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Un homme sans idées peut-il avoir un idéal ?
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Le journal d'un fou d'art
Les fous d'art, ivres de savoir et de découvertes, riches ou moins nantis et sans cesse à l'affût des nouvelles relatives au marché de l'art, forment une belle légion à travers le monde. Sans eux, ce marché n'aurait donc sûrement rien de légendaire. Depuis plus d'une quinzaine d'années, Adrian Darmon a donc rassemblé à travers plus de 2200 pages de multiples anecdotes souvent croustillantes sur les chineurs, amateurs et autres acteurs de cet univers plutôt incroyable et parfois impitoyable.
IIème Chapitre
COCA-COL'ART
01 Juillet 2000 |
Cet article se compose de 2 pages.
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Le risque d'être trompé est plus faible concernant un objet mais il existe lorsqu'on découvre à retardement qu'il s'agit d'un faux et là, on le délaisse aussi sûrement qu'une femme volage. Imaginez le collectionneur dont la fierté de posséder un Rembrandt est sans bornes. Si jamais il apprend que son trésor a été déclassé pour n'être plus que la copie d'un élève, il éprouvera une déception épouvantable et ne regardera alors plus son tableau avec l'émotion et la fierté qu'il pouvait ressentir auparavant. En attendant, les changements de mentalités ne signifient pas une modification du comportement de base d'un collectionneur même si les frontières de l'acceptable en matière d'art deviennent de plus en plus floues. On a vu un film comme «Baise-moi» de Virginie Des pentes, assorti d'une interdiction aux moins de 16 ans, sortir normalement dans les salles de cinéma même si trois jours plus tard le Conseil d'Etat a décidé de le classer «X» en raison de son caractère pornographique et violent. N'empêche, la révolution sexuelle, après un démarrage épique au début des années 1970, a atteint un point de non-retour au sein de la société occidentale après le combat des femmes pour leur liberté ou l'émergence dans les cités d'un nouveau mode de vie ainsi que du verlan, langage répandu parmi les jeunes. Ceux qui avaient 20 ans en 1968 ont maintenant l'air de vieux croûtons par rapport aux jeunes du même âge qui s'éclatent dans des «Rave-parties» ou font l'amour comme on prendrait son petit-déjeuner tout en songeant de plus en plus à se faire tatouer alors que les filles sont devenues plus impertinentes avec les mecs et que le mariage n'est plus leur préoccupation première. Suite à ce constat, il n'est pas étonnant que des artistes comme Jeff Koons soient devenus des idoles sur le marché en dépit des combats d'arrière-garde menés çà et là par des milieux conservateurs. Monet, Renoir et d'autres valeurs sûres du marché à la fin de l'an 2000 risquent de ne plus faire recette d'ici la prochaine décennie. Néanmoins, si on veut parler d'évolution, il conviendrait alors qu'elle s'accompagne par la connaissance et non à travers un comportement irrationnel pour éviter de tomber dans un genre de totalitarisme issu d'effets de mode impromptus donnant à l'art des relents de « Love Parade » avec en fond sonore de la musique techno ou du rythme cadencé style «NTM». Nous sommes vraiment entrés dans un autre monde... Vendredi 30 juin à Drouot, une cascade de petits prix en vente après la flambée de ces derniers mois. Apparemment, les acheteurs commencent à être en manque de liquidités en raison des mauvaises affaires faites par les professionnels ces derniers temps. Voilà une bonne raison de passer son temps à Drouot où le manque d'argent entraîne une obligatoire sagesse, ce qui signifie qu'on pourra y acheter des oeuvres à des prix plus abordables.
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A la suite de ArtBasel, voici la Biennale d'Art Contemporain de Lyon qui vient d'ouvrir avec des photographies kitsch, des assemblages réalisés dans un esprit baba-cool, des objets récupérés, des images quelque peu barbares et des clichés emblématiques. Un véritable labyrinthe pour le visiteur qui risque de s'abreuver de «Coca-Col'art» et se gaver de «Mac Mickey» pour faire pendant à "Mac Donald". On est vraiment entré dans le troisième millénaire avec une nouvelle race de collectionneurs qui délaissent de plus en plus les oeuvres créées avant 1925, jugées maintenant trop classiques. La génération «point.com» est en passe de prendre le pouvoir mais son sens éphémère du goût et son faible niveau de connaissances en matière d'art menacent de rendre le marché instable à court terme. De leur côté, les commissaires des expositions visent à présent à mélanger les cultures du monde entier, d'où la présence de plus en plus marquée de créateurs asiatiques ou africains, une tendance qui s'affirme et induit par conséquent une redéfinition de l'art qui est de moins en moins vu sous un angle occidental. On sort forcément des sentiers battus mais en se retrouvant projeté sur d'autres pistes, on perd de ce fait forcément ses repères. Il est certes bon de verser dans l'exotisme, à condition d'en saisir ses subtilités et la récente ouverture du département des Arts Premiers au Louvre est appelée à permettre une saine ouverture vers la connaissance dans ce domaine. Il n'en reste pas moins que les amateurs des arts dits primitifs ne forment qu'un petit bataillon et qu'il faut des années pour bien connaître les styles nés dans diverses régions d'Afrique ou d'Océanie. Déjà, il faut se mettre dans la tête qu'un masque africain, aussi beau soit-il, n'aura de réelle valeur que s'il a servi dans des cérémonies rituelles. Cela force l'amateur à avoir une sacrée dose de savoir pour faire un tri judicieux parmi les pièces qu'il est amené à découvrir puis à déterminer l'origine de celle qu'il a choisie et de parvenir enfin à dire si elle a servi à des fins cérémonielles. Qui connaît vraiment l'art des Papous, découvert seulement à la fin des années 1920 ? Pas grand-monde. Qui sait apprécier réellement les masques de la Nouvelle-Irlande ? Peu de gens encore. Alors, comment peut-on donner au public une meilleure vision d'ensemble des arts primitifs alors qu'on a déjà du mal à l'éduquer pour mieux lui faire appréhender l'art occidental actuel ? Il ne suffit pas de contempler une oeuvre pour saisir son sens même si sa beauté et son mystère peuvent immédiatement sauter aux yeux. Celle-ci a un sens plus profond, une signification plus affirmée qu'elle n'en a l'air, ne serait-ce déjà le rapport étroit qu'elle a avec son possesseur puisqu'elle suscite chez lui non seulement son émotion mais aussi ses interrogations face à sa présence et au mystère qu'elle dégage. Ainsi, on assiste souvent à une sorte de mariage entre l'objet et son possesseur lequel concrétise une pulsion qui peut s'éterniser. Le rapport présente quelques similitudes avec celui qui existe entre un homme et une femme, à part le fait que la notion de possession est encore plus forte à l'égard d'un objet, qu'on cherche à mieux cerner afin de développer une étrange osmose avec soi.
Le risque d'être trompé est plus faible concernant un objet mais il existe lorsqu'on découvre à retardement qu'il s'agit d'un faux et là, on le délaisse aussi sûrement qu'une femme volage. Imaginez le collectionneur dont la fierté de posséder un Rembrandt est sans bornes. Si jamais il apprend que son trésor a été déclassé pour n'être plus que la copie d'un élève, il éprouvera une déception épouvantable et ne regardera alors plus son tableau avec l'émotion et la fierté qu'il pouvait ressentir auparavant. En attendant, les changements de mentalités ne signifient pas une modification du comportement de base d'un collectionneur même si les frontières de l'acceptable en matière d'art deviennent de plus en plus floues. On a vu un film comme «Baise-moi» de Virginie Des pentes, assorti d'une interdiction aux moins de 16 ans, sortir normalement dans les salles de cinéma même si trois jours plus tard le Conseil d'Etat a décidé de le classer «X» en raison de son caractère pornographique et violent. N'empêche, la révolution sexuelle, après un démarrage épique au début des années 1970, a atteint un point de non-retour au sein de la société occidentale après le combat des femmes pour leur liberté ou l'émergence dans les cités d'un nouveau mode de vie ainsi que du verlan, langage répandu parmi les jeunes. Ceux qui avaient 20 ans en 1968 ont maintenant l'air de vieux croûtons par rapport aux jeunes du même âge qui s'éclatent dans des «Rave-parties» ou font l'amour comme on prendrait son petit-déjeuner tout en songeant de plus en plus à se faire tatouer alors que les filles sont devenues plus impertinentes avec les mecs et que le mariage n'est plus leur préoccupation première. Suite à ce constat, il n'est pas étonnant que des artistes comme Jeff Koons soient devenus des idoles sur le marché en dépit des combats d'arrière-garde menés çà et là par des milieux conservateurs. Monet, Renoir et d'autres valeurs sûres du marché à la fin de l'an 2000 risquent de ne plus faire recette d'ici la prochaine décennie. Néanmoins, si on veut parler d'évolution, il conviendrait alors qu'elle s'accompagne par la connaissance et non à travers un comportement irrationnel pour éviter de tomber dans un genre de totalitarisme issu d'effets de mode impromptus donnant à l'art des relents de « Love Parade » avec en fond sonore de la musique techno ou du rythme cadencé style «NTM». Nous sommes vraiment entrés dans un autre monde... Vendredi 30 juin à Drouot, une cascade de petits prix en vente après la flambée de ces derniers mois. Apparemment, les acheteurs commencent à être en manque de liquidités en raison des mauvaises affaires faites par les professionnels ces derniers temps. Voilà une bonne raison de passer son temps à Drouot où le manque d'argent entraîne une obligatoire sagesse, ce qui signifie qu'on pourra y acheter des oeuvres à des prix plus abordables.
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