La France a désormais un Président qui s'est présenté comme normal mais le marché de l'art promet de moins l'être en cette période de rentrée dominée par une récession qui n'a toujours pas voulu dire son nom.
Premier constat anormal, l'Hôtel de Drouot n'ouvre qu'à la fin du mois de septembre avec près de dix jours de retard par rapport à l'an dernier alors qu'à l'étranger, les ventes aux enchères ont commencé à battre leur plein toutefois dans un climat d'incertitude lié à la crise économique mondiale dont on n'a pas vu la fin.
A Paris, la saison artistique s'est ouverte le 7 septembre avec une floraison de vernissages qui ont attiré du monde mais peu de clients malgré d'intéressantes expositions alors que les propriétaires de galeries d'art contemporain ont abordé cette rentrée avec une certaine inquiétude après l'annonce de l'adoption par le gouvernement de mesures drastiques destinées à renflouer les caisses de l'Etat, ce qui n'a pas manqué de mettre mal à l'aise les plus riches promis à une saignée propre à réduire leurs dépenses et notamment leurs achats d'oeuvres.
Deuxième constat, de nombreux galeristes ont été forcés de courber le dos depuis trois ans et seuls ceux qui ont eu les moyens de proposer des pièces recherchées sur le marché ont été à même de résister à cette crise pour satisfaire des spéculateurs au détriment de la jeune création dont la situation est devenue précaire en aussi peu de temps.
Face à la crise, il s'agit avant tout pour les professionnels de sauver les meubles et de trouver les moyens de rebondir sauf que ces derniers sont restés en majorité bien peine quant à savoir comment réagir face à celle-ci qui s'est accompagnée en une décennie d'un profond changement de société qui a fait que les goûts ont changé au point que 26e Biennale des Antiquaires ait dû accepter d'aller un peu plus vers le modernisme en réuisant la part du classique qui faisait sa réputation.
Ouverte le 14 septembre au Grand Palais, la Biennale a perdu quelque peu de son cachet de naguère malgré un décor du 19e siècle séduisant imaginé par le grand couturier touche-à-tout Karl Lagerfeld et où le sublime est devenu plutôt rare.
Les traditions se perdent donc en ce début du XXIe siècle dominé par une mondialisation difficile à digérer à tous les niveaux et qui n'a pas manqué de modifier en profondeur le marché de l'art dont l'insolente santé a été préservée par les millions d'euros dépensés par ces nouveaux riches originaires d'Asie et de Russie alors que les pièces de qualité moyenne se sont vendues de plus en plus mal en raison de l'appauvrissement progressif des classes moyennes.
Toutefois, le marché a commencé à marquer le pas après des résultats décevants pour Sotheby's à la fin du premier semestre de 2012 malgré la vente du cfélèbre "Cri' d'Edvard Munch pour près de 120 millions de dollars, ce qui a paru être un signe de grippage alors que la situation économique des Etats-Unis et de l'Europe n'a pas cessé de se détériorer tandis que la croissance en Chine et dans d'autres pays émergents s'est subitement ralentie.
En France, l'heure a été dorénavant à la rigueur avec pour résultat plus d'impôts pour les citoyens dont le pouvoir d'achat sera écorné et dont les plus riches feront assurément preuve de prudence. Autant dire que le marché de l'art sera moins flamboyant en 2013 alors que le nombre des plus grandes fortunes de la planète a commencé à se réduire et que la situation politique dans certains pays du monde gangrenés par un inquiétant obscurantisme religieux s'est assombrie pour laisser craindre des débordements risquant de mener à un conflit de grande ampleur qui pourrait impliquer l'Occident.
Pour en revenir au marché de l'art, l'avenir est déjà en marche avec une augmentation inquiétantes des fermetures de petites galeries et de commerces d'antiquités qui ont laissé la place à des boutiques de Design de la fin du siècle dernier qui ont essaimé un peu partout en France pour prouver ainsi que les goûts avaient bien changé sans compter que le nombre des collectionneurs se réduisait comme une peau de chagrin. Cette tendance s'est ainsi amorcée depuis ces cinq dernières années pour changer progressivement la face du marché où des meubles des années 1970-1980 dont la génération précédente se débarrassait souvent sans état d'âme se vendent désormais comme des petits pains alors que des éléments meublants d'usines démantelées suite à des délocalisations retrouvent une nouvelle vie dans des habitations d'individus qui se veulent "in".
Il semble bien loin le temps où les gens prisaient les meubles et objets du XVIIIe siècle tandis que leurs enfants ont cédé à l'attrait de la technologie et de la démocratisation des voyages et que ceux issus de l'immigration ne manifestent pour la plupart aucun intérêt pour l'ancien. Certes, il reste encore les musées qui draînent des millions de touristes venus admirer les trésors du pays mais du côté des boutiques, les clients sont devenus rares, ce qui signifie que tôt ou tard le contingent des professionnels de l'art s'amoindrira inexorablement.
Ainsi donc, le jour où la crise mondiale sera jugulée, ce qui n'est pas demain la veille, la face du marché de l'art aura été complètement changée comme on peut déjà le constater avec ces apparitions de commerces portant l'enseigne "Antiquités du XXe siècle" où tout ce qui est âgé de plus de dix ans est considéré comme faisant partie du passé et à force d'accepter que les choses aillent si vite, un I-Phone de 2011 deviendra bientôt à coup sûr une antiquité monnayable tandis que les tableaux et objets d'antan seront dédaignées et qu'une élite de gens aisés se substituera aux amoureux de l'art pour collectionner avec un esprit basé sur le "show off". Voila un résultat qui sera effarant pour les générations futures à moins d'un miraculeux retournement de situation...
Adrian Darmon