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Sur le marché de l'art, les riches bouffent du Bacon, s'allongent devant Freud tout en étant Koons à pleurer
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Le journal d'un fou d'art
Les fous d'art, ivres de savoir et de découvertes, riches ou moins nantis et sans cesse à l'affût des nouvelles relatives au marché de l'art, forment une belle légion à travers le monde. Sans eux, ce marché n'aurait donc sûrement rien de légendaire. Depuis plus d'une quinzaine d'années, Adrian Darmon a donc rassemblé à travers plus de 2200 pages de multiples anecdotes souvent croustillantes sur les chineurs, amateurs et autres acteurs de cet univers plutôt incroyable et parfois impitoyable.
XXVIIème Chapitre
DE LA LEGENDE A LA REALITE
22 Novembre 2007 |
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Mercredi 21 novembre 2007, Rome a été en effervescence après la découverte de la fameuse grotte de Remus et Romulus que d'aucuns croyaient n'être qu'une légende.
Ainsi, le mythe est devenu réalité sur les pentes du Palatin suite à un sondage du sol argileux pour chercher à renforcer les fondations du palais d'Auguste. Les archéologues ont donc découvert par hasard la caverne où la louve allaita Remus et Romulus située au coeur du Germanum en bordure de ce palais qu'Auguste avait fait construire face au circus Maximus.
C'est à l'aide d'une caméra laser que cette découverte sensationnelle a pu être faite à sept mètres sous terre, tout à fait par hasard, après le forage d'un trou d'une trentaine de cms de diamètre jusqu'au moment où les archéologues sont tombés sur cette caverne de 6,56 mètres de diamètre et 7,13 mètres de haut dont la voûte est ornée de fresques.
Pour la petite histoire, rappelons que Remus et Romulus seraient nés des amours entre la vestable Rea Silvia et le dieu Mars et qu'Amilius, l'oncle de la jeune femme qui s'était emparé du trône, la fit mettre à mort en ordonnant que les deux enfants soient noyés dans le Tibre. Jetés à l'eau comme Moïse dans une nacelle d'osier, ils échouèrent dans cette grotte appelée le Lupercal en l'honneur de Lupercus, dieu des troupeaux, mi-loup, mi-bouc, et furent allaités par une louve avant d'être recueilli par un berger qui les éleva. Plus tard, Romulus tua Remus au cours d'une rixe et fonda Rome en 753 avant J.-C.
Plusieurs auteurs de l'Antiquité avaient évoqué l'existence de cette légendaire caverne, notamment Dionigi di Alicarnasso, contemporain d'Auguste, qui l'avait située très précisément au pied du Palatin, non loin du Tibre dont les eaux débordaient souvent à cet endroit lors d'inondations.
Peinte de motifs géométriques et de coquillages avec un aigle blanc peint sur un fond azur, la voute de cette grotte, considérée comme sacrée par les Romains, aurait été décorée du temps d'Auguste, selon ses découvreurs.
Autre grotte mythique, celle de Lascaux qui, malgré sa fermeture au public depuis 1963, par crainte de la dégradation de ses fresques risquant d'être causée par la respiration de ses visiteurs, a subi les attaques d'un champignon qui s'est développé sur certaines de ses parois.
Des équipes de scientifiques ont été au pied d'oeuvre pour mettre au point un traitement spécial pour éradiquer la prolifération de taches noires et préserver les fresques dont les copies sont admirées chaque année par 250 000 personnes dans une réplique adjacente au site considéré comme la Chapelle Sixtine de la préhistoire.
En 2001, la grotte avait été victime d'une forte attaque de moisissures blanches qui furent combattues avec succès avec de la chaux vive.
Au marché aux Puces de Saint-Ouen, il n'y aurait aucune chance de mettre à jour une quelconque grotte, pas même une caverne d'Ali Baba, comme certains stands en donnaient l'image il y a encore 20 ans. Si donc on creusait du côté du marché Vernaison, on tomberait directement sur les voies de garage du métro de la Porte de Clignancourt, ce qui serait plutôt grotesque pour les chineurs en mal de trouvailles.
Jeudi 22 novembre 2007, déjeuner avec un grand antiquaire du quartier Drouot qui au dessert s'est amusé à confirmer que les experts avaient toujours tendance à rejeter d'emblée les découvertes faites à Saint-Ouen ou dans des foires à la brocante.
" Amener une trouvaille à un expert pour la faire authentifier et indiquer qu'elle a été faite aux Puces équivaut à se faire rembarrer dans la plupart des cas. Mais si vous la confiez à un grand collectionneur ou à un marchand qui a du poids, la donne sera différente", a-t-il précisé sur un ton goguenard avant d'ajouter que l'habit faisait bien le moine dans le métier.
C'est plutôt un prêtre et non un moine auprès duquel une experte en livres anciens auprès de la cour d'appel de Poitiers aurait dû aller se confesser pour avoir cédé à la cupidité en s'appropriant à bon compte un lot de livres provenant d'une succession qu'elle était chargée de vendre aux enchères.
Sa manière de procéder avait été un peu spéciale puisqu'elle s'était arrangée pour sous-évaluer ce lot valant au bas mot 50 000 euros pour ensuite le faire adjuger à un complice qui n'était autre que son mari placé au premier rang parmi les acheteurs lors d'une vacation organisée pratiquement en catimini en 2001. La magouille ayant été éventée, elle a été condamnée à 5000 euros d'amende.
Atteintes à la sincérité des enchères : voilà ce que la justice a reproché à Danièle Brissaud, libraire de son état, et à son mari, Yves Brissaud, maître de conférence à l'université de Poitiers et professeur d'histoire ancienne. Les livres vendus provenaient de la succession d'une dame de Châteauneuf morte en laissant quatre héritiers, ses deux fils et ses deux filles qui savaient que leur mère était en possession d'une bibliothèque riche de manuels rares pour lesquels les époux Brissaud furent contactés pour les expertiser.
Parmi ces livres rares figuraient "L'agricola de re metallisa libri", un ouvrage datant de 1556qui servit de manuel scolaire pendant deux siècles aux élèves ingénieurs des Mines; et de "Nieremberg historia natura", un livre reprenant l'histoire naturelle du Mexique avec une description des espèces animales et les us et coutumes des Aztèques et des Incas.
A la demande du notaire, l'experte se chargea de la rédaction d'une petite annonce afin d'assurer la promotion de la vente en se gardant cependant de passer un encart dans la Gazette de Drouot, consultée habituellement par des centaines d'amateurs.
Lorsque la vente eut lieu, plusieurs personnes remarquèrent que l'experte et son mari se faisaient discrètement des signes. Finalement, ce dernier acheta pour le compte de sa femme neuf livres anciens à des prix intéressants. Toutefois, le lendemain de la vente, la famille eut des soupçons sur le comportement du couple et porta plainte pour dol.
Vendredi 23 novembre 2007, il n'y a vraiment rien eu d'emballant à chiner à Saint-Ouen, un marché resté encore sous l'effet soporifique des grèves de la SNCF et de la RATP où les marchands ont ouvert leurs stands en traînant les pieds après une morne semaine passée à éprouver les pires difficultés à se déplacer. Comme dérivatif à leur ennui, certains marchands réunis autour d'une table au "Paul Bert" ont évoqué la mésaventure survenue à deux experts en tableaux anciens qui avaient pris la liberté de vendre des oeuvres données pour être de Jacques-Emile Blanche et de Manet, ce qui leur a valu d'être poursuivis en justice par leurs acheteurs, mécontents d'avoir été informés par l'Institut Wildenstein, seule autorité reconnue pour ces artistes, qu'elles ne figureraient pas dans les catalogues raisonnés les concernant. Bref, on ne peut pas être l'expert de n'importe qui et faire n'importe quoi, qu'on se le dise...
Dans la soirée, rencontre fortuite avec l'impayable "Rojo Diesel," épuisé d'avoir eu à supporter la grève des transports en cramant ses semelles à marcher des journées entières sur le bitume parisien. Le pauvre a fini par ressembler à un vagabond qui n'aurait pas vu un lavabo depuis des lustres.
Hagard, bouffi, dégageant à chaque mouvement de manches une âcre effluve de sécrétion sudorale mêlée aux relents d'un cendrier rempli de mégots et à la puanteur d'une haleine chargée de vinasse, le chineur fou a paru exsangue en débitant des propos incohérents. Bref, cette fichue grève l'a empêché de circuler à sa guise pour essayer de vendre des nanars à des gogos. S'étant retrouvé sans un kopek pour partir en chasse, il s'est mis à clamer avec l'accent d'un Tartarin que l'envie le tenaillait de se venger des grévistes qui lui avaient bousillé l'existence.
Samedi 24 novembre 2007, rencontre à Saint-Ouen avec un amateur comblé d'avoir été courtisé avec ténacité par Sotheby's et Christie's pour organiser la vente d'une brochette d'oeuvres impressionnistes héritées par sa famille. La surenchère a été telle qu'il a obtenu de pas payer la commission prélevée habituellement sur les vendeurs. On ne prête qu'aux riches....
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Mercredi 21 novembre 2007, Rome a été en effervescence après la découverte de la fameuse grotte de Remus et Romulus que d'aucuns croyaient n'être qu'une légende.
Ainsi, le mythe est devenu réalité sur les pentes du Palatin suite à un sondage du sol argileux pour chercher à renforcer les fondations du palais d'Auguste. Les archéologues ont donc découvert par hasard la caverne où la louve allaita Remus et Romulus située au coeur du Germanum en bordure de ce palais qu'Auguste avait fait construire face au circus Maximus.
C'est à l'aide d'une caméra laser que cette découverte sensationnelle a pu être faite à sept mètres sous terre, tout à fait par hasard, après le forage d'un trou d'une trentaine de cms de diamètre jusqu'au moment où les archéologues sont tombés sur cette caverne de 6,56 mètres de diamètre et 7,13 mètres de haut dont la voûte est ornée de fresques.
Pour la petite histoire, rappelons que Remus et Romulus seraient nés des amours entre la vestable Rea Silvia et le dieu Mars et qu'Amilius, l'oncle de la jeune femme qui s'était emparé du trône, la fit mettre à mort en ordonnant que les deux enfants soient noyés dans le Tibre. Jetés à l'eau comme Moïse dans une nacelle d'osier, ils échouèrent dans cette grotte appelée le Lupercal en l'honneur de Lupercus, dieu des troupeaux, mi-loup, mi-bouc, et furent allaités par une louve avant d'être recueilli par un berger qui les éleva. Plus tard, Romulus tua Remus au cours d'une rixe et fonda Rome en 753 avant J.-C.
Plusieurs auteurs de l'Antiquité avaient évoqué l'existence de cette légendaire caverne, notamment Dionigi di Alicarnasso, contemporain d'Auguste, qui l'avait située très précisément au pied du Palatin, non loin du Tibre dont les eaux débordaient souvent à cet endroit lors d'inondations.
Peinte de motifs géométriques et de coquillages avec un aigle blanc peint sur un fond azur, la voute de cette grotte, considérée comme sacrée par les Romains, aurait été décorée du temps d'Auguste, selon ses découvreurs.
Autre grotte mythique, celle de Lascaux qui, malgré sa fermeture au public depuis 1963, par crainte de la dégradation de ses fresques risquant d'être causée par la respiration de ses visiteurs, a subi les attaques d'un champignon qui s'est développé sur certaines de ses parois.
Des équipes de scientifiques ont été au pied d'oeuvre pour mettre au point un traitement spécial pour éradiquer la prolifération de taches noires et préserver les fresques dont les copies sont admirées chaque année par 250 000 personnes dans une réplique adjacente au site considéré comme la Chapelle Sixtine de la préhistoire.
En 2001, la grotte avait été victime d'une forte attaque de moisissures blanches qui furent combattues avec succès avec de la chaux vive.
Au marché aux Puces de Saint-Ouen, il n'y aurait aucune chance de mettre à jour une quelconque grotte, pas même une caverne d'Ali Baba, comme certains stands en donnaient l'image il y a encore 20 ans. Si donc on creusait du côté du marché Vernaison, on tomberait directement sur les voies de garage du métro de la Porte de Clignancourt, ce qui serait plutôt grotesque pour les chineurs en mal de trouvailles.
Jeudi 22 novembre 2007, déjeuner avec un grand antiquaire du quartier Drouot qui au dessert s'est amusé à confirmer que les experts avaient toujours tendance à rejeter d'emblée les découvertes faites à Saint-Ouen ou dans des foires à la brocante.
" Amener une trouvaille à un expert pour la faire authentifier et indiquer qu'elle a été faite aux Puces équivaut à se faire rembarrer dans la plupart des cas. Mais si vous la confiez à un grand collectionneur ou à un marchand qui a du poids, la donne sera différente", a-t-il précisé sur un ton goguenard avant d'ajouter que l'habit faisait bien le moine dans le métier.
C'est plutôt un prêtre et non un moine auprès duquel une experte en livres anciens auprès de la cour d'appel de Poitiers aurait dû aller se confesser pour avoir cédé à la cupidité en s'appropriant à bon compte un lot de livres provenant d'une succession qu'elle était chargée de vendre aux enchères.
Sa manière de procéder avait été un peu spéciale puisqu'elle s'était arrangée pour sous-évaluer ce lot valant au bas mot 50 000 euros pour ensuite le faire adjuger à un complice qui n'était autre que son mari placé au premier rang parmi les acheteurs lors d'une vacation organisée pratiquement en catimini en 2001. La magouille ayant été éventée, elle a été condamnée à 5000 euros d'amende.
Atteintes à la sincérité des enchères : voilà ce que la justice a reproché à Danièle Brissaud, libraire de son état, et à son mari, Yves Brissaud, maître de conférence à l'université de Poitiers et professeur d'histoire ancienne. Les livres vendus provenaient de la succession d'une dame de Châteauneuf morte en laissant quatre héritiers, ses deux fils et ses deux filles qui savaient que leur mère était en possession d'une bibliothèque riche de manuels rares pour lesquels les époux Brissaud furent contactés pour les expertiser.
Parmi ces livres rares figuraient "L'agricola de re metallisa libri", un ouvrage datant de 1556qui servit de manuel scolaire pendant deux siècles aux élèves ingénieurs des Mines; et de "Nieremberg historia natura", un livre reprenant l'histoire naturelle du Mexique avec une description des espèces animales et les us et coutumes des Aztèques et des Incas.
A la demande du notaire, l'experte se chargea de la rédaction d'une petite annonce afin d'assurer la promotion de la vente en se gardant cependant de passer un encart dans la Gazette de Drouot, consultée habituellement par des centaines d'amateurs.
Lorsque la vente eut lieu, plusieurs personnes remarquèrent que l'experte et son mari se faisaient discrètement des signes. Finalement, ce dernier acheta pour le compte de sa femme neuf livres anciens à des prix intéressants. Toutefois, le lendemain de la vente, la famille eut des soupçons sur le comportement du couple et porta plainte pour dol.
Vendredi 23 novembre 2007, il n'y a vraiment rien eu d'emballant à chiner à Saint-Ouen, un marché resté encore sous l'effet soporifique des grèves de la SNCF et de la RATP où les marchands ont ouvert leurs stands en traînant les pieds après une morne semaine passée à éprouver les pires difficultés à se déplacer. Comme dérivatif à leur ennui, certains marchands réunis autour d'une table au "Paul Bert" ont évoqué la mésaventure survenue à deux experts en tableaux anciens qui avaient pris la liberté de vendre des oeuvres données pour être de Jacques-Emile Blanche et de Manet, ce qui leur a valu d'être poursuivis en justice par leurs acheteurs, mécontents d'avoir été informés par l'Institut Wildenstein, seule autorité reconnue pour ces artistes, qu'elles ne figureraient pas dans les catalogues raisonnés les concernant. Bref, on ne peut pas être l'expert de n'importe qui et faire n'importe quoi, qu'on se le dise...
Dans la soirée, rencontre fortuite avec l'impayable "Rojo Diesel," épuisé d'avoir eu à supporter la grève des transports en cramant ses semelles à marcher des journées entières sur le bitume parisien. Le pauvre a fini par ressembler à un vagabond qui n'aurait pas vu un lavabo depuis des lustres.
Hagard, bouffi, dégageant à chaque mouvement de manches une âcre effluve de sécrétion sudorale mêlée aux relents d'un cendrier rempli de mégots et à la puanteur d'une haleine chargée de vinasse, le chineur fou a paru exsangue en débitant des propos incohérents. Bref, cette fichue grève l'a empêché de circuler à sa guise pour essayer de vendre des nanars à des gogos. S'étant retrouvé sans un kopek pour partir en chasse, il s'est mis à clamer avec l'accent d'un Tartarin que l'envie le tenaillait de se venger des grévistes qui lui avaient bousillé l'existence.
Samedi 24 novembre 2007, rencontre à Saint-Ouen avec un amateur comblé d'avoir été courtisé avec ténacité par Sotheby's et Christie's pour organiser la vente d'une brochette d'oeuvres impressionnistes héritées par sa famille. La surenchère a été telle qu'il a obtenu de pas payer la commission prélevée habituellement sur les vendeurs. On ne prête qu'aux riches....
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