Samedi 19 mai 2001, je rencontre à Clignancourt un vieux chineur qui avait disparu des Puces depuis plus de trois mois et pour cause, il avait été hospitalisé pour un cancer des intestins. Amaigri et flottant dans ses vêtements devenus trop amples, le vieil homme, qui a déjà subi une opération à cœur ouvert il y a quelques années, a fait comme si de rien n'était en repartant à la chasse d'objets médiévaux.
Il me répète chaleureusement par trois fois qu'il est content de me revoir tout en dissimulant mal sa joie d'être encore en vie. Son acharnement à revenir chiner me paraît vraiment surréaliste alors que la mort le guette mais je suis sûr qu'il ira jusqu'au bout de ses forces pour trouver de nouveaux objets à ajouter à sa collection et cette motivation incroyable ne manque pas de m'émouvoir et de m'interpeller.
Il ferait mieux de couler ses derniers jours paisiblement à la campagne histoire de profiter d'une retraite bien gagnée. Mais non, tout ce qui l'intéresse est de se remettre en selle jusqu'à son dernier souffle pour battre le marché à la recherche d'objets qui lui procurent tant d'émotions. Les déceptions sont en somme passagères tandis que la soif de faire des découvertes est permanente et permet à ce chineur de surmonter ses ennuis de santé. Voilà une leçon à méditer pour Michaël qui ne devrait pas rester longtemps K.O debout…
Cela me rappelle l'histoire de ce collectionneur de montres qui, tout en se sachant condamné, acheta par l'intermédiaire d'un courtier deux modèles rares du XVII e siècle dans une vente publique pour les ajouter à sa collection mais il ne les vit cependant jamais puisqu'il mourut deux jours après cette vacation…