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Il n'est pas nécessaire d'avoir pris froid pour prendre quelqu'un en grippe...
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Le journal d'un fou d'art
Chapitre :
24 titres
XXIIème Chapitre
Serpette en deuil
01 Octobre 2004 |
Cet article se compose de 2 pages.
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Lundi 18 octobre 2004, déjà éprouvés dix jours auparavant par le suicide d'un de leurs voisins, les locataires du marché Serpette ont eu à affronter un nouveau deuil, cette fois-ci avec le décès brutal d'Alba, une des figures légendaires de l'endroit le plus fréquenté des puces de Saint-Ouen. Spécialisée depuis plus d'une vingtaine d'années dans la vente de vêtements, de sacs et de bijoux de fantaisie, cette marchande à l'incroyable bagout d'une Madame Sans-Gêne n'avait jamais manqué une occasion d'apostropher et d'amuser les chineurs lorsqu'ils passaient devant son stand mais aussi d'irriter ses voisins qui trouvaient qu'elle en faisait un peu trop à leurs goûts. Sa disparition a provoqué bien des regrets et laissé un grand vide à Serpette où les affaires n'ont guère été florissantes depuis les attentats de septembre 2001. Jeudi 21 octobre 2004, on a appris au journal télévisé de TF1 qu'à Orléans, un biffin avait trouvé dans une poubelle une œuvre de Van Gogh qui a depuis été jugée authentique par plusieurs experts français. Les avis de ces messieurs comptant en fait généralement pour du beurre, cette découverte ne deviendra extraordinaire que le jour où les spécialistes du Musée Van Gogh diront la même chose au sujet de ce tableau car eux-seuls ont autorité sur l'œuvre du peintre maudit. Vendredi 22 octobre 2004, grande nouvelle, une pilule destinée à parfumer les pets a été mise au point par un inventeur normand. Grande nouvelle parce que l'air à l'Hôtel Drouot a souvent été irrespirable, sinon vicié, par la faute de perles lâchées sans plus de façon par des malotrus dans des salles habituellement combles. Désormais, aux vents mauvais de Drouot succéderont des gaz fleurant bon la menthe, la rose ou l'estragon mais cela ne signifiera pas pour autant que les amateurs auront enfin plus de nez pour acheter car il leur faudra toujours compter avec d'autres effluves désagréables, comme les odeurs de transpiration, de cheveux sales, de mauvaise haleine, d'urine, de vieux vêtements ou de fourrures mitées ou les émanations de parfums de toutes sortes toutes propres à incommoder rapidement n'importe quel visiteur et à lui faire frôler un malaise ou l'asphyxie surtout au cas où il lui faudra attendre une heure, voire deux, pour voir passer sous le marteau le lot qu'il aura convoité. Samedi 23 octobre 2004, « Ben Claude » s'est remis à rêver, comme lors de ce fameux jour de février 1995 où il était parvenu à faire authentifier un tableau de neige de Claude Monet peint en Norvège qu'il avait acheté pour une bouchée de pain à l'Hôtel Drouot. Cette fois-ci, il a dû batailler ferme et débourser plus de 700 euros lors d'une vente courante pour mettre la main sur une autre toile portant la signature de Monet représentant encore un paysage de neige. L'histoire se répéterait-elle ? Ce serait proprement incroyable sauf que qu'il a été bien en peine de savoir qui a remplacé Daniel Wildenstein pour authentifier les oeuvres de Monet. Plus que tout autre expert, ce dernier savait utiliser son flair et ne s'embarrassait guère des problèmes de provenance pour décider qu'une œuvre était authentique contrairement à nombre de spécialistes qui ont rêvé de lui succéder en préférant jouer la prudence avant toute chose.
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Lundi 18 octobre 2004, déjà éprouvés dix jours auparavant par le suicide d'un de leurs voisins, les locataires du marché Serpette ont eu à affronter un nouveau deuil, cette fois-ci avec le décès brutal d'Alba, une des figures légendaires de l'endroit le plus fréquenté des puces de Saint-Ouen. Spécialisée depuis plus d'une vingtaine d'années dans la vente de vêtements, de sacs et de bijoux de fantaisie, cette marchande à l'incroyable bagout d'une Madame Sans-Gêne n'avait jamais manqué une occasion d'apostropher et d'amuser les chineurs lorsqu'ils passaient devant son stand mais aussi d'irriter ses voisins qui trouvaient qu'elle en faisait un peu trop à leurs goûts. Sa disparition a provoqué bien des regrets et laissé un grand vide à Serpette où les affaires n'ont guère été florissantes depuis les attentats de septembre 2001. Jeudi 21 octobre 2004, on a appris au journal télévisé de TF1 qu'à Orléans, un biffin avait trouvé dans une poubelle une œuvre de Van Gogh qui a depuis été jugée authentique par plusieurs experts français. Les avis de ces messieurs comptant en fait généralement pour du beurre, cette découverte ne deviendra extraordinaire que le jour où les spécialistes du Musée Van Gogh diront la même chose au sujet de ce tableau car eux-seuls ont autorité sur l'œuvre du peintre maudit. Vendredi 22 octobre 2004, grande nouvelle, une pilule destinée à parfumer les pets a été mise au point par un inventeur normand. Grande nouvelle parce que l'air à l'Hôtel Drouot a souvent été irrespirable, sinon vicié, par la faute de perles lâchées sans plus de façon par des malotrus dans des salles habituellement combles. Désormais, aux vents mauvais de Drouot succéderont des gaz fleurant bon la menthe, la rose ou l'estragon mais cela ne signifiera pas pour autant que les amateurs auront enfin plus de nez pour acheter car il leur faudra toujours compter avec d'autres effluves désagréables, comme les odeurs de transpiration, de cheveux sales, de mauvaise haleine, d'urine, de vieux vêtements ou de fourrures mitées ou les émanations de parfums de toutes sortes toutes propres à incommoder rapidement n'importe quel visiteur et à lui faire frôler un malaise ou l'asphyxie surtout au cas où il lui faudra attendre une heure, voire deux, pour voir passer sous le marteau le lot qu'il aura convoité. Samedi 23 octobre 2004, « Ben Claude » s'est remis à rêver, comme lors de ce fameux jour de février 1995 où il était parvenu à faire authentifier un tableau de neige de Claude Monet peint en Norvège qu'il avait acheté pour une bouchée de pain à l'Hôtel Drouot. Cette fois-ci, il a dû batailler ferme et débourser plus de 700 euros lors d'une vente courante pour mettre la main sur une autre toile portant la signature de Monet représentant encore un paysage de neige. L'histoire se répéterait-elle ? Ce serait proprement incroyable sauf que qu'il a été bien en peine de savoir qui a remplacé Daniel Wildenstein pour authentifier les oeuvres de Monet. Plus que tout autre expert, ce dernier savait utiliser son flair et ne s'embarrassait guère des problèmes de provenance pour décider qu'une œuvre était authentique contrairement à nombre de spécialistes qui ont rêvé de lui succéder en préférant jouer la prudence avant toute chose.
Vendredi 29 octobre 2004, réapparition de l'affreux « J.R » croisé au détour d'une rue dans le XVIe arrondissement. Dépenaillé, le visage bouffi, puant la vinasse et la cigarette, il a semblé ne pas en mener large et pour cause, de nouveaux ennuis lui sont tombés dessus. Durant l'été, il avait réussi à obtenir le courtage d'une collection d'art chinois dont il avait revendu une partie à un marchand de la Rive Gauche pour 50 000 euros, une somme sur laquelle il avait obtenu une belle commission de 10 000 euros. Las, les pièces vendues ont été jugées fausses par un expert parisien et une maison de vente londonienne. Bien entendu, « J.R » a rapidement dilapidé sa commission en jeux de Rapido, en kirs, en tabac et en achats souvent hasardeux pour se retrouver aux abois et viré de son hôtel, ce qui l'a amené à me demander si je n'avais pas 50 euros pour le dépanner. « Sachez qu'on ne dépanne pas une vieille guimbarde bonne pour la casse », lui ai-je répondu du tac au tac en lui signifiant mon refus de l'aider. « Une vieille guimbarde, moi ? Apprenez que j'ai fait des coups en pagaille et que je suis loin d'être mort », a-t-il lâché rouge de colère. - Pas mort mais certainement à l'agonie. A force d'avoir abusé de la confiance de nombreux chineurs et marchands, vous voilà au pied du mur et avec la crise, je ne vous vois guère en mesure de trouver une nouvelle planche de salut… Dénué de dignité, il a insisté en m'indiquant qu'il était sur le point de vendre un truc intéressant et assuré que si je lui prêtais 50 euros, il me reverserait le double sous trois jours. Ayant toujours entendu qu'il n'avait jamais remboursé aucun de ses multiples emprunts, je lui ai dit d'aller se faire voir ailleurs avant de le laisser sur le trottoir en train de maugréer. Samedi 30 octobre 2004, beaucoup de monde au marché de Vanves mais peu de chineurs chanceux. Depuis des mois, le manque de bonne marchandise s'est fait cruellement sentir mais il y a eu tout de même un fou d'art chanceux en la personne du « Gai Coquelet » alias « Gargamelle le Cuisinier » qui a réalisé une belle affaire avec un portrait de Guillaume Apollinaire par Irène Lagut chiné il y a quelques semaines pour 20 euros. Lui au moins n'a pas trop connu la crise. Rencontre à Saint-Ouen avec « Le Stressé » qui a réussi en deux semaines à se refaire après avoir rapidement bradé de bonnes trouvailles. « Dieu merci, j'ai réussi à me sortir d'une sale situation qui augurait mal de mon avenir. En fait, seules les connaissances permettent de s'en sortir dans ce métier et je commence à me marrer doucement en voyant nombre de marchands céder maintenant à la panique. Ils apprennent ainsi à savoir ce que c'est de patauger dans la m…», a-t-il ajouté un brin hilare.
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