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Le journal d'un fou d'art
Les fous d'art, ivres de savoir et de découvertes, riches ou moins nantis et sans cesse à l'affût des nouvelles relatives au marché de l'art, forment une belle légion à travers le monde. Sans eux, ce marché n'aurait donc sûrement rien de légendaire. Depuis plus d'une quinzaine d'années, Adrian Darmon a donc rassemblé à travers plus de 2200 pages de multiples anecdotes souvent croustillantes sur les chineurs, amateurs et autres acteurs de cet univers plutôt incroyable et parfois impitoyable.
XXIVème Chapitre
Une bonne partie de la collection Goudstikker enfin rendue à sa famille
01 Février 2006 |
Cet article se compose de 4 pages.
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Lundi 6 février 2006, après Maria Altmann qui a obtenu gain de cause quant à la propriété d'oeuvres de Gustav Klimt, exposées au Musée du Belvédère de Vienne après avoir été saisis par les nazis à son oncle, Ferdinand Bloch-Bauer, ce sont les héritiers du marchand hollandais Jacques Goudstikker qui ont appris avec soulagement que 202 tableaux ayant appartenu à ce dernier leur seraient enfin restitués. Mort accidentellement en 1940 alors qu'il tentait de fuir les Pays-Bas occupés pour se réfugier Grande-Bretagne, Goudstikker avait amassé au cours de sa belle carrière de marchand quelque 1 300 tableaux, dont des oeuvres majeures de Giotto, Memling, Rembrandt, Frans Hals, Jan Steen, Van Goyen ou du Greco. Passionné par la peinture flamande et hollandaise du XVIIe siècle, Jacques Goudstikker avait de qui tenir puisque son grand-père et son grand-oncle avaient créé un magasin d'antiquités dès 1845. Il travailla ainsi pour la maison familiale à la fin de la Première Guerre Mondiale puis en prit la tête à la mort de son père en 1927. Vivant fastueusement, Goudstikker prenait souvent plaisir à organiser des fêtes dans son château mais aussi des expositions qui firent date aux Pays-Bas, comme celle consacrée à l'art italien. Envié, voire jalousé, le flamboyant marchand juif eut pourtant le cran de refuser de commercer avec ses clients allemands au lendemain de l'invasion des Pays-Bas tout en se dépensant sans compter pour venir au secours de ses coreligionnaires qui étaient venus auparavant se réfugier dans ce pays après avoir fui l'Allemagne nazie. Partie aux Etats-Unis où elle avait refait sa vie, sa veuve Dési se démena durant des années pour récupérer sa collection de tableaux dont une bonne partie avait été vendue durant la guerre au maréchal Goering et à un homme d'affaires allemand du nom d'Aloïs Miedl. Ces oeuvres furent récupérées par les Pays-Bas après la défaite de l'Allemagne mais le gouvernement de La Haye refusa de lui donner satisfaction jusqu'à sa mort en 1996. Ce fut alors que Marei et Charlene von Saher, belle-fille et petite-fille de Jacques Goudstikker, poursuivirent le combat longtemps mené par la veuve du marchand pour faire valoir leurs droits. Tout en déplorant la perte incommensurable pour les musées hollandais que représente cette restitution, le gouvernement a indiqué que l'Etat conserverait 65 des 267 tableaux revendiqués du fait qu'il a été impossible de déterminer si ceux-ci pouvaient revenir aux héritiers du marchand. En attendant les 202 oeuvres que ces derniers vont récupérer représentent une valeur globale de plus de 40 millions d'euros. On peut quand même s'étonner que dans cette affaire, les Pays-Bas aient traîné les pieds durant 60 ans pour rendre cette collection spoliée par les nazis. Une autre affaire d'oeuvres disparues pendant la guerre a mis à mal la maison de ventes Christie's qui à la fin de l'année 2004 à Paris avait adjugé pour 785 000 euros un lot de 60 assiettes, 2 cloches et leur présentoir provenant du fameux service Orlov en argent dont 169 pièces sont conservées dans des musées russes alors qu'il n'en reste que 230 connues dans le monde. En fait, les lots vendus chez Christie's provenaient de la collection de l'antiquaire Jacques Helft qui s'était réfugié aux Etats-Unis avec sa famille en 1940. Durant l'Occupation, sa galerie et son immeuble, situés rue de Ponthieu, firent l'objet d'une saisie par la commission aux affaires juives et sa collection volée par la bande Bony-Lafont travaillant pour le compte de la Gestapo. Celle-ci se partagea ensuite un appréciable butin constitué de meubles, tableaux et objets d'art dont des pièces du magnifique service en argent offert dans les années 1770 par Catherine II à son favori le comte Orlov. Jacques Helft avait notamment pu acheter une grande partie de celles-ci auprès des Soviétiques lorsque ceux-ci avaient dispersé nombre de trésors dans les années 1920 afin de faire tourner leur économie. Le quotidien "Libération" a rappelé qu'après la guerre sur ses 1 712 meubles et objets disparus, la famille n'en retrouva que 283 dans la galerie Bonnefoy, qui fut condamnée à les rendre. Georges Helft, le fils de Jacques, avait protesté auprès de Christie's en apprenant la vente de ces pièces, dont certaines portaient la marque de la maison Helft, "LFH", et exigé de connaître le nom de vendeur, ce à quoi on lui avait répondu que les parents de ce dernier avaient acquis celles-ci auprès de son père à la fin des années 1930, un fait prouvé par un document attestant de leur exportation. L'affaire ayant été portée devant la justice, la maison Christie's a été obligée de révéler le nom du vendeur, d'avouer que ce fameux document d'exportation n'existait pas et de reconnaître que la provenance de ces pièces était floue puisque son catalogue mentionnait que le dernier propriétaire avant celui qui les mettait en vente n'était pas connu. "Libération" a ajouté que cette controverse a causé un sacré souci pour Christie's, déjà mise en cause par ailleurs pour avoir vendu à New York une bible hébraïque du XIIIe siècle volée à la Bibliothèque nationale sans avoir pris la peine de vérifier sa provenance. Voilà qui a fait plutôt désordre...
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Lundi 6 février 2006, après Maria Altmann qui a obtenu gain de cause quant à la propriété d'oeuvres de Gustav Klimt, exposées au Musée du Belvédère de Vienne après avoir été saisis par les nazis à son oncle, Ferdinand Bloch-Bauer, ce sont les héritiers du marchand hollandais Jacques Goudstikker qui ont appris avec soulagement que 202 tableaux ayant appartenu à ce dernier leur seraient enfin restitués. Mort accidentellement en 1940 alors qu'il tentait de fuir les Pays-Bas occupés pour se réfugier Grande-Bretagne, Goudstikker avait amassé au cours de sa belle carrière de marchand quelque 1 300 tableaux, dont des oeuvres majeures de Giotto, Memling, Rembrandt, Frans Hals, Jan Steen, Van Goyen ou du Greco. Passionné par la peinture flamande et hollandaise du XVIIe siècle, Jacques Goudstikker avait de qui tenir puisque son grand-père et son grand-oncle avaient créé un magasin d'antiquités dès 1845. Il travailla ainsi pour la maison familiale à la fin de la Première Guerre Mondiale puis en prit la tête à la mort de son père en 1927. Vivant fastueusement, Goudstikker prenait souvent plaisir à organiser des fêtes dans son château mais aussi des expositions qui firent date aux Pays-Bas, comme celle consacrée à l'art italien. Envié, voire jalousé, le flamboyant marchand juif eut pourtant le cran de refuser de commercer avec ses clients allemands au lendemain de l'invasion des Pays-Bas tout en se dépensant sans compter pour venir au secours de ses coreligionnaires qui étaient venus auparavant se réfugier dans ce pays après avoir fui l'Allemagne nazie. Partie aux Etats-Unis où elle avait refait sa vie, sa veuve Dési se démena durant des années pour récupérer sa collection de tableaux dont une bonne partie avait été vendue durant la guerre au maréchal Goering et à un homme d'affaires allemand du nom d'Aloïs Miedl. Ces oeuvres furent récupérées par les Pays-Bas après la défaite de l'Allemagne mais le gouvernement de La Haye refusa de lui donner satisfaction jusqu'à sa mort en 1996. Ce fut alors que Marei et Charlene von Saher, belle-fille et petite-fille de Jacques Goudstikker, poursuivirent le combat longtemps mené par la veuve du marchand pour faire valoir leurs droits. Tout en déplorant la perte incommensurable pour les musées hollandais que représente cette restitution, le gouvernement a indiqué que l'Etat conserverait 65 des 267 tableaux revendiqués du fait qu'il a été impossible de déterminer si ceux-ci pouvaient revenir aux héritiers du marchand. En attendant les 202 oeuvres que ces derniers vont récupérer représentent une valeur globale de plus de 40 millions d'euros. On peut quand même s'étonner que dans cette affaire, les Pays-Bas aient traîné les pieds durant 60 ans pour rendre cette collection spoliée par les nazis. Une autre affaire d'oeuvres disparues pendant la guerre a mis à mal la maison de ventes Christie's qui à la fin de l'année 2004 à Paris avait adjugé pour 785 000 euros un lot de 60 assiettes, 2 cloches et leur présentoir provenant du fameux service Orlov en argent dont 169 pièces sont conservées dans des musées russes alors qu'il n'en reste que 230 connues dans le monde. En fait, les lots vendus chez Christie's provenaient de la collection de l'antiquaire Jacques Helft qui s'était réfugié aux Etats-Unis avec sa famille en 1940. Durant l'Occupation, sa galerie et son immeuble, situés rue de Ponthieu, firent l'objet d'une saisie par la commission aux affaires juives et sa collection volée par la bande Bony-Lafont travaillant pour le compte de la Gestapo. Celle-ci se partagea ensuite un appréciable butin constitué de meubles, tableaux et objets d'art dont des pièces du magnifique service en argent offert dans les années 1770 par Catherine II à son favori le comte Orlov. Jacques Helft avait notamment pu acheter une grande partie de celles-ci auprès des Soviétiques lorsque ceux-ci avaient dispersé nombre de trésors dans les années 1920 afin de faire tourner leur économie. Le quotidien "Libération" a rappelé qu'après la guerre sur ses 1 712 meubles et objets disparus, la famille n'en retrouva que 283 dans la galerie Bonnefoy, qui fut condamnée à les rendre. Georges Helft, le fils de Jacques, avait protesté auprès de Christie's en apprenant la vente de ces pièces, dont certaines portaient la marque de la maison Helft, "LFH", et exigé de connaître le nom de vendeur, ce à quoi on lui avait répondu que les parents de ce dernier avaient acquis celles-ci auprès de son père à la fin des années 1930, un fait prouvé par un document attestant de leur exportation. L'affaire ayant été portée devant la justice, la maison Christie's a été obligée de révéler le nom du vendeur, d'avouer que ce fameux document d'exportation n'existait pas et de reconnaître que la provenance de ces pièces était floue puisque son catalogue mentionnait que le dernier propriétaire avant celui qui les mettait en vente n'était pas connu. "Libération" a ajouté que cette controverse a causé un sacré souci pour Christie's, déjà mise en cause par ailleurs pour avoir vendu à New York une bible hébraïque du XIIIe siècle volée à la Bibliothèque nationale sans avoir pris la peine de vérifier sa provenance. Voilà qui a fait plutôt désordre...
Mercredi 8 février 2006, une oeuvre de Maurizio Cattelan représentant une toile lacérée à la manière de Lucio Fontana a été adjugée à Londres pour 550 000 livres sterling, une somme démentielle surtout lorsqu'on voit des toiles du second nommé se vendre souvent trois fois moins cher. Il convient de signaler que les créations de Cattelan réalisées dans ce style valaient à peine 80 000 euros il y a moins de deux ans. Autre anachronisme, une petite toile d'Andy Warhol montrant la Cène d'après Léonard de Vinci a culminé à près de 2,5 millions de livres au cours de la même vente. Certains spécialistes du marché n'ont pas hésité à soupçonner que ces enchères mirobolantes puaient le blanchiment d'argent den signalant que les professionnels, de plus en plus aux abois en raison de la crise économique, n'ont plus eu depuis des mois les moyens de se manifester dans les grandes ventes aux enchères. Vendredi 10 février 2006, les archéologues avaient cru depuis dix ans qu'ils ne trouveraient plus de tombe importante dans la vallée des Rois, à 500 km au sud du Caire mais une équipe de l'université américaine de Memphis, un nom prédestiné concernant l'Egypte, ont surpris les plus sceptiques en découvrant fortuitement une chambre mortuaire à quelques mètres de la sépulpture d'un pharaon qu'ils étaient en train d'étudier. La découverte d'un puits menant à une pièce creusée sommairement et contenant cinq momies intactes placées dans des sarcophages richement ornés, avec à leurs côtés une vingtaine de grandes jarres en albâtre marquées des sceaux pharaoniques datant de la XVIIIe dynastie (1500 à 1300 avant J.-C., n'a pas manqué de susciter un débat passionnant quant à l'identité des personnages inhumés, certains allant jusqu'à dire que la légendaire reine Néfertiti, épouse d'Akhénaton, ferait peut-être partie du lot. La présence de ces sarcophages dans une pièce rectangulaire aux murs nus tendrait à démontrer que ceux-ci, afin d'échapper à la convoitise des pilleurs de tombes, auraient été transférés à la hâte de leur premier lieu d'inhumation, bien plus vaste et constitué de chambres aux parois décorées de fresques selon la coutume de l'époque. Il s'agit là de la 63e tombe trouvée dans la vallée des Rois, où la découverte la plus sensationnelle fut celle de Toutankhamon faite par Howard Carter. En attendant, Néfertiti n'a jamais cessé de faire rêver les archéologues mais il faut se rappeler que la religion monothéiste du seul dieu Aton, imposée par son réformateur de mari Amenophis IV, qui prit le nom d'Akhenaton, ne survécut pas à ce dernier et que les pharaons qui lui succédèrent s'évertuèrent à faire disparaître ses traces en effaçant au passage les représentations de la reine et de son époux de la plupart des édifices d'Egypte. On comprend alors qu'à partir du moment où le culte d'Aton fut rejeté, les prêtres voulurent faire place nette en prenant vraisemblablement la décision de déplacer la dépouille de Néfertiti de sa tombe d'origine et de la mettre dans un lieu secret dans le but de précipiter son oubli. Vendredi 17 février 2006, atmosphère glaciale au marché aux Puces de Saint-Ouen où les marchands et les chineurs ont continué à crier misère. Le lendemain, le malade de la chine surnommé "Le Professeur" s'est mis à rêver comme un gosse après avoir déniché au marché de Vanves une huile sur toile portant la signature de Manet. Autant dire qu'il se sera offert un sacré challenge pour parvenir à l'authentifier surtout que la disparition de Daniel Wildenstein, le seul spécialiste patenté de cet artiste, a fait qu'on ne sait plus maintenant qui est aux mannettes pour expertiser des Manet. Mardi 21 février 2006, Camille qui pleure, Jacques qui rit. Voilà ce qui s'est passé à l'issue d'un procès en appel concernant une affaire qui a secoué le monde feutré des grands antiquaires. Les faits : Camille Burgi avait présenté il y a cinq ans au Pavillon des Antiquaires des Tuileries un secrétaire d'époque Louis XVI mais le jury des experts présidé par le marchand Jean-Marie Rossi l'avait rejeté au prétexte qu'il s'agissait d'un meuble bidouillé. Colère de Burgi qui s'était rappelé que ce-dit secrétaire avait été vendu par Rossi lui-même quelques années auparavant. Seulement voilà, le meuble n'était plus dans son état d'origine après un remaniement de son ornementation en bronze, ce qui justifia donc le verdict du jury. Ayant gravi un à un les échelons de la profession après avoir débuté comme brocanteur au marché aux Puces de Montreuil, Burgi demanda des explications à Jean-Marie Rossi et découvrit que le document notifiant le rejet de son meuble avait été signé par un autre, en l'occurrence Jacques Perrin, un des pontes du marché. S'estimant victime d'une cabale propre à le ruiner, il porta plainte devant le tribunal correctionnel, lequel condamna Perrin pour faux en écriture à un an d'emprisonnement avec sursis, cinq ans d'interdiction d'expertise et à un million d'euros de dommages et intérêts à verser au plaignant. Burgi put alors jubiler mais son adversaire, un instant sonné par ce verdict qui l'avait amené à démissionner de la vice-présidence du Syndicat national des antiquaires, décida derechef de faire appel en fourbissant ses armes pour contre-attaquer. Vendu à un amateur italien il y a une trentaine d'années, le secrétaire en question avait été présenté sans plus de détail comme un meuble de décoration probablement réalisé en Suède par Jean-Marie Rossi. L'amateur le revendit plus tard au marchand Jean Renoncourt qui le céda ensuite à Camille Burgi. Nul n'a su ou n'a voulu dire quand ce secrétaire fut remanié. Toujours est-il que Burgi croyait en tirer une somme rondelette en le présentant comme un travail digne des ébénistes Beneman, Riesener et Weisweiler en oubliant, comme l'a signalé Vincent Noce dans le journal « Libération » que le décor en bronze doré avait été transformé depuis son acquisition par Jean-Marie Rossi dans une vente aux enchères en 1973. Selon des spécialistes, il ne s'agirait même pas à l'origine d'un secrétaire mais d'un simple meuble, décoré bizarrement sur les côtés de cariatides, qui aurait été conçu comme une grande boîte à musique pour contenir un orgue mécanique, d'où la présence d'une ornementation en bronze figurant un trophée musical, un mélange saugrenu de décorations de différentes époques du XVIIIe siècle qui, selon ces spécialistes, n'a pu être réalisé que par un ébéniste du XIXe siècle. Quoi qu'il en soit, Jacques Perrin a fait valoir pour sa défense que ce meuble n'avait pas sa place au Pavillon des Antiquaires, un argument qui n'avait pas trouvé d'écho en première instance mais qui a finalement convaincu la cour d'appel en lui donnant finalement raison. Sorti vainqueur de son bras de fer avec Burgi, l'antiquaire a retrouvé le sourire et invité illico 300 de ses amis à une grande fête pour célébrer son honneur retrouvé. Dans cette affaire, Burgi a perdu gros en voyant son chiffre d'affaires tomber au plus bas après avoir cru un peu vite qu'il gagnerait ce procès en appel haut la main mais la logique implacable de la devise « tous pour un, un pour tous » appliquée dans le milieu très fermé des grands antiquaires a eu raison de ce combattant un peu trop esseulé.
Jeudi 23 février 2006, rencontre avec un fou d'art qui a osé prétendre que Picasso avait réalisé une grande partie de son oeuvre à partir d'une nature morte représentant un pot à eau, un verre, du pain et des châtaignes, une théorie complètement farfelue qui au départ m'a fait sourire mais le quidam en question m'a ensuite présenté un CD Rom de son crû propre à laisser pantois tout connaisseur du génie espagnol. Gilbert Moreno a trouvé il y a quelques années une série de plusieurs tableaux et dessins ainsi que des reproductions d'oeuvres anciennes qui auraient appartenu à Picasso lequel les auraient ensuite confiés à une parente avant que celui-ci en fasse l'acquisition lors d'un débarras après le décès de cette dernière. Au début, Gilbert Moreno s'est dit qu'il n'avait aucune chance de faire authentifier ses trouvailles jusqu'au jour où il a étudié attentivement cette petite nature morte avec des châtaignes pour se rendre compte qu'elle aurait pu servir à Picasso pour produire nombre de ses chefs d'oeuvre. Il m'a ainsi montré un CD Rom savamment réalisé pour pointer des similitudes troublantes de courbes et de traits trouvées ailleurs dans ces oeuvres, une démonstration magistrale propre à laisser pantois tout connaisseur des travaux de Picasso. Plus incroyable encore, les analogies trouvées avec la légendaire toile "Guernica" dans une reproduction d'un tableau du Baron Gérard ont semblé prouver que Picasso s'en était inspiré trait pour trait en recomposant son oeuvre à sa manière. Gilbert Moreno serait-il un magicien ou simplement un doux dingue ? La question mérite d'être posée mais rien ne dit qu'il convaincra Maya Picasso du bien-fondé de ses théories en dépit de son admirable travail de démonstration puisque celui-ci remettrait en cause tout le processus de création du génie de la peinture que fut son père. Jeudi 23 février 2006, reportage consacré à Thierry Ehrmann, le patron du site Internet Artprice, dans le cadre de l'émission de télévision "Envoyé Spécial" qui a dévoilé le côté artistique du millionnaire excentrique, créateur d'installations hétéroclites qui lui ont valu d'être poursuivi en justice pour avoir modifié sans autorisation préalable l'aspect de sa propriété située près de Lyon. Les créations un peu déjantées de ce suiveur d'Arman et de César ont eu de quoi provoquer un certain étonnement mais aussi des interrogations quant à savoir s'il n'était pas un peu dérangé mais tout compte fait, l'intéressé a dû éperdument se moquer de ce qu'on a pu penser de lui. Qu'importe s'il a du talent ou non, il a trouvé son Graal après avoir fait fortune sauf qu'il a oublié de respecter les lois de l'urbanisme. On peut gager qu'il aurait préféré vivre à une époque où les choses étaient alors différentes, vraisemblablement entouré de sa petite cour au Moyen Age en ayant gagné moult ducats après avoir créé par exemple un système d'information pour les chevaliers partant en croisade qui lui aurat permis de se bâtir un château fort muni d'étranges machines de son invention. En attendant, le seigneur d'Artrpice ne s'est pas fait que des amis dans son voisinage. Vendredi 24 février 2006, temps frisquet aux Puces de Saint-Ouen où certains marchands du Carré Rive Gauche ont déambulé l'air plutôt absent dans les allées des marchés Serpette et Paul Bert. Au chaud dans un café, l'un d'entre eux s'est lamenté du sort de ses confrères dont les chiffres d'affaires ont fait un sacré plongeon durant l'année 2005, leur baisse se situant entre 50 et 80%. Par rapport à la belle santé affichée par les galeries d'art moderne et contemporain, les antiquaires ont ainsi paru de plus en plus mal lotis. Changement de société, transformation des goûts et des attitudes, la nouvelle génération a tourné le dos aux vieilleries pour vivre selon l'air du temps, le design actuel n'étant plus compatible avec le style du XVIIIe et la lourdeur des meubles Empire. Il faut en outre avoir un certain don pour mélanger les genres, comme savoir placer un tableau ancien à côté d'un meuble de Le Corbusier, ce qui n'est pas donné à n'importe qui. Alors, les gens ne perdent pas de temps à réfléchir pour combiner les styles en donnant simplement la préférence, voire la priorité, au contemporain. Dommage. Autre sujet de conversation durant cette morne matinée, la décision qu'aurait prise le grand antiquaire Maurice Segoura de cesser son activité l'été prochain et de mettre en vente son stock et probablement une bonne partie de ses collections chez Christie's. Si cela se confirmait, ce serait encore un inconvénient pour la profession puisqu'elle perdrait une de ses plus grandes figures. Privée de la présence de Segoura, la Biennale aurait vraisemblablement du mal à maintenir son standing. Le monde a tellement bougé depuis ces vingt dernières années si bien que les antiquaires et les brocanteurs sont devenus comme une race en voie de disparition. Combien en restera-t-il d'ici 2025 ? A Rio de Janeiro des hommes encagoulés et armés se sont emparés de tableaux de Picasso, Matisse, Dali et Monet en molestant au passage des visiteurs. Dans un pays où le rapt est monnaie courante, ces malfaiteurs ont dû se dire qu'il serait nettement plus payant d'enlever des tableaux de prix que des gens pour exercer un chantage au assurances. En outre, ils n'auront pas à nourrir leurs "otages" ni à les surveiller étroitement pour éviter qu'ils s'échappent en attendant de recevoir leur rançon.
Mercredi 1er mars 2006, les maisons de ventes Sotheby's et Christie's ont encore été pointées du doigt pour avoir vendu des trésors archéologiques exportés illégalement, cette fois-ci d'Afghanistan, un pays longtemps en proie à l'instabilité et dont le patrimoine a été pillé sans relâche depuis une quinzaine d'années. D'après le journal "Libération", c'est un fabuleux trésor composé de 350 kilos d'objets en or et en argent et de 4 tonnes de monnaies et médailles des empires grec et perse allant du Ve siècle avant J.-C. au IIIe siècle de notre ère qui a été trouvé en 1992 dans le village de Mir Zakah à l'issue de pluies torrentielles ayant mis à jour une cache secrète dans un puits profond, avant d'apparaître ensuite sur le marché clandestin des antiquités au Pakistan. Ces extraordinaires témoignages du passé de l'Afghanistan ont été achetés par des collectionneurs privés mais aussi en grande partie par le musée japonais de Miho sans que l'Unesco ait pu faire quoi que ce soit pour empêcher un juteux trafic qui a conduit Osmund Bopearachchi, directeur de recherche au CNRS et professeur à la Sorbonne, spécialiste des civilisations gréco-indiennes, à s'investir dans une longue enquête pour recenser les pièces disparues de ce village de montagne proche de la frontière pakistanaise. Celles-ci ont ainsi été vite acquises ou échangées contre des armes par des marchands du bazar de Peshawar auprès des membres de la tribu des Mangals dont certains s'entretuèrent pour se partager cet extraordinaire magot, a rapporté le journal sous la plume de Sylvie Briet. Selon cette dernière, le reste du trésor serait maintenant en partie stocké à Bâle dans l'attente d'être progressivement dispersé dans des ventes aux enchères à Londres ou à New York. Faute d'avoir pu soigneusement l'étudier, les archéologues auront du mal à retracer l'histoire de la région après le passage d'Alexandre le Grand, dont un inestimable médaillon commémoratif en or frappé de son vivant et le représentant coiffé d'une tête d'éléphant a pu être retrouvé en même temps que d'autres pièces de monnaie qui ont permis de recenser 43 rois indo-grecs ayant régné après ce dernier alors qu'on en connaissait que sept. C'est donc tout un pan de l'histoire de l'Afghanistan qui a foutu le camp dans le cadre de ce trafic. Les fouilles à Mir Zakah ont été heureusement arrêtées après de nombreux pompages clandestins du puits secret où il a été découvert lorsque la montagnese mit comme par miracle à dégorger d'objets et de monnaies dans des coulées d'eau et de boue. D'après un archéologue afghan, il aurait appartenu à un important temple dévalisé au IVe siècle par des pilleurs qui auraient ensuite caché leur butin à cet endroit. L'extraordinaire médaillon d'Alexandre se trouve quant à lui entre les mains d'un collectionneur américain qui a promis de le restituer à l'Afghanistan quand le calme sera définitivement revenu dans ce pays, c'est à dire probablement la semaine des quatre jeudis... Le même jour, on a appris que la Grèce avait emboîté le pas à l'Italie pour réclamer des pièces archéologiques provenant de fouilles et illégales et exportées sans autorisation de son territoire. Le ministre grec de la Culture a ainsi annoncé qu'une action judiciaire a été engagée contre le Getty Museum pour récupérer quatre antiquités et émis le désir de rencontrer le directeur du Metropolitan Museum de New York pour obtenir la restitution d'objets acquis dans des conditions douteuses. Les pillages de sites archéologiques n'ont pas cessé d'augmenter dans les pays démunis de moyens pour protéger leur patrimoine depuis que le marché de l'art s'est structuré au début des années 1980 et à cet égard, c'est probablement en Afrique qu'ils ont été les plus nombreux. La France a ainsi restitué au Niger près de 500 kg d'objets archéologiques saisis à la fin de 2004 lors d'un contrôle douanier à l'aéroport de Roissy. Parmi ceux-ci se trouvaient des poteries et des figurines de la culture Bura datant d'entre le IIe et le XIe siècle déterrées par des pilleurs qui ont détruit leur environnement originel. Vendredi 3 mars 2006, une peine de deux ans de prison avec sursis assortie d'une amende de 80 000 euros d'amende a été requise contre Michel Garel, ex-conservateur de la Bibliothèque nationale de France (BNF) pour le vol d'une bible hébraïque du XIIIe siècle. Ce fut au cours de leur installation dans leurs nouveaux locaux du XIIIe arrondissement en 1998 que les responsables de la BNF s'étaient aperçus que de nombreux ouvrages manquaient dans ses collections. Un inventaire réalisé jusqu'en 2004 permit ainsi de constater la disparition de 120 volumes et manuscrits, pour la plupart hébraïques. Deux lettres anonymes adressées en 2003 au président de la BNF désignèrent Michel Garel comme le principal suspect mais faute de preuves, il bénéficia d'un non-lieu en n'étant poursuivi que pour le vol d'une bible hébraïque du XIIIe siècle, revendue 300 000 dollars en mai 2000 chez Christie's par un collectionneur après que celui-ci eût indiqué l'avoir acquise auprès de ce dernier pour un tiers de cette somme. A la barre du tribunal, l'ex-conservateur s'est défendu avec véhémence en mettant les vols des livres hébraïques sur le compte d'un soi-disant gang international composé de juifs orthodoxes spécialisés dans le commerce de livres religieux, un argument qui n'a guère convaincu la présidente en regard des témoignages à son encontre, de son train de vie et de versements effectués sur un compte ouvert à l'étranger. Se présentant comme la victime de jalousies de la part d'anciens collègues, l'accusé aura du mal à ressortir blanchi de ce procès tant son histoire d'hommes barbus aux chapeaux ronds et aux manteaux longs occupés à piller les rayons de la BNF aura paru farfelue sinon peu orthodoxe. Samedi 4 mars 2003, rumeur au marché de Vanves. L'homme à cause duquel le compositeur et chineur Michel B. se serait supprimé en juin 2002 après avoir tenté en vain de récupérer des oeuvres qu'il lui avait confiées aurait conduit un autre quidam à se suicider pour les mêmes raisons au milieu du mois de février 2006. Deux morts sur la conscience, ça fait beaucoup pour cet individu sans scrupules auquel avait eu affaire un ex-marchand surnommé "Le Père Dominicain". "Cet ignoble personnage m'avait souvent rendu visite à ma boutique en laissant entendre qu'il me verserait des commissions en tant qu'apporteur d'affaires. Je l'avais ainsi dirigé vers plusieurs particuliers avant de le congédier vertement au bout de quelques mois après m'être rendu compte qu'il n'avait aucune parole. Un peu plus tard, Michel B. tomba sous la coupe de cette crapule qui l'escroqua et le conduisit au suicide," a déclaré l'ancien marchand. "On a parfois affaire à de drôles de zèbres dans le métier. Certains sont simplement des parasites mais d'autres sont autrement plus néfastes comme ce type qui prétend avoir des relations pour authentifier et vendre des oeuvres et qui abuse sans vergogne de la confiance de ceux qu'il séduit par ses beaux discours. Il serait temps de l'empêcher de nuire," a-t-il ajouté sur le ton de la colère.
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