des grandes dynasties d'antiquaires réside souvent dans la ferme conviction qu'ont leurs héritiers de pouvoir maintenir leur main-mise sur le marché des antiquités de prestige tout en estimant avoir l'envergure de leurs aînés, ce qui ne se vérifie pas toujours. Bürgi, lui, a commencé sur le tas, au départ sur les trottoirs des marchés de Vanves et de Montreuil, pour se forger progressivement une solide expérience. Ses rivaux, de leur côté, sont nés pour la plupart avec une cuillère d'argent dans la bouche et n'ont pas vraiment eu à batailler ferme pour se faire une place au soleil. D'autres oublient de quelle manière ils ont débuté dans le métier et font preuve d'une étonnante amnésie lorsqu'il s'agit d'évoquer leur jeunesse alors que certains omettent de révéler de quel milieu ils sont issus ou pour l'un d'eux, consacré roi de la Biennale à plusieurs reprises, de rappeler que le papa avait tenu jusqu'à la fin de sa vie un stand sans confort au marché aux Puces de Saint-Ouen. Lorsqu'on parvient au sommet on a plutôt tendance à occulter des réalités plutôt gênantes pour sa nouvelle aura ou à les réviser avantageusement. Bürgi, pour sa part, reste tel qu'il est, gouailleur avec un regard malicieux et une lippe satisfaite (on le serait à moins), charmeur et plein d'aplomb. Bureau plat estampillé B.V.R.B., époque Louis XV. | |
Bürgi a en outre l'avantage de vivre à l'heure de l'an 2000 puisqu'il s'est entouré d'une attachée de presse efficace et d'un contingent de collaborateurs qui tiennent les médias au courant de ses gros coups et de ses meilleures ventes. Il a déjà son site Internet et entend ne pas mollir dans ses opérations médiatiques mais, quoiqu'il en soit, Bürgi King commence à donner des idées à ses confrères concernant la manière d'assurer leur promotion. Pendule lyre, mouvement "Cronier à Paris". Epoque Louis XVI | Un secrétaire en laque camomille, à pans coupés. Epoque Louis XVI | Pour en arriver là où il est, Bürgi a effectué un véritable parcours du combattant avec pas mal d'embûches à surmonter. Aujourd'hui, il est fier du travail accompli après avoir vécu des hauts et des bas. Mais depuis sa première participation à la Biennale en 1990, il peut se targuer d'avoir fait un sacré chemin. La Biennale 2000 l'a empli d'aise après avoir reçu la visite de grands collectionneurs et de conservateurs de grands musées qui l'ont complimenté sur la qualité de sa marchandise. Maintenant qu'il a le sentiment d'exister plus que jamais, il entend ne pas s'endormir sur ses lauriers... Nouveau prince des antiquaires, puisque désormais il compte parmi ses clients d'illustres collectionneurs à travers le monde tandis que les grandes ou bonnes familles lui ouvrent de plus en plus leurs portes pour lui vendre des pièces qui sont parmi les plus prestigieuses, Camille Bürgi entrevoit l'avenir avec sérénité . Bref, la crème de la crème va semble-t-il déguster du «hambürgi» pour longtemps…
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