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Pour tout dire, il n'y a parfois rien à dire...
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Le journal d'un fou d'art
Les fous d'art, ivres de savoir et de découvertes, riches ou moins nantis et sans cesse à l'affût des nouvelles relatives au marché de l'art, forment une belle légion à travers le monde. Sans eux, ce marché n'aurait donc sûrement rien de légendaire. Depuis plus d'une quinzaine d'années, Adrian Darmon a donc rassemblé à travers plus de 2200 pages de multiples anecdotes souvent croustillantes sur les chineurs, amateurs et autres acteurs de cet univers plutôt incroyable et parfois impitoyable.
XXVIème Chapitre
Oh MOMIE, OH MOMIE BLUES...
06 Novembre 2007 |
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Lundi 5 novembre 2007, les responsables du musée archéologique du Caire et de la Vallée des Rois ont présenté au public la momie du pharaon Toutankhamon dégagée de son sarcophage par crainte d'une destruction inéluctable due aux émanations toxiques provenant de la respiration de chaque visiteur venu l'admirer.La momie du jeune pharaon, mort à 19 ans d'une gangrène consécutive à une blessure à une jambe, est désormais protégée dans une cage de verre munie d'un système diffusant une atmosphère stérile qui a été placée à côté d'une reconstitution fidèle de son visage réalisée en résine montrant que le souverain avait fière allure malgré ses dents de lapin.Si leur dynastie avait pu perdurer jusqu'à nos jours, les pharaons régneraient cependant sur un pays ayant perdu de son influence dans le monde, habité de surcroît par des dizaines de millions de personnes vivant sous le seuil de la pauvreté, ce qui laisserait supposer que son maître actuel s'appellerait plutôt "Toutenquartmonde".Certaines voix se sont élevées contre la présentation de la momie du souverain, estimant qu'il devait reposer dignement à l'abri des regards des curieux mais les responsables égyptiens des services archéologiques du Caire et de la Vallée des Rois n'ont eu cure des protestations. Il ne restera donc plus aux défenseurs de la mémoire du jeune pharaon qu'à chanter "Oh Momie, oh momie blues"... N'empêche, s'il avait vécu au 21e siècle, Toutankhamon n'aurait pas eu de séquelles graves de sa blessure grâce à la médecine ultra-moderne d'aujourd'hui, mille fois plus performante que celle qui était pratiquée en son temps.On ne peut ainsi s'empêcher de penser que la façon dont il mourut lui fit plutôt une belle jambe... Mercredi 7 novembre 2007, petit tour à Drouot pour constater que les amateurs qui sont dans l'incapacité de se déplacer le jour d'une vente et n'ont donc pour seule solution d'enchérir que de laisser un ordre d'achat à un commissaire-priseur en sont souvent quittes pour leurs frais.C'est ainsi que lors de la présentation d'une oeuvre, le manieur de marteau a commencé les enchères à 800 euros en clamant à la cantonade qu'il avait un ordre d'achat. Résultat des courses: personne n'a levé le doigt et l'oeuvre a été adjugée au prix de départ. Cocu de l'histoire: le donneur d'ordre car si celui-ci avait participé directement aux enchères, la mise à prix aurait été de 400 euros, voire moindre. Moralité: un candidat à l'achat ne doit jamais donner d'ordre à un commissaire-priseur mais plutôt à un col rouge qui ira gentiment pousser les enchères pour son compte, ce qui signifiera que faute d'un ordre donné à l'officiel ministériel, la mise à prix sera plus raisonnable.En soirée, rencontre avec un habitué de l'Hôtel des Ventes qui s'est dit étonné d'avoir vu il y a moins de deux ans dans une boutique de numismatique une collection de médailles des 16e et 17e siècles proposée à la vente, provenant en fait d'après lui d'un musée de province."Bizarre", lui ai-je dit en soulignant que j'avais du mal à croire une telle histoire. "Vous avez dit bizarre ? Effectivement, comme c'est bizarre mais un amateur très éclairé m'a affirmé qu'il n'y avait aucun doute là-dessus sauf que personne n'a bougé le petit doigt pour dénoncer en haut-lieu un tel détournement", m'a-t-il rétorqué."Et pourquoi donc ?", lui ai-je demandé d'un air faussement candide. " Le mot protection ne concerne pas que les serrures ou les alarmes. Vous pigez ?",a-t-il répondu tout en m'invitant à me souvenir de la ténébreuse affaire des vols d'ouvrages hébraïques à la BNF qui avait valu au conservateur de cette institution d'être lourdement condamné alors que ce dernier n'avait pas cessé de protester haut et fort de son innocence.Pour mon interlocuteur, le conservateur en question aurait été purement et simplement puni pour son incorrigible impertinence et aussi pour avoir voulu secouer le cocotier des secrets bien gardés au sein de la BNF où la politique de la maison serait de régler intra-muros les affaires dérangeantes.Michel Van Rijn, le sycophante qui sur son site Internet dénonçait avec une rare violence moult scandales du marché de l'art, aurait probablement sauté sur l'occasion pour rajouter au sujet de cette affaire quelques chapitres vachards à la Marat mais, victime de ses diatribes qui lui ont valu notamment des menaces de mort et d'être poursuivi en justice par ceux qu'il attaquait sans prendre de gants, le trafiquant repenti a finalement été réduit au silence sur le Web après une série de procès perdus qui ont failli le mettre sur la paille. A jouer ainsi au justicier enragé, Van Rijn aura bu le calice jusqu'à l'halali...RECEL A LA BELGE
Jeudi 8 novembre 2007, un antiquaire belge a accepté de restituer un fragment du retable en bois de l'église Notre-Dame de Vétheuil (Val d'Oise) disparu à la suite de trois vols successifs commis entre 1966 et la fin de l'année 1973.S'agissant d'un bien inaliénable, le geste du marchand anversois Bernard Descheemaeker aurait pu paraître naturel sauf que pour rendre cet élément représentant le Baiser de Judas, il a eu l'indécence de réclamer à la commune de Vétheuil la somme de 185 000 euros, soit six fois son prix d'achat.Placé dans le même cas, un antiquaire français aurait déjà été inquiété pour recel d'un objet classé Monument historique mais le problème est autre en Belgique et aux Pays-Bas, où un tel délit est prescrit au bout de trois ans alors que les marchands ne sont pas tenus à tenir un livre de police pour indiquer la provenance de leurs achats. Bonjour l'Europe!Pour ce retable de l'Ecole du Nord datant du début du XVIe siècle, appelé aussi "L'Arrestation du Christ", le maire de Vétheuil, un village où Claude Monet vint souvent poser son chevalet pour peindre ses environs, n'a pu proposer au marchand anversois qu'une somme de 40 000 euros, une offre qu'il a brutalement rejetée dans un premier temps.Selon "Le Monde", le marchand avait acquis pour 33 000 euros ce fragment de retable en novembre 2006 à Vienne (Autriche) où il avait été mis en vente auprès de la maison Im Kinsky par la veuve de son dernier propriétaire qui l'avait détenu depuis la fin des années 1970.Comportant 7 éléments, le retable avait commencé à intéresser des voleurs à partir de 1966 lorsqu'ils en emportèrent deux en février de cette année là. Puis, deux autres fragments disparurent en octobre 1973 avant le vol des trois derniers survenu dans la nuit du 22 au 23 décembre 1973."Le Monde" a notamment signalé qu'environ 300 retables avaient été dérobés en France entre 1970 et 1980, un pillage d'une ampleur dévastatrice pour le patrimoine du pays. Concernant le pillage de Vétheuil, un seul des éléments volés, "La Flagellation", avait pu être retrouvé en 1999, encore une fois en Belgique, et restitué contre la modique somme de 17 000 euros.Vu que le droit français ne lui était pas opposable, Bernard Descheemaeker s'est d'abord montré inflexible en refusant mordicus de baisser le prix réclamé pour le fragment en sa possession. Le seul moyen de pression à son encontre a donc été de tenter de lui démontrer que sa réputation était en jeu et qu'il finirait par passer pour un receleur, ce qui est plutôt très mal vu au sein de sa profession. A se comporter en quelque sorte comme une tête brûlée, il risquait d'être grillé et il faut croire que l'article du "Monde" et la perspective d'être ostracisé par ses confrères français en devenant indésirable à Paris a fini par le faire réfléchir puisque sous conseil appuyé de Christian Deydier, président du Syndicat national des antiquaires (SNA) et du commandant Darties de l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC), il a accepté au bout de quelques jours de résistance de restituer gracieusement le fragment en question. Reste à savoir si le marchand, devenu subitement généreux après être resté sourd aux suppliques du maire de Vétheuil, de ses confrères parisiens et des responsables du ministère de la Culture, n'a pas demandé d'être au moins remboursé du prix de son achat effectué en Autriche.
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Lundi 5 novembre 2007, les responsables du musée archéologique du Caire et de la Vallée des Rois ont présenté au public la momie du pharaon Toutankhamon dégagée de son sarcophage par crainte d'une destruction inéluctable due aux émanations toxiques provenant de la respiration de chaque visiteur venu l'admirer.La momie du jeune pharaon, mort à 19 ans d'une gangrène consécutive à une blessure à une jambe, est désormais protégée dans une cage de verre munie d'un système diffusant une atmosphère stérile qui a été placée à côté d'une reconstitution fidèle de son visage réalisée en résine montrant que le souverain avait fière allure malgré ses dents de lapin.Si leur dynastie avait pu perdurer jusqu'à nos jours, les pharaons régneraient cependant sur un pays ayant perdu de son influence dans le monde, habité de surcroît par des dizaines de millions de personnes vivant sous le seuil de la pauvreté, ce qui laisserait supposer que son maître actuel s'appellerait plutôt "Toutenquartmonde".Certaines voix se sont élevées contre la présentation de la momie du souverain, estimant qu'il devait reposer dignement à l'abri des regards des curieux mais les responsables égyptiens des services archéologiques du Caire et de la Vallée des Rois n'ont eu cure des protestations. Il ne restera donc plus aux défenseurs de la mémoire du jeune pharaon qu'à chanter "Oh Momie, oh momie blues"... N'empêche, s'il avait vécu au 21e siècle, Toutankhamon n'aurait pas eu de séquelles graves de sa blessure grâce à la médecine ultra-moderne d'aujourd'hui, mille fois plus performante que celle qui était pratiquée en son temps.On ne peut ainsi s'empêcher de penser que la façon dont il mourut lui fit plutôt une belle jambe... Mercredi 7 novembre 2007, petit tour à Drouot pour constater que les amateurs qui sont dans l'incapacité de se déplacer le jour d'une vente et n'ont donc pour seule solution d'enchérir que de laisser un ordre d'achat à un commissaire-priseur en sont souvent quittes pour leurs frais.C'est ainsi que lors de la présentation d'une oeuvre, le manieur de marteau a commencé les enchères à 800 euros en clamant à la cantonade qu'il avait un ordre d'achat. Résultat des courses: personne n'a levé le doigt et l'oeuvre a été adjugée au prix de départ. Cocu de l'histoire: le donneur d'ordre car si celui-ci avait participé directement aux enchères, la mise à prix aurait été de 400 euros, voire moindre. Moralité: un candidat à l'achat ne doit jamais donner d'ordre à un commissaire-priseur mais plutôt à un col rouge qui ira gentiment pousser les enchères pour son compte, ce qui signifiera que faute d'un ordre donné à l'officiel ministériel, la mise à prix sera plus raisonnable.En soirée, rencontre avec un habitué de l'Hôtel des Ventes qui s'est dit étonné d'avoir vu il y a moins de deux ans dans une boutique de numismatique une collection de médailles des 16e et 17e siècles proposée à la vente, provenant en fait d'après lui d'un musée de province."Bizarre", lui ai-je dit en soulignant que j'avais du mal à croire une telle histoire. "Vous avez dit bizarre ? Effectivement, comme c'est bizarre mais un amateur très éclairé m'a affirmé qu'il n'y avait aucun doute là-dessus sauf que personne n'a bougé le petit doigt pour dénoncer en haut-lieu un tel détournement", m'a-t-il rétorqué."Et pourquoi donc ?", lui ai-je demandé d'un air faussement candide. " Le mot protection ne concerne pas que les serrures ou les alarmes. Vous pigez ?",a-t-il répondu tout en m'invitant à me souvenir de la ténébreuse affaire des vols d'ouvrages hébraïques à la BNF qui avait valu au conservateur de cette institution d'être lourdement condamné alors que ce dernier n'avait pas cessé de protester haut et fort de son innocence.Pour mon interlocuteur, le conservateur en question aurait été purement et simplement puni pour son incorrigible impertinence et aussi pour avoir voulu secouer le cocotier des secrets bien gardés au sein de la BNF où la politique de la maison serait de régler intra-muros les affaires dérangeantes.Michel Van Rijn, le sycophante qui sur son site Internet dénonçait avec une rare violence moult scandales du marché de l'art, aurait probablement sauté sur l'occasion pour rajouter au sujet de cette affaire quelques chapitres vachards à la Marat mais, victime de ses diatribes qui lui ont valu notamment des menaces de mort et d'être poursuivi en justice par ceux qu'il attaquait sans prendre de gants, le trafiquant repenti a finalement été réduit au silence sur le Web après une série de procès perdus qui ont failli le mettre sur la paille. A jouer ainsi au justicier enragé, Van Rijn aura bu le calice jusqu'à l'halali...RECEL A LA BELGE
Jeudi 8 novembre 2007, un antiquaire belge a accepté de restituer un fragment du retable en bois de l'église Notre-Dame de Vétheuil (Val d'Oise) disparu à la suite de trois vols successifs commis entre 1966 et la fin de l'année 1973.S'agissant d'un bien inaliénable, le geste du marchand anversois Bernard Descheemaeker aurait pu paraître naturel sauf que pour rendre cet élément représentant le Baiser de Judas, il a eu l'indécence de réclamer à la commune de Vétheuil la somme de 185 000 euros, soit six fois son prix d'achat.Placé dans le même cas, un antiquaire français aurait déjà été inquiété pour recel d'un objet classé Monument historique mais le problème est autre en Belgique et aux Pays-Bas, où un tel délit est prescrit au bout de trois ans alors que les marchands ne sont pas tenus à tenir un livre de police pour indiquer la provenance de leurs achats. Bonjour l'Europe!Pour ce retable de l'Ecole du Nord datant du début du XVIe siècle, appelé aussi "L'Arrestation du Christ", le maire de Vétheuil, un village où Claude Monet vint souvent poser son chevalet pour peindre ses environs, n'a pu proposer au marchand anversois qu'une somme de 40 000 euros, une offre qu'il a brutalement rejetée dans un premier temps.Selon "Le Monde", le marchand avait acquis pour 33 000 euros ce fragment de retable en novembre 2006 à Vienne (Autriche) où il avait été mis en vente auprès de la maison Im Kinsky par la veuve de son dernier propriétaire qui l'avait détenu depuis la fin des années 1970.Comportant 7 éléments, le retable avait commencé à intéresser des voleurs à partir de 1966 lorsqu'ils en emportèrent deux en février de cette année là. Puis, deux autres fragments disparurent en octobre 1973 avant le vol des trois derniers survenu dans la nuit du 22 au 23 décembre 1973."Le Monde" a notamment signalé qu'environ 300 retables avaient été dérobés en France entre 1970 et 1980, un pillage d'une ampleur dévastatrice pour le patrimoine du pays. Concernant le pillage de Vétheuil, un seul des éléments volés, "La Flagellation", avait pu être retrouvé en 1999, encore une fois en Belgique, et restitué contre la modique somme de 17 000 euros.Vu que le droit français ne lui était pas opposable, Bernard Descheemaeker s'est d'abord montré inflexible en refusant mordicus de baisser le prix réclamé pour le fragment en sa possession. Le seul moyen de pression à son encontre a donc été de tenter de lui démontrer que sa réputation était en jeu et qu'il finirait par passer pour un receleur, ce qui est plutôt très mal vu au sein de sa profession. A se comporter en quelque sorte comme une tête brûlée, il risquait d'être grillé et il faut croire que l'article du "Monde" et la perspective d'être ostracisé par ses confrères français en devenant indésirable à Paris a fini par le faire réfléchir puisque sous conseil appuyé de Christian Deydier, président du Syndicat national des antiquaires (SNA) et du commandant Darties de l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC), il a accepté au bout de quelques jours de résistance de restituer gracieusement le fragment en question. Reste à savoir si le marchand, devenu subitement généreux après être resté sourd aux suppliques du maire de Vétheuil, de ses confrères parisiens et des responsables du ministère de la Culture, n'a pas demandé d'être au moins remboursé du prix de son achat effectué en Autriche.
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