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LA PREPONDERANCE DES PEINTRES JUIFS AU SEIN DE L'ECOLE DE PARIS Par Adrian Darmon
19 Novembre 2009
Catégorie : FOCUS

 Un titre a toujours son importance pour expliquer un sujet, d'autant plus que son auteur se doit avant tout de ne pas égarer son lectorat ou son auditoire sur de fausses pistes. Or, le titre "La prépondérance des peintres juifs au sein de l'Ecole de Paris" peut prêter à confusion si on ne l'explique pas d'emblée. 


Prépondérance signifie domination par le poids. Or, le mot domination peut paraître fâcheux à certains égards, surtout concernant les juifs, et si prépondérance il y eut ce fut avant tout à travers leur nombre. Pour être exact, cette prépondérance a été fortuite du fait qu'elle s'est créée et affirmée par la force des choses puisque ce sont des artistes émigrés, pour la plupart juifs, qui ont formé l'essentiel de cette école dont l'appellation  est pour le moins erronée sinon abusive.


Le mot école est plus aisé à interpréter lorsqu'il s'agit d'évoquer en peinture l'école néo-classique, l'école de Barbizon, l'école impressionniste, l'école cubiste ou l'école surréaliste. Toutefois, beaucoup de gens se réfèrent aujourd'hui à l'école de Paris en oubliant qu'elle n'a jamais représenté un quelconque un mouvement d'autant plus que les artistes associés à cette prétendue mouvance étaient loin de peindre de la même manière. Pour ajouter à la confusion, il y eut même deux écoles de Paris puisque des critiques et des intellectuels s'ingénièrent à inventer une première fois ce genre de label juste avant la Première Guerre Mondiale en parlant de peintres demeurant à Paris, tels Picasso, Derain, Vlaminck, Van Dongen ou même Matisse.


Ce n'est finalement qu'en 1925 que le critique d'art André Warnod eut l'idée de définir l'Ecole de Paris dans la revue Comoedia comme le groupe formé par les peintres étrangers travaillant à Paris et parmi lesquels figuraient une grande majorité d'artistes juifs.


Loin d'évoquer un quelconque mouvement dans le domaine de la peinture, Warnod se contenta de signaler un fait simplement historique. D'ailleurs, avant d'aller plus loin dans cet article, il semble nécessaire d'expliquer le pourquoi de la présence à Paris de tant de peintres juifs pour la plupart originaires d'Europe de l'Est. Un bref retour à l'histoire est donc primordial.


Il convient ainsi de remonter à la première moitié du XIXe siècle pour rappeler l'importance de l'Emancipation des juifs en Europe qui s'était mise en marche après la Révolution de 1789. Ainsi, les juifs sortirent progressivement des ghettos au fil des décennies et certains d'entre eux virent leurs conditions de vie s'améliorer. D'autres choisirent l'émigration vers l'étranger, notamment en allant aux Etats-Unis, en Angleterre et d'autres pays d'Europe mais le processus de l'émancipation fut pour beaucoup un long et éprouvant combat car dans plusieurs Etats, l'accès aux universités et à de nombre de professions leur resta longtemps interdit.


 Si la situation des juifs s'améliora pour certains, elle demeura préoccupante pour la majorité de ceux qui vivaient en Europe de l'Est, notamment en Russie où l'antisémitisme battit son plein, notamment après l'assassinat du Tsar Alexandre II par Ignace Grinevitski, un fait dont on a peu soupçonné la portée car ce dernier était un étudiant d'origine juive. Cela donna lieu à de violents pogroms à Elisabethgrad, Odessa, Kiev et Varsovie et entraîna une forte émigration de Juifs vers les USA et aussi la France alors que de nombreux autres s'impliquèrent dans des mouvements socialistes comme le Bund qui s'activa en Russie, en Pologne et en Lituanie dès 1897. L'antisémitisme avait sévi durant des siècles en Europe en étant attisé par l'Eglise à divers moments de l'histoire puis en étant brutalement amplifié durant les dernières années du XIXe siècle par la police tsariste à travers la publication du « Protocole des Sages de Sion », un livre fabriqué de toutes pièces qui fut (et reste) un brûlot encore plus redoutable puisqu'il sous-entendait  que les juifs avaient pour but de dominer le monde alors que les événements qui allaient suivre, tels les révolutions de 1905 et de 1917 en Russie ou la Première Guerre Mondiale allaient être exploités par des esprits pernicieux pour faire des juifs les premiers responsables du chaos engendrés par  leur tragédie. On comprend mieux alors les actions orchestrées par Staline dès 1924 contre les juifs tout autant que l'émergence d'Hitler à la même époque dont le programme publié dans « Mein Kampf » promettait ouvertement l'éradication du peuple juif d'Europe.

 En dehors de la Russie, les Juifs furent aussi confrontés à la fin du XIXe siècle à un antisémitisme tenace dans d'autres pays, notamment en Autriche-Hongrie, en Allemagne puis en France avec l'affaire Dreyfus en 1894. En dehors du processus de l'Emancipation, des milliers de Juifs effrayés par les pogroms avaient quitté leurs ghettos pour s'installer dans des villes où ils n'étaient guère les bienvenus ce qui avait poussé nombre d'entre eux à tenter de s'assimiler en se détournant de la religion et en s'intéressant à des activités qu'ils n'avaient pas eu possibilité d'aborder auparavant, notamment la peinture.


Les juifs d'Europe de l'Est émigrèrent par vagues successives et ce, depuis 1850. Ils purent ainsi aller dans plusieurs pays en rejoignant des parents ou des amis qui s'y étaient déjà installés. Mais pour subsister, ils durent pour la plupart exercer des petits métiers, ce qui fut notamment le cas pour de nombreux peintres.


Ceux qui avaient décidé de se consacrer à l'art allèrent à Vienne, à Berlin ou à Paris qui étaient les principaux centres artistiques en Europe alors que les académies russes restaient fermées aux Juifs qui étaient forcés de renoncer à leur religion et de se convertir pour y accéder. Certains trouvèrent donc plus commode d'aller vivre et étudier à Vienne et Berlin du fait que la langue allemande ne constituait pas une barrière puisqu'ils parlaient tous le Yiddish. Toutefois, ils furent nombreux à s'installer à Paris pour la simple raison que cette ville était considérée comme le centre du monde au niveau artistique.


A leurs yeux, Paris représentait tout du paradis mais dès leur arrivée, la réalité eut pour la plupart l'effet d'une gifle. Alors, comme tout étranger débarquant dans un lieu paraissant subitement inhospitalier, ils allèrent dans les quartiers où vivaient leur compatriotes et d'autres émigrés. Un réflexe somme toute universel comme pour les Italiens qui s'installèrent à New York si on veut à titre d'exemple faire un raccourci.


Ceux qui étaient venus à Paris par vagues successives, depuis 1900 jusqu'en 1939, étaient originaires de Russie, Pologne, Tchécoslovaquie, Lituanie, Bulgarie, Roumanie, Hongrie et même d'Allemagne. Etudier à l'Ecole des Beaux-Arts semblait pour beaucoup un rêve inaccessible. Par contre, la capitale regorgeait d'académies libres où ils pouvaient  avoir la faculté d'étudier. On peut citer l'Académie Colarossi, l'Académie Julian, l'Académie de la Grande Chaumière, l'Académie Ranson, l'Académie ouverte par Matisse en 1908 ou l'Académie Moderne.


Les artistes qui avaient choisi Paris, venaient pour la plupart avec un billet en poche sur lequel était écrit « Montparnasse ». Ce fut donc dans ce quartier qu'ils s'installèrent alors que ceux qui choisirent Montmartre (Georges Kars, Marcel Lherman, Louis Marcoussis ou Marek Zwarc en particulier) furent bien moins nombreux.


Il convient aussi de signaler qu'il y eut trois vagues d'immigration à Paris, la première à partir de 1900 jusqu'en 1914, la seconde après la Première Guerre Mondiale lorsque de nombreux juifs préférèrent fuir la Russie communiste pour échapper aux combats entre les Soviétiques et l'armée des Russes blancs ou ne pas subir la grave crise qui sévissait dès 1918 outre-Rhin et la troisième, lorsque les nazis prirent le pouvoir à Berlin en 1933.


Montparnasse fut pour les artistes juifs un territoire où, pour surmonter leur isolation, ils développèrent des réseaux d'entraide et d'amitié en se réunissant dans des cafés devenus célèbres aujourd'hui, comme La Rotonde, le Dôme, La Closerie des Lilas (ancien bal Bullier) ou La Coupole dont les patrons leur échangeaient souvent des œuvres contre des repas.


Créé en 1898, le Dôme était un lieu de rencontre pour des artistes parlant l'allemand comme Rudolf Lévy, Walter Bondy ou Bela Czobel lesquels côtoyaient des marchands influents comme Alfred Flechtheim. A La Rotonde, un café repris en 1911 par Victor Libion qui se montrait très généreux avec les artistes, on avait coutume de voir les juifs russes comme Krémègne, Soutine, Sam Granowsky, affublé d'un costume de cow-boy, Kikoïne ou Adolphe Feder lesquels se réunissaient plus pour oublier leur misère que pour évoquer leurs travaux alors que la Coupole, inaugurée en 1927, fut plus cosmopolite en attirant des artistes français et étrangers comme Kars, David Seifert ou Arbit Blatas. Vivant chichement, ces artistes partageaient pour la plupart leurs ateliers, notamment à la Ruche, 2 passage Dantzig, un lieu ouvert depuis 1902 qui fut longtemps un formidable vivier de création, notamment pour Chagall, Soutine, Alexandre Altmann, Krémègne, Jacques Chapiro, Granowsky, Isaac Dobrinsky, Henryk Epstein ou Isaac Païles.


Ce fut notamment à la Ruche, que les artistes juifs Krémègne, Marek Szwarc, Joseph Chaïcov et Henryk Epstein créèrent en 1911 la première revue d'art juive Makhmadim (Les Délices) dénuée de texte et dont le propos était purement esthétique.


Les artistes juifs vécurent longtemps dans le dénuement mais aussi en vase clos car en dehors du territoire de Montparnasse, ils étaient ignorés de la critique tout en étant souvent considérés dans les journaux artistiques comme des « métèques » venus manger le pain des Français bien avant que les relents de l'affaire Dreyfus ne devinssent encore plus nauséabonds dans les années qui suivirent la Première Guerre Mondiale.


Les premiers artistes juifs qui s'installèrent à Paris furent Eugène Zak en 1900 puis Mela Muter en 1901, Walter Bondy, Rudolf Lévy, Louis Marcoussis et Bela Czobel en 1903, suivis par Jacques Gotko, Savely Schleifer et Julius Pascin en 1905, Leopold Gottlieb et Amedeo Modigliani en 1906 ou Henrik Hayden en 1907. Adolphe Feder arriva en 1908 tout comme Georges Kars et Otto Freundlich puis Granowsky, Georges Merkel et Maurice Mendjisky en 1909, Marc Chagall, Moïse Kisling, Marek Szwarc, Roman Kramsztyk, Abraham Weinbaum et Alexandre Altmann en 1910, Jacob Balgley en 1911, Isaac Dobrinsky, Alice Halicka, Pinchus Krémègne, Marie Marevna, Simon Mondzain et Kikoïne en 1912, Mané-Katz, Isaac Païles, Chaïm Soutine, Marcel Slodki Nathan Grunsweigh et Henryk Epstein en 1913, Simon Glatzer en 1914. Ceux-là permirent à d'autres peintres coreligionnaires de les rejoindre mais le déclenchement des hostilités en 1914 stoppa pratiquement cette transhumance en forçant même des artistes comme Rudolf Lévy, Freundlich ou Bondy à retourner en Allemagne tandis que Chagall alla se mettre au service du régime soviétique avant de prendre la sage précaution de retourner en 1923 à Paris où plus de 150 de ses tableaux avaient disparu durant son absence. D'autres s'engagèrent dans l'armée française et certains dans l'armée allemande. La guerre finie, une nouvelle vague d'émigration eut lieu avec les arrivées à Paris de Molli Chwat et Joseph Hecht en 1918, de Vladimir Naïditch, Abraham Berline, Willy Eisenchitz, Alexandre Frenel, Ary Lochakow, Vladimir Naïditch, Adolphe Milich, Léon Zack et Zygmunt Landau en 1920, de Vera Rockline, Alice Hohermann et Lazare Volovick en 1921, d'Alexandre Fasini, Grégoire Michonze et Meyer Cheychel en 1922, de Max Band, Ossip Lubitch, Zygmund Menkes, Robert Pikelny, David Olère, Marc Sterling, Joachim Weingart, Zelman Utkes, Léon Weissberg et Michel Adlen en 1923, d'Isaac Antcher, David Brainin, Joseph Bronstein, Philippe Hosiasson, Aaron Krewer, Alfred Aberdam David Seiffert et Maurice Blond en 1924, d'Arbit Blatas, Esther Carp, Ephraïm Mandelbaum, Felix Roitman, Jacques Chapiro, Simon Segal et Georges Ascher en 1925, d'Issachar Ryback, Abraham Mintchine, Sigismond Kolos-Vary et Raymond Kanelba en 1926, de Henryk Berlewi, Joseph Pressmane, Alexandre Riemer et Eli Grunmann en 1927, de Jacob Macznik, Joseph Raynefeld, Lasar Segall, Ossip Weinberg et Frania Hart en 1928 et de bien d'autres, encore suivis à partir de 1933 de Moses Bagel, Jankel Adler, Jézékiel Kirszenbaum et Jacob Markiel pour ne citer que ceux-là.

 

Si nombre de ces peintres durent exercer différents métiers pour trouver leur pitance d'autres eurent la chance à partir des années 1920 de compter sur l'appui de collectionneurs et de marchands comme René Gimpel, Paul Guillaume, Berthe Weill, Yadwiga Zak, la veuve d'Eugene Zak très tôt disparu, Léopold Zborowski,ou Katia Granoff. Ces derniers permirent aux artistes appartenant à ce qu'on appelle l'Ecole de Paris, de se faire connaître en France et à l'étranger, notamment Soutine, Pascin, Kisling, Lasar Segall, Zak, Epstein, Hayden, Eisenchitz, Marevna, Freundlich, Mané-Katz, Vera Rockline et Modigliani, un des rares avec Yehouda Cohen, né à Salonique, à ne pas être originaire d'Europe de l'Est.

 

N'étant pas un mouvement, l'Ecole de Paris a en fait désigné un groupement de peintres étrangers ayant abordé tous les styles de leur époque. Les uns ont été cubistes comme Hayden et Marcoussis, les autres ont été figuratifs, abstraits, expressionnistes voire surréalistes. Les plus célèbres ont été Marc Chagall et Chaïm Soutine. Il convient également de signaler que plusieurs artistes rattachés à cette école et dont on a moins parlé étaient français de naissance, comme Jean Adler, Bernard Altschuler, Max Jacob, Isis Kischka, Léopold-Lévy, Jane Lévy, rené Lévy, Marcel Lherman, Maxa Nordau, Isaac Schonberg, Paul Ulmann ou Gabriel Zendel. Par ailleurs, il faut souligner que nombre de peintres non-juifs, notamment russes, polonais, ukrainiens ou même italiens, espagnols ou sud-américains furent étroitement reliés à l'Ecole de Paris entre 1910 et le début de la Seconde Guerre Mondiale.

 

De nombreux peintres étaient issus de familles profondément religieuses, certains comme Chagall ou Mané Katz restant fortement attachés aux traditions juives à travers leurs œuvres alors que d'autres comme Kisling ou Soutine ne voulurent pas en faire cas dans les leurs. Il y a pourtant des repères communs dans ce qu'ils ont créé, à savoir souvent un côté pathétique ou mélancolique dans le traitement de leurs sujets que ce soit à travers l'expressionnisme ou même le cubisme ou l'abstraction avec une prédilection pour l'expression qui fait la spécificité d'une œuvre d'un artiste de l'Ecole de Paris chez qui on décèle en filigrane le déracinement, l'angoisse, le désarroi ou la douleur mais aussi l'amour de la vie et l'envie de se sublimer en donnant un sens spirituel à sa peinture qui laisse deviner confusément un rapport étroit avec l'âme du peuple juif. Issu d'un shtetl (village juif), rossé méchamment à 13 ans par le fils d'un rabbin dont il avait osé faire le portrait, transgressant ainsi l'interdit religieux de la représentation du visage humain, Soutine ne peignit jamais de sujet juif par la suite mais le souvenir de ses racines et de sa jeunesse sembla transpirer dans chacun de ses tableaux peints avec un pinceau chaloupé comme s'il avait été en prière à la manière d'un talmudiste hochant sans cesse la tête en lisant la Thora.

 

L'histoire de l'Ecole de Paris serait probablement restée anecdotique si les peintres venus travailler à Paris entre 1900 et 1939 n'avaient pas été confrontés à la xénophobie et surtout à l'antisémitisme qui mena plus tard nombre d'entre eux à la mort. Jusqu'au début de la Première Guerre Mondiale, ils furent au mieux considérés comme des marginaux. Après les désastres causés par la conflit, ils ne prirent pas conscience de la tragédie dont ils allaient être les victimes alors que de terribles pogroms eurent lieu entre 1919 et 1921 en Ukraine, en Pologne et en Roumanie et que dès 1924, une chasse aux juifs fut mise en branle par Staline, l'ennemi juré de Trotsky. Les Années folles leur donnèrent l'illusion de pouvoir enfin connaître la paix à Paris en attendant d'améliorer leur ordinaire. En fait, Montparnasse respira faussement la gaîté d'autant plus que la presse nationaliste déversa sans cesse des articles fielleux sur les étrangers.


Le critique Louis Vauxelles, celui-là même qui en 1905 taxa Matisse, Derain ou Vlaminck de « Fauves », un terme méprisant entré dans l'histoire, n'hésita pas 20 ans plus tard à traiter les artistes étrangers de « barbares » n'ayant aucun respect pour « la douceur de la peinture française » avant d'évoquer l'Ecole de Paris dans une monographie consacrée en 1931 à Marel Szwarc en ne pouvant pas s'empêcher de pondre quelques phrases empreintes d'un antisémitisme nauséabond telles « une nuée de sauterelles », « une invasion de coloristes juifs s'abattant sur Paris », « une cohue de métèques »… En Allemagne quelques années plus tard, les nazis ne se privèrent pas de franchir un pas supplémentaire dans l'abject en organisant des expositions rendant les juifs responsables de la création d'un art perverti et décrit comme dégénéré.

 

Le climat à Paris s'était ainsi dangereusement détérioré en 1930, l'année même où Pascin se suicida subitement dégoûté de la vie. Néanmoins, il y eut encore un afflux d'artistes juifs fuyant le nazisme en 1933 et lorsque la guerre éclata, le piège se referma brutalement sur des centaines de peintres d'origine juive. Trop pauvres pour fuir à l'étranger, nombre d'eux essayèrent de se cacher alors que certains, comme Chagall, purent s'échapper et que d'autres, plus chanceux purent trouver refuge en Afrique du Nord. Mais pour le plus grand nombre, le rêve d'une vie meilleure à Paris, la ville des Lumières, se transforma en cauchemar dès 1940. Fichés comme étrangers et juifs par la police de Vichy, ils furent en grande partie arrêtés puis internés dans des centres de transit avant d'être déportés vers les camps de concentration nazis où ils furent exterminés pour la plupart.

 

C'est donc d'une manière tragique que l'histoire de l'Ecole de Paris a fini par être construite en devenant liée étroitement à la Shoah puisque près de 150 artistes juifs, étrangers mais aussi français de naissance disparurent brutalement, victimes de la barbarie nazie. Après la guerre, les survivants instillèrent encore plus de désespoir dans leurs œuvres en allant parfois jusqu'à décliner des thèmes sur l'horreur des camps mais pour l'histoire, l'existence de cette école qui n'en était pas une s'est arrêtée avec la Seconde Guerre Mondiale. Toutefois, sa légende est devenue plus que jamais vivace grâce au développement du marché de l'art et à l'émergence de ventes spécifiques d'œuvres d'artistes de l'Ecole de Paris laquelle aurait plutôt dû être appelée Groupement de Montparnasse puisque la majorité des artistes habitaient et travaillaient dans et autour ce quartier.

 

Adrian DARMON
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