Le Musée des Années Trente de Boulogne-Billancourt présente jusqu'au 20 février 2011 une exposition intitulée "L'Erotisme de Marcel Gromaire" (1892-1971) consacrée à ce peintre qui s'intéressa avec une certaine obsession au thème du corps féminin.
Né à Noyelles-sur-Sambre (Nord) le 24 juillet 1892, Gromaire perdit sa mère le jour même de sa naissance et fut élevé par sa grand-mère, Reine Mary-Bisiaux, peintre naïf, et sa tante Octavie. Après des études secondaires à Douai et au lycée Buffon à Paris où son père Georges Gromaire enseignait la peinture, il passa son baccaluaréat et l'agrégation d'allemand pour se destiner à une carrière juridique mais préféra alors s'adonner à la peinture.
Il exposa ses oeuvres au Salon des Indépendants à 19 ans et fréquenta des académies à Montparnasse tout en subissant l'influence de Matissse mais sa carrière connut un temps d'arrêt lorsqu'il fut obligé d'effectuer son service militaire en 1913 à Lille et de rester sous les drapeaux durant six ans en raison de la grande guerre.
Ce ne fut qu'à partir de 1919 que Gromaire put se remettre sérieusement à la peinture en produisant des oeuvres étroitement proches des Expressionnistes allemands comme Mueller, Heckel, Nolde ou Kirchner alors que Maurice Girardin, collectionneur et propriétaire de la galerie La Licorne le prit sous son aile en s'assurant l'exclusivité de sa peinture jusqu'en 1932.
Ce fut en fait entre 1920 et 1925 que Gromaire produisit ses plus belles oeuvres avant de de devenir plutôt répétitif lorsqu'il se mit à peindre des nus souvent dénués d'expression faciale en donnant la priorité au corps féminin, ce qui ne l'empêcha toutefois pas d'être honoré par une rétrospective à la Kunsthalle de Bâle en 1933 et de bénéficier de commandes pour des travaux décoratifs en 1937 et 1938. Durant la guerre, il réalisa surtout des cartons de tapisseries à Aubusson et aux Gobelins avant de renouer à la peinture de chevalet en ne s'écartant guère du style qu'il avait défini depuis 1925.
On retiendra que Gromaire choisissait ses modèles parmi les filles du peuple en les peignant dans des attitudes assez suaves et érotiques au demeurant mais à la longue ses oeuvres devinrent plutôt barbantes, à croire qu'il sombra dans une certaine facilité en conjuguant une grammaire bien à lui.
On préférera donc de loin les oeuvres du début de sa carrière inspirés des idôles africaines peintes dans un style géométrique flirtant avec le Cubisme alors qu'après 1925, l'artiste se cantonna à décliner pratiquement le même thème en se contentant alors de varier la couleur et la pose de ses modèles pour verser dans une formulation figée et devenir une sorte de Bernard Buffet avant la lettre. Exhalant la beauté en s'affirmant comme un chantre de l'érotisme avant 1925, Gromaire a ensuite paru s'endormir sur ses lauriers sans se renouveler. Dommage.
Adrian Darmon