Tout ne semble pas si bien aller dans les musées français où les
rivalités entre certains conservateurs ont débouché parfois sur des intrigues
plutôt néfastes comme à celui des Beaux-Arts de Tours dont la baisse de
fréquentation est devenue franchement inquiétante depuis plus d'un an.
Pourtant, le musée de Tours avait été remarquablement dirigé durant
plusieurs années par Philippe Le Leyzour avant qu'il ne soit soudainement
remplacé en janvier 2012 par une conservatrice laquelle a voulu imposer sa
marque à sa façon, sans craindre de se créer de vives inimitiés.
Les choix de programmation appliqués par cette dernière qui a fait
toute sa carrière dans le même lieu ont donc finalement mené le musée dans le
mur pour lui faire perdre des milliers de visiteurs en à peine une année au
point d'être dépassé en terme de
fréquentation par le château de Tours, un lieu d'expositions temporaires
qui bénéficie toutefois de moyens financiers cinq fois moindres.
Considéré par ses pairs comme un homme très cultivé et grand
travailleur, Philippe Le Leyzour avait pour sa part réussi à proposer des
expositions d'envergure alors que celles qui ont été organisées après son
départ ont capté beaucoup moins de visiteurs.
Ce qui s'est passé au musée de Tours où un chargé de communication a
été remercié simplement à cause d'une maladie jugée inacceptable par sa
dirigeante n'a cependant pas été un cas unique en France où des guerres intestines ont
souvent eu lieu au sein de diverses institutions, comme aux affaires
culturelles de Bordeaux managées par une directrice, décrite selon certains
comme une véritable méduse, après le départ forcé du musée des Beaux-Arts d'un
conservateur qui a finalement trouvé refuge dans une autre ville de province.
Le climat dans plusieurs musées est donc devenu délétère par la faute,
dit-on, de véritables psychopathes imbus de leur personne qui ont été jusqu'à
terroriser leurs personnels tandis qu'on a assisté également à Paris à des
séances de chaises musicales que ce soit au Musée des Arts Décoratifs, au
Louvre où ailleurs.
En 2006, Le journal "Le Monde" avait déjà pointé
les difficultés rencontrées par des directeurs de musées municipaux en
signalant au passage que Corinne Diserens, la directrice du Musée des
Beaux-Arts de Nantes, avait dû quitter son poste suite à la décision de
Jean-Marc Ayrault, le maire de l'époque, de ne pas renouveler son mandat.
M.
Ayrault avait choisi cette historienne de l'art et commissaire d'exposition
d'origine suisse pour sa réputation internationale et son carnet d'adresses en
désirant faire de sa ville un lieu branché sur la culture contemporaine sans se
douter que le microcosme cultuel allait vite dénoncer une programmation
élitiste ne mettant pas suffisamment en valeur le patrimoine du musée.
Le
caractère bulldozer de Mme Diserens
n'ayant pas permis de calmer le jeu,
M. Ayrault avait donc préféré se séparer d'elle
mais son cas a finalement été loin d'être isolé en raison des multiples
débats entre les tenants de l'événementiel et les défenseurs du budget des
musées municipaux.
La
même année, Maurice Fréchuret, le directeur du CAPC-Musée d'art contemporain de
Bordeaux, un conservateur issu de la
fonction publique territoriale, avait de son côté présenté sa démission au
maire UMP Hugues Martin en estimant ne pas avoir les moyens de mener sa mission au sein du CAPC créé en
1976, sous le mandat de Jacques Chaban-Delmas, et dont le budget de
fonctionnement avait alors fondu en dix ans.
Déplorant
cette rigueur budgétaire, les détracteurs de M. Fréchuret avaient toutefois
critiqué son manque d'ouverture et son refus souvent répété d'organiser des
coproductions avec des musées étrangers.
Corinne
Diserens avait vu un point commun entre l'affaire Fréchuret et la sienne pour
dénoncer l'ingérence du politique et faire remarquer que les élus étaient dans
un temps électoral alors que les directeurs des musées réfléchissaient sur le
long terme en proposant des actions qui n'étaient pas forcément visibles, d'où
des malentendus et des arbitrages politiques néfastes comme cela avait le cas à
Nantes.
M.
Fréchuret avait de même critiqué ces politiques exigeant des résultats rapides
pour des conservateurs obligés d'être à la fois de bons gestionnaires,
dirigeants, pédagogues, communicants et tout autant de bons programmateurs
d'événements et d'excellents scientifiques.
Conservateur
du Palais des beaux-arts de Lille
de 1987 à 2003, Arnault Brejon avait également vécu les mutations du métier
pour indiquer qu'une bonne alchimie était nécessaire entre un maire et son
conservateur tout en notant que les collections permanentes ne suffisaient plus
pour attirer le public alors que la mairie misait surtout sur les expositions
temporaires pour lesquelles il avait une obligation de résultat sur certaines
d'entre elles.
Il
est de fait que de nombreux maires considèrent un musée municipal comme une
vitrine de leur ville où il leur arrive d'organiser des visites privées en
soirée ou lors de jours de fermeture, une initiative généralement peu prisée
des conservateurs qui y voient quelque part une appropriation de l'espace.
De
plus, la décentralisation a eu pour effet de réduire le rôle du ministère de la
Culture sur le terrain au profit des collectivités locales puisque depuis
janvier 2005, ce sont celles-ci qui ont payé
les conservateurs et non plus l'Etat.
En
2005, Pierre Provoyeur, le directeur du Musée
Calvet d'Avignon, avait dû lui aussi quitter ses
fonctions, la ville ayant invoqué officiellement qu'elle ne pouvait maintenir son salaire de conservateur d'Etat, jugé trop élevé pour les
indices d'une "petite" municipalité
de 87 000 habitants.
Dans la même ville, le conservateur du Musée du Petit Palais
avait été en congé-maladie durant plus d'un an et ce fut le successeur de
Pierre Provoyeur qui l'avait provisoirement remplacé.
En janvier 2009, le ministère de la Culture,
alors dirigé par Christine Albanel, avait pour sa part entamé une série de
remaniements dans le cadre d'un programme de réorganisation et d'allègement de
son budget, ce qui avait eu pour effet de faire des gagnants et des perdants.
Le ministère avait donc opté de regrouper la
demi-douzaine de directions de la Culture en deux grands pôles : le
patrimoine et les musées d'un côté, le spectacle et la création de l'autre.
A cette époque, Philippe Bélaval, conseiller d'Etat de 54 ans, avait ainsi pris
la tête de la nouvelle vaste direction générale des patrimoines (architecture,
archives, archéologie, musées et monuments).
Cet énarque, fin connaisseur du droit
administratif et du sérail qui avait été précédemment directeur des archives,
de l'Opéra de Paris et de la Bibliothèque nationale, eut sous son égide Marie-Christine Labourdette qui, déçue de n'avoir été nommée à sa
place, avait néanmoins gardé la main sur les musées nationaux en étant
notamment assistée de Pierre Provoyeur, devenu
conservateur général du patrimoine et nommé à la tête d'un nouveau
service, baptisé «politique muséale»
mais la cohabitation entre ces derniers et Bélaval fut quelque poeu difficile.
Christine Albanel avait reconduit Thomas
Grenon à la Réunion des musées
nationaux, pour accompagner Jean-Paul Cluzel,
chargé de réunifier la vieille RMN avec un Grand Palais rajeuni.
En revanche, Jérôme Clément, vieux routier expérimenté, quittait le
patrimoine tandis que Martine de Boisdeffre n'avait
pas été reconduite aux archives après
avoir ouvertement combattu l'absorption de sa direction dans le nouveau pôle.
Le jeu des chaises musicales a ainsi été une
pratique plutôt constante dans l'univers des musées au gré des changements de
ministres et de maires, les uns et les autres ne manquant de pas de nommer
leurs fidèles à des postes-clés tandis que les obstacles à la relance de la
décentralisation du patrimoine, ou les rivalités tant au sein du ministère qu'à
celui des établissements publics, n'ont guère arrangé les choses.
Les conservateurs de musées ont donc été soumis à de
multiples changements d'orientation qui ont surtout profité à ceux qui ont su
nourrir d'étroites relations au sein du ministère de la Culture ou auprès de
maires tandis que d'autres ont valsé du fait de leur candeur. Néanmoins, en
vertu de leur statut de fonctionnaire, ces derniers ont pu se faire reclasser
ailleurs ou finir dans des placards dorés, ce qui malgré tout a constitué pour
les moins chanceux la vexation d'être victimes d'une réglement de comptes,
comme dans le cas de ce conservateur du patrimoine aux archives départementales
de Paris qui, après avoir produit des documents
juridictionnels archivés en sa qualité de témoin dans l'affaire Papon, fut
affecté en représailles par son chef de service, dans des fonctions subalternes
et exclu des réunions de service et des permanences en bibliothèque avant
d'obtenir l'annulation de cette mesure d'éviction au motif qu'elle constituait
une sanction déguisée.
Au début de l'année 2010, Anne Maillard, conservatrice du
musée Bossuet, avait vécu quatorze mois de «
placard » suite à la décision prise le 25 septembre 2008 par le conseil
municipal de Meaux de supprimer son poste et de reprendre son logement de
fonction en raison d'un faible nombre de visiteurs.
En poste depuis huit ans, Anne Maillard, qui s'était
retrouvée à travailler à l'office du tourisme, avait finalement obtenu sa
réintégration suite à un jugement en référé tout en annonçant qu'elle comptait
demander des dommages et intérêts pour les préjudices moral et matériel qu'elle
avait subis.
Le 1er janvier 2011,
Marie-Paule Vial, la directrice des Musées de Marseille, devait prendre les
rênes du Musée de l'Orangerie pour succéder à Emmanuel Bréon, nommé tout juste
deux ans auparavant.
Dans le sillage du
rattachement de l'Orangerie à Orsay suite au décret présidentiel du 27 mai
2010, le ministère de la Culture,
alors dirigé par Frédéric Mitterrand, avait confirmé cette nomination sur
proposition de Guy Cogeval, le président du Musée d'Orsay avec qui Marie-Paule
Vial avait noué une solide complicité,
Défendant avec acharnement
son bilan, Bréon avait trouvé cette nomination plutôt cavalière en l'absence
d'un appel à candidatures en estimant
logique de se succéder à lui-même. Ce conservateur territorial, alors en
détachement jusqu'à octobre 2011, avait refusé l'invitation faite par Cogeval
de rejoindre le corps des conservateurs du musée d'Orsay et de piloter un
projet d'exposition d'envergure.
Le départ de Bréon avait alors été vu comme un licenciement abusif pour les uns
ou une mise au placard méritée pour les autres. En fait, sa mise à l'écart
avait été due à l'organisation d'expositions paraissant hors sujet pour
l'Orangerie comme « Les Enfants Modèles», qui comprenait beaucoup
de toiles de peintres secondaires, ou celle de l'artiste contemporain Didier
Paquignon qui avait reçu un accueil mitigé. Néanmoins, la qualité avait été au
rendez-vous lors d'expositions coproduites avec le Musée d'Orsay comme "Paul Klee" et "Heinrich Kühn".
En janvier 2014, le
quotidien "Libération" a
évoqué un mélodrame à Beaubourg impliquant son président et une collaboratrice,
une fête étrange à Orsay et une crise de confiance au musée Picasso pour
signaler que les établissements publics donnaient du fil à retordre à Aurélie
Filipetti, la ministre de la Culture.
Dès son arrivée au pouvoir, la gauche
s'était ainsi débarrassée d'Isabelle Lemesle, la présidente du Centre des monuments nationaux, laquelle avait fait l'objet d'un rapport sévère de
l'inspection des affaires internes au sujet de sa gestion erratique tandis
qu'Anne Baldassari avait eu droit pour sa part à des critiques du même service
sans toutefois subir le même sort, le cabinet du ministère s'étant montré
plutôt rassurant quant à l'avenir du musée Picasso.
A la fin de l'année 2013, le
ministère avait ouvert une petite enquête sur un épisode curieux survenu au
musée d'Orsay. Parfois critiqué pour son attitude envers le personnel, Guy
Cogeval, son président, s'était vu épingler par le "Canard enchaîné" pour avoir fêté son mariage avec son
compagnon brésilien en invitant 400 personnes dans les galeries. Le soir
du 11 octobre 2013, le musée avait effectivement prêté le café et les
galeries de l'exposition «Masculin-masculin»
à un organisateur de soirées gays mais bien que cette soirée eusse été voulue
par Cogeval, il n'en était pas formellement l'organisateur.
Le cabinet de la ministre
n'avait donc pas retenu de faute de sa part pour avoir tenu une fête
personnelle dans l'enceinte du musée mais avait été néanmoins surpris
d'apprendre que le conseil d'administration avait prêté gracieusement les lieux
et le personnel à l'organisateur privée de cette soirée sans lui réclamer
aucune redevance.
Ces incidents, et d'autres
restés confidentiels, ont fait tache depuis la mise en oeuvre de la politique
d'autonomie des établissements à partir du début des années 2000 alors que les
capacités budgétaires et stratégiques du ministère ont sérieusement été
écornées depuis lors.
Manquant de véritables
conseils d'administration dotés de pouvoirs effectifs, comme dans le modèle
anglo-saxon, les principaux musées se sont donc transformés en grands duchés, a
signalé le journal tout en ajoutant que certains dirigeants, emportés par
l'ivresse de la surpuissance, étaient devenus de véritables seigneurs de guerre dont les comportements ne seraient jamais admis
aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou en Allemagne. Affaibli, le ministère n'a
de ce fait pu réagir qu'au cas par cas, faute d'une réforme d'ensemble du
système.
DES DEFIS A RELEVER POUR
L'ETAT
Pour sa part, l'Etat s'est montré
extrêmement soucieux de modifier en profondeur ses modes de gouvernance en
matière de culture en les considérant comme des leviers fondamentaux pour
transformer les politiques verticales du ministère de la Culture afin de les
rendre plus horizontales, principalement déconcentrées et décentralisées, moins
hiérarchiques et plus axées sur les partenariats, établies davantage en
connexion avec les réseaux artistiques, culturels, sociaux et économiques.
Ainsi
que l'a précisé le dernier long rapport officiel titré "Ministère Nouvelle Génér@tion, Culture & Media 2020"
destiné à relever le défi de la grande transformation des pratiques
culturelles, ces leviers ont concerné en particulier les rapports du ministère
de la Culture et de la Communication aux collectivités territoriales, avec
lesquelles il a été convenu de forger un pacte nouveau et durable d'égalités
territoriales. Ils ont aussi concerné les relations avec les différentes
catégories d'opérateurs du ministère, culturels comme médiatiques,
établissements publics aux activités différentes mais tous appelés à participer
à la réalisation d'un service culturel universel sur la base de partenariats
stratégiques afin que le ministère soit en mesure de porter des politiques de
la culture et de la communication adaptées aux enjeux du XXIe siècle.
Le
ministère a néanmoins admis que depuis une décennie, la politique culturelle se
décidait davantage dans une situation où de véritables conflits pouvaient
s'engager, qu'ils fussent d'ordre idéologique, politique, social ou technologique et que de ce fait, il était
donc appelé à faire des choix – y compris "d'amis,
d'ennemis, d'alliés, de partenaires" – mais aussi de moyens, un aveu
qui en a dit long sur ce qui se passait actuellement au sein de nombreux musées
du pays.
Pour
le ministère de la Culture, les politiques artistiques et culturelles de l'Etat
comme celle des collectivités territoriales, ont impliqué la mise en place d'un
nouveau cadre commun d'action des acteurs publics pour atteindre les objectifs
d'égalités territoriales qui ne pourrait se former qu'à travers un Conseil des Collectivités Territoriales
pour la Culture rénové dans ses missions, son fonctionnement, mais
surtout par l'étendue de son champ et de son pouvoir d'orientation, voire de
décision.
Selon
son rapport, tout cela est censé passer par un renforcement des missions régaliennes de l'Etat,
notamment en matière de régulations, de conservation ou d'aménagement culturel
du territoire par une déconcentration
accrue des politiques nationales déclinées en objectifs pluriannuels pour les DRAC et par une approche renouvelée de
la mission d'équilibres des territoires à travers des stratégies pour chaque
territoire, cette dernière impliquant notamment l'établissement
d'une politique culturelle du Grand Paris pour les équipements qui en font la
centralité et une politique d'investissements culturels dans les grandes
métropoles françaises ; le partage de la centralité culturelle de
l'Ile-de-France avec le reste du pays, à travers une politique de réseaux, de
partenariats et en y intégrant les stratégies des établissements culturels.
A l'horizon de 2020, ce nouveau pacte entre Etat et
collectivités territoriales a nécessité le besoin urgent de définir des
orientations de moyen et long terme en matière de décentralisation culturelle,
comme l'interruption ou la poursuite de nouvelles étapes de décentralisation
en
direction des régions ou départements ou communes ou agglomérations ou
intercommunalités.
Le
chantier a semblé vaste surtout que les rivalités entre ceux qui sont chargés
du patrimoine et de sa promotion ont plutôt constitué un frein à la mise en
oeuvre d'un nouveau cadre de référence.
En
attendant, être conservateur de musée n'est pas de tout repos, ce que reconnaîtra
sans doute Alain Seban, le président du Centre Pompidou depuis 2007 qui y a
imprimé sa marque alors que sa personnalité et ses méthodes ont été souvent
contestées au sein de son établissement.
Polytechnicien
et énarque ayant travaillé au ministère de la Culture au temps de Philippe
Douste-Blazy entre 1995 et 1997 avant de devenir conseiller pour l'éducation et
de la culture du président Jacques Chirac de 2005 à 2007, Seban a dirigé le
Centre Pompidou malgré son absence de formation de l'histoire de l'art, ce qui
l'aurait au passage empêché de présider aux destinées du Musée d'Orsay ou du
Louvre.
C'est
surtout son interventionnisme qui lui a valu d'être violemment critiqué,
notamment par l'Américain Robert Rubin, l'ex-président de la Fondation Centre
Pompidou, et par certains conservateurs qui se sont sentis privés de leurs
prérogatives en dénonçant des choix arbitraires et en se plaignant d'avoir été
traités comme des moins que rien en s'entendant dire lors d'une réunion sur la
stratégie de programmation tenue en septembre 2013 qu'ils ne seraient plus
associés aux décisions de la présidence.
Un
musée peut donc être à l'image d'un Etat dans l'Etat lorsqu'un directeur décide
d'imposer ses vues sans souffrir qu'elles soient débattues. Ainsi que l'a rappelé
"Le Monde" en janvier 2014,
Catherine Grenier, la conservatrice et directrice adjointe du Centre Pompidou
qui auparavant avait vainement brigué la présidence, a ainsi eu maille à partir
avec Alain Seban en ne parvenant pas a conquérir la direction de l'institution
après sept mois d'intrigues.
Alors que le contrat de Catherine Grenier venait d'être renouvelé, le président a voulu mettre fin à sa collaboration avant de
se voir contredit par la ministre
de la culture sans toutefois se priver de signaler qu'elle n'avait pas cessé de
manifester sa volonté d'entretenir un climat d'agitation contraire à l'intérêt
du service.
"Le
Monde"
a rapporté qu'Alain Seban avait fait des grands projets hors les murs sa
priorité mais que cette mission lucrative pour le Centre Pompidou avait
toutefois connu des ratés comme lors de l'exposition "Couleurs Pures" ouverte en octobre 2013 à Dhahran où
deux tableaux, l'un de Dufy et l'autre
de Frantisek Kupka auraient été détériorés.
Autre reproche fait au président, son train de vie
dispendieux et la mise à sa disposition de deux voitures de fonction. Selon
d'anciens collaborateurs, ses frais auraient été bien supérieurs à ceux
d'autres présidents d'établissement publics.
Le journal a ajouté qu'en comparaison, le président du Louvre,
Jean-Luc Martinez qui lui aussi a imposé ses vues à sa manière, ne disposait
pas de frais de représentation et n'organisait que des déjeuners à moins de 20
euros par personne dans une salle à manger située dans l'enceinte du musée.
Mais ce qui a fait débat a été surtout le style de management de Seban, considéré
comme une machine de travail qui a mis de côté tout ce qui était humain en
poussant les gens à aller au-delà de leurs limites.
Son ancien chauffeur a ainsi fini en dépression après
l'avoir conduit pendant quatre
ans pour des déplacements parfois
anodins, de son appartement de fonction à son bureau de la rue Brantôme en
devant aussi promener son chien jusqu'au jour où ce dernier ne l'a plus
supporté.
Dans un rapport d'activité 2011, le médecin de la
prévention a notamment signalé que le nombre d'agents du Centre Pompidou
orientés vers une prise en charge psychologique était passé de 5 à 40 en trois
ans pour pointer alors que le risque psychosocial était bien
présent au musée par le biais des différentes contraintes mentales qui pesaient à des degrés divers sur
la quasi-totalité de ces derniers. Par ailleurs, la tentative de suicide
d'un autre agent du service informatique du Centre Pompidou aurait été
considérée comme accident du travail par le Tribunal des affaires sociales.
Il y a eu au musée 70 emplois perdus depuis 2010 dus en
grande partie à une forte diminution de la subvention publique durant ces
dernières années tandis que les syndicats ont dénoncé la brutalité de la
direction en notant que depuis 2007, il y avait eu 9 conseils de discipline
avec mises à pied et licenciements secs, du jamais vu depuis sa création.
D'autre part, une conservatrice a vu sa prime dite «de responsabilité» être réduite pour avoir réclamé plus d'agents d'accueil
dans une exposition tandis que trois à quatre cadres se sont succédé à la
direction des ressources humaines, à celle bâtiment et sécurité, à la direction
juridique et financière ou à l'agence comptable. Plus récemment, le directeur
des publics a reçu une lettre de cessation anticipée de détachement, sans aucun
motif.
Rares sont donc les musées où règne l'harmonie entre les
directeurs et leurs employés du fait de différences de vues, de jalousies et de
médisances de toutes sortes nées de cette sempiternelle question de frustration
toutefois omniprésente dans bien d'autres domaines, que ce soit ceux de la politique, de la vie associative, des affaires, du sport,
du théâtre, du journalisme, de la communauté scientifique, de la médecine, du
voisinage, etc.
Tout directeur de musée se verra donc automatiquement
contesté tout en sachant que sa position de chef implique naturellement d'avoir
des ennemis, indépendamment du fait qu'on puisse se montrer aimable et
prévenant à l'égard de son personnel ou au contraire odieux, ce qui n'est
malencontreusement pas rare si on prend la grosse tête ou si on s'entoure de
favoris choisis dans un cercle d'intimes qui poussent alors d'autres
conservateurs en place au placard.
Cela dit, on peut même être admiré de ses ennemis,
comme cela a été le cas de Bernard Blistène, jugé roué par ses rivaux. Devenu
en novembre 2013 directeur du Musée national d'art moderne (MNAM) sur proposition
d'Alain Seban, Blistène a été jusqu'à épater ces derniers en déployant une
curiosité tout-terrain et en sachant rester attentif aux avant-gardes les plus
pointues de l'art contemporain.
Comme dans d'autres domaines, les compétences et la
gentillesse ne servent donc souvent à pas grand chose lorsqu'on a face à soi
des experts dans l'art de l'intrigue qui ont le don de s'assurer des
protections, ce que beaucoup de conservateurs ne parviennent pas à développer,
soucieux qu'ils sont de bien faire leur métier avant tout, ce qui
malheureusement les rend vulnérables.
On en aura donc pas fini avec ces rivalités qui
empoisonnent les musées depuis en fait des siècles et font que les nominations
des uns déplaisent forcément aux autres. La courtisanerie s'est ainsi
manifestée de tous temps et comme la nature humaine n'est pas près de changer,
il en sera ainsi pour l'éternité.
Adrian Darmon