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Avoir une santé de fer pour un vieux ne l'empêchera pas de finir rouillé tôt ou tard
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Le journal d'un fou d'art
Les fous d'art, ivres de savoir et de découvertes, riches ou moins nantis et sans cesse à l'affût des nouvelles relatives au marché de l'art, forment une belle légion à travers le monde. Sans eux, ce marché n'aurait donc sûrement rien de légendaire. Depuis plus d'une quinzaine d'années, Adrian Darmon a donc rassemblé à travers plus de 2200 pages de multiples anecdotes souvent croustillantes sur les chineurs, amateurs et autres acteurs de cet univers plutôt incroyable et parfois impitoyable.
VIIIème Chapitre
«NAUMAN'S LAND»
01 Mai 2001 |
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Les ventes de la seconde moitié du mois de mai à New York ont consacré les artistes américains Bruce Nauman et Jeff Koons à un niveau jamais atteint jusqu'à présent et démontré par la même occasion que le marché de l'art contemporain continue de verser dans une démesure qui finit par devenir carrément affolante. 9,9 millions de dollars, soit environ 75 millions FF et près de deux fois et demie le budget annuel du Centre Pompidou, pour la sculpture en plâtre et en cire de Nauman «intitulée Henry Moore bound to fail» (Back View) datée de 1967, c'est là un prix complètement hors normes atteint chez Christie's le 17 mai qui met cet artiste né en 1941 au niveau d'un Rembrandt, d'un Gréco, d'un Gauguin, d'un Monet, d'un Giacometti ou d'un Matisse pour ne citer que ces maîtres simplement parce que ce «chef d'œuvre», le moulage du propre dos de l'artiste attaché par des liens, est passé entre les mains de Leo Castelli, l'homme qui fait la pluie et le beau temps sur le marché, ce qui signifie que le secteur de l'art contemporain est avant tout sous l'emprise des Américains. Afin de ne pas se laisser prendre au jeu des surenchères stupides qui finirait par mettre le domaine de l'art contemporain entre les mains de vils spéculateurs, il serait plutôt grand temps de sortir de cette sorte de «Nauman's land». Pour l'instant, ce qui se fait en dehors des Etats-Unis ne peut être valable que grâce à l'appui et au bon vouloir des grandes galeries new-yorkaises. Hors de ce circuit, il n'y a donc point de salut pour de nombreux artistes européens qui finissent par ressembler pour la plupart à des nains face aux chouchous du marché que sont Jeff Koons, Nauman, Damien Hirst, Gerhard Richter ou les petits derniers de la bande, Martin Puryear, Ellen Gallagher, Rachel Witheread, Chris Offili, David Hammons, Cindy Sherman, Jenny Saville ou l'Italien Maurizio Cattelan, qui vit aux Etats-Unis et dont la représentation osée du Pape Jean-Paul II foudroyé sur un tapis rouge par une météorite, intitulée «Nona Hora», a atteint près de 900 000 dollars à New York. Je me permets de rappeler que cette installation avait été achetée à un prix douze fois moindre à la galerie Perrotin un an plus tôt à Paris par le propre financier de celle-ci, déçu cependant de ne pas en avoir obtenu au moins un million de dollars. On constate là que le marché de l'art contemporain fonctionne plutôt à la manière d'un circuit fermé… Une campagne de marketing savamment exploitée et un retentissant scandale lors d'une exposition en Pologne ont propulsé Cattelan au rang de nouvelle star du marché avec son œuvre plutôt iconoclaste au premier regard et dont la symbolique cachée (la 9e heure du Christ) n'a pas semblé interpeller d'emblée les esprits les plus avertis. Force est cependant de constater que certains clichés de notre civilisation combinés à des formes exacerbées de dérision ou de subversion paraissent être désormais les ingrédients adéquats à la réalisation d'une œuvre apte ainsi à faire mousser les enchères dans une grande vente. L'énorme scandale causé lors de l'exposition de «Nona Hora» de Cattelan à Varsovie, où une conservatrice de musée a fait les frais de sa hardiesse à vouloir présenter cette installation qui a suscité la colère des milieux conservateurs catholiques, tout comme l'incroyable campagne de promotion qui a suivi en vue de faire exploser la cote de cet artiste, lequel affirme aimer transgresser les normes et s'est déjà amusé à représenter Adolf Hitler priant dans un état d'extase, pourraient donner à ce dernier d'autres idées encore plus saugrenues propres à propager le feu parmi les intégristes religieux de tout poil. Histoire d'aller encore plus loin dans l'irrévérence iconoclaste, une œuvre subversive conçue par Cattelan ou un autre artiste, montrant par exemple l'ayatollah Khomeiny dans une posture très indécente, serait ainsi susceptible de conduire à une fatwa dont les conséquences seraient bien plus fâcheuses que le pied de nez fait au Pape avec «Nona Hora». On finit par se rendre compte que certains artistes peuvent être de dangereux manipulateurs capables de susciter des catastrophes en créant des installations aux contenus plus qu'explosifs.
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Les ventes de la seconde moitié du mois de mai à New York ont consacré les artistes américains Bruce Nauman et Jeff Koons à un niveau jamais atteint jusqu'à présent et démontré par la même occasion que le marché de l'art contemporain continue de verser dans une démesure qui finit par devenir carrément affolante. 9,9 millions de dollars, soit environ 75 millions FF et près de deux fois et demie le budget annuel du Centre Pompidou, pour la sculpture en plâtre et en cire de Nauman «intitulée Henry Moore bound to fail» (Back View) datée de 1967, c'est là un prix complètement hors normes atteint chez Christie's le 17 mai qui met cet artiste né en 1941 au niveau d'un Rembrandt, d'un Gréco, d'un Gauguin, d'un Monet, d'un Giacometti ou d'un Matisse pour ne citer que ces maîtres simplement parce que ce «chef d'œuvre», le moulage du propre dos de l'artiste attaché par des liens, est passé entre les mains de Leo Castelli, l'homme qui fait la pluie et le beau temps sur le marché, ce qui signifie que le secteur de l'art contemporain est avant tout sous l'emprise des Américains. Afin de ne pas se laisser prendre au jeu des surenchères stupides qui finirait par mettre le domaine de l'art contemporain entre les mains de vils spéculateurs, il serait plutôt grand temps de sortir de cette sorte de «Nauman's land». Pour l'instant, ce qui se fait en dehors des Etats-Unis ne peut être valable que grâce à l'appui et au bon vouloir des grandes galeries new-yorkaises. Hors de ce circuit, il n'y a donc point de salut pour de nombreux artistes européens qui finissent par ressembler pour la plupart à des nains face aux chouchous du marché que sont Jeff Koons, Nauman, Damien Hirst, Gerhard Richter ou les petits derniers de la bande, Martin Puryear, Ellen Gallagher, Rachel Witheread, Chris Offili, David Hammons, Cindy Sherman, Jenny Saville ou l'Italien Maurizio Cattelan, qui vit aux Etats-Unis et dont la représentation osée du Pape Jean-Paul II foudroyé sur un tapis rouge par une météorite, intitulée «Nona Hora», a atteint près de 900 000 dollars à New York. Je me permets de rappeler que cette installation avait été achetée à un prix douze fois moindre à la galerie Perrotin un an plus tôt à Paris par le propre financier de celle-ci, déçu cependant de ne pas en avoir obtenu au moins un million de dollars. On constate là que le marché de l'art contemporain fonctionne plutôt à la manière d'un circuit fermé… Une campagne de marketing savamment exploitée et un retentissant scandale lors d'une exposition en Pologne ont propulsé Cattelan au rang de nouvelle star du marché avec son œuvre plutôt iconoclaste au premier regard et dont la symbolique cachée (la 9e heure du Christ) n'a pas semblé interpeller d'emblée les esprits les plus avertis. Force est cependant de constater que certains clichés de notre civilisation combinés à des formes exacerbées de dérision ou de subversion paraissent être désormais les ingrédients adéquats à la réalisation d'une œuvre apte ainsi à faire mousser les enchères dans une grande vente. L'énorme scandale causé lors de l'exposition de «Nona Hora» de Cattelan à Varsovie, où une conservatrice de musée a fait les frais de sa hardiesse à vouloir présenter cette installation qui a suscité la colère des milieux conservateurs catholiques, tout comme l'incroyable campagne de promotion qui a suivi en vue de faire exploser la cote de cet artiste, lequel affirme aimer transgresser les normes et s'est déjà amusé à représenter Adolf Hitler priant dans un état d'extase, pourraient donner à ce dernier d'autres idées encore plus saugrenues propres à propager le feu parmi les intégristes religieux de tout poil. Histoire d'aller encore plus loin dans l'irrévérence iconoclaste, une œuvre subversive conçue par Cattelan ou un autre artiste, montrant par exemple l'ayatollah Khomeiny dans une posture très indécente, serait ainsi susceptible de conduire à une fatwa dont les conséquences seraient bien plus fâcheuses que le pied de nez fait au Pape avec «Nona Hora». On finit par se rendre compte que certains artistes peuvent être de dangereux manipulateurs capables de susciter des catastrophes en créant des installations aux contenus plus qu'explosifs.
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