Jeudi 15 mars, dîner au restaurant de La Rotonde à Montparnasse avec le peintre hongrois Josef Breznay, son fils Pal et un marchand du marché Serpette. La carte du menu a de quoi épater les clients avec ses reproductions de signatures d'artistes prestigieux qui firent la renommée de La Rotonde mais les plats, tièdes et sans saveur, ont laissé plutôt à désirer. L'atmosphère de ce lieu était certainement plus conviviale durant les années 1920-30 et les mets devaient être probablement plus chauds. Heureusement, le vin s'est laissé boire et a rendu ce dîner finalement plus supportable.
On a parlé de l'exposition des tableaux de Josef Breznay, un peu perdus dans le décor surchargé de ce restaurant, tandis que le marchand de Serpette a évoqué ce calme fatigant qui règne aux Puces de Saint-Ouen depuis trois mois en ajoutant qu'il n'avait pas d'autre choix que de faire avec.
Vendredi 16 mars, rien à signaler aux Puces de Saint-Ouen alors qu'à onze heures, je me suis rendu dans le XVI e arrondissement chez une riche héritière à l'invitation du "Dinosaure" qui désirait mon aide pour estimer des objets et des tableaux dont elle voudrait se séparer.
Le "Dinosaure" s'est mis en tête de "faire des adresses" parce que ça l'amuse terriblement et qu'il y a aussi moyen de gagner pas mal d'argent de cette manière mais là, la bonne dame ne s'en laisse pas compter surtout que des commissaires-priseurs et des marchands sont déjà passés chez elle pour évaluer les pièces dont elle n'a plus besoin. C'est un coup d'épée dans l'eau mais il se rattrapera certainement ailleurs...
Samedi 17 mars, j'apprends que la Foire de Maastricht, devenue la plus prestigieuse aux yeux des antiquaires du monde entier, n'a pas rencontré le succès escompté. En fait, la crise boursière aux Etats-Unis est passée par là et les acheteurs se sont montrés frileux quoique pas mal d'objets et de tableaux de grande qualité ont été vendus mais les transactions n'ont pas dépassé en majorité la barre des 5 millions de francs. Au delà de cette somme, les acheteurs se sont montrés très difficiles en raison notamment du fait que beaucoup de pièces vendues aux enchères ces derniers mois étaient proposées lors de cette édition. Je remarque que les choses ont diablement changé depuis ces cinq dernières années car les salles de ventes ont causé pas mal de tort aux marchands qui de plus en plus ont à batailler contre des collectionneurs. Il est fini le temps où un professionnel pouvait acquérir une pièce aux enchères, la garder quelques années et la ressortir à l'occasion de la Biennale de Paris ou d'une autre manifestation prestigieuse pour la revendre au moins au double de son prix d'adjudication.
Maintenant, les pièces acquises dans les ventes réapparaissent immédiatement pour être revendues avec un petit bénéfice alors que de nombreux collectionneurs ont fini par se dire qu'il semble stupide de donner un bonus à un marchand pour un objet ou un tableau qui aurait pu être acheté directement aux enchères quelques semaines plus tôt. En outre, les prix enregistrés dans les salles de ventes sont devenus très conséquents et les marchands ont moins de marge de manoeuvre pour réaliser de bonnes plus-values à la revente.
Dimanche 18 mars, déjeuner avec Maurice qui évoque le rôle des salles de ventes ainsi que les enchères très soutenues qui y sont enregistrées pour finalement prédire qu'un krach risque de survenir sur le marché de l'art. Chantant son habituelle antienne, il me déclare que le marché sera bientôt foutu parce que ses limites ont été atteintes.
Je l'approuve en grande partie mais signale que le marché a encore des capacités pour rebondir. L'art contemporain offre encore des perspectives de développement tout comme d'autres domaines comme la photographie alors que les chefs d'oeuvre feront toujours de gros prix.
N'empêche, si les indicateurs économiques ne sortent pas du rouge au Japon ou aux Etats-Unis, il y aura certainement une crise comme les résultats de Maastricht et surtout les mauvaises affaires constatées par ailleurs le laissent entrevoir.