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Les dingues de concours visent surtout à être des primés… (AD)
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Le journal d'un fou d'art
Les fous d'art, ivres de savoir et de découvertes, riches ou moins nantis et sans cesse à l'affût des nouvelles relatives au marché de l'art, forment une belle légion à travers le monde. Sans eux, ce marché n'aurait donc sûrement rien de légendaire. Depuis plus d'une quinzaine d'années, Adrian Darmon a donc rassemblé à travers plus de 2200 pages de multiples anecdotes souvent croustillantes sur les chineurs, amateurs et autres acteurs de cet univers plutôt incroyable et parfois impitoyable.
IVème Chapitre
EXPERT PEPERES
01 Décembre 2000 |
Cet article se compose de 2 pages.
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En cette fin d'année, je note que les experts de Drouot ont fini par adopter une attitude plus que réservée concernant leurs estimations car celles-ci frisent souvent le ridicule. Voici quelques exemples édifiants : une miniature attribuée à Jean-Etienne Liotard, estimée entre 2000 et 3000 FF, vendue sans les frais 122 000 FF, une commode de Leleu, estimée 1,5 millions FF, qui dépasse allègrement la barre des dix millions, une nature morte du XVIIe siècle, qui a démarrée à 3000 FF et fini à plus de 650 000 FF, tout cela durant le mois de décembre 2000 alors que des enchères sur des dizaines d'œuvres d'art ont dans le même temps pulvérisé les estimations des spécialistes, comme ce dessin de Bronzino, Christ pour une Piéta, évalué à 600 000 FF et parti à plus de onze millions . Je l'ai dit et je le répète, il s'agit surtout d'un jeu voulu par les commissaires - priseurs et destiné à appâter les amateurs, à les forcer à venir dans les salles et à susciter des bagarres d'enchères qui poussent souvent les perdants à acheter autre chose pour avoir le sentiment de ne pas avoir gâché leur journée. Il s'agit d'autre part pour les experts de ne pas se montrer trop affirmatifs dans leurs attributions, histoire d'éviter de voir leurs opinions être remises en cause par la suite. Cela est arrivé il y a quelques années à Eric Turquin, expert en tableaux anciens, qui avait présenté en vente une œuvre comme étant d'Andrea Solario, vendue à plus de cinq millions avant d'être contestée. Résultat : Poursuivi en justice, il avait été condamné in solidum avec le vendeur, devenu défaillant, à rembourser l'acheteur. Une sacrée tuile en somme, qui l'a amené ensuite à plus de modestie dans ses attributions et poussé ses confrères à être aussi modérés que lui dans leurs opinions. Il faut également avouer que Drouot est probablement le meilleur endroit pour vendre des œuvres non authentifiées, voire fausses. On voit ainsi dans de nombreuses ventes courantes, c'est à dire sans catalogue, des tableaux ou des dessins portant la signature de grands maîtres ou semblant parfaitement correspondre à leur style, proposés à des prix de départ insignifiants et atteindre des sommes conséquentes comme cette huile sur toile qui avait tout d'un Renoir mais qui était dépourvue d'un certificat d'authenticité, vendue 200 000 FF en décembre. A ce sujet, il y a à Drouot un commando très actif d'acheteurs pour acheter tout ce qui ressemble à des œuvres de maîtres ; c'est à dire Monet, Modigliani, Redon, Gauguin, Seurat, Van Gogh, Boudin, Renoir, Manet et tant de peintres qui font rêver. Parfois, l'un d'eux parvient à toucher le jackpot en faisant authentifier son acquisition mais en général, il ne faut pas se faire d'illusion car au bout du compte, ce sont souvent les vendeurs qui réalisent une bonne opération. Je me rappelle néanmoins de ce marchand roumain qui achetait nombre de ces œuvres qui suscitent la convoitise, allant parfois jusqu'à débourser plus de trente mille francs pour un lot et qui a pu gagner un gros paquet sur quelques unes d'entre elles. D'autres ont voulu l'imiter, mais ils n'avaient pas la pointure de cet acheteur malin qui vit désormais dans un mini-palais à Bucarest acquis notamment aux dépens de «Gargamelle», le cuisinier qui avait enlevé en vente un superbe dessin de Ingres avant de le lui céder pour un prix dérisoire pour ensuite friser une attaque en apprenant que cette œuvre avait été revendue pour près de huit millions FF à New York.
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En cette fin d'année, je note que les experts de Drouot ont fini par adopter une attitude plus que réservée concernant leurs estimations car celles-ci frisent souvent le ridicule. Voici quelques exemples édifiants : une miniature attribuée à Jean-Etienne Liotard, estimée entre 2000 et 3000 FF, vendue sans les frais 122 000 FF, une commode de Leleu, estimée 1,5 millions FF, qui dépasse allègrement la barre des dix millions, une nature morte du XVIIe siècle, qui a démarrée à 3000 FF et fini à plus de 650 000 FF, tout cela durant le mois de décembre 2000 alors que des enchères sur des dizaines d'œuvres d'art ont dans le même temps pulvérisé les estimations des spécialistes, comme ce dessin de Bronzino, Christ pour une Piéta, évalué à 600 000 FF et parti à plus de onze millions . Je l'ai dit et je le répète, il s'agit surtout d'un jeu voulu par les commissaires - priseurs et destiné à appâter les amateurs, à les forcer à venir dans les salles et à susciter des bagarres d'enchères qui poussent souvent les perdants à acheter autre chose pour avoir le sentiment de ne pas avoir gâché leur journée. Il s'agit d'autre part pour les experts de ne pas se montrer trop affirmatifs dans leurs attributions, histoire d'éviter de voir leurs opinions être remises en cause par la suite. Cela est arrivé il y a quelques années à Eric Turquin, expert en tableaux anciens, qui avait présenté en vente une œuvre comme étant d'Andrea Solario, vendue à plus de cinq millions avant d'être contestée. Résultat : Poursuivi en justice, il avait été condamné in solidum avec le vendeur, devenu défaillant, à rembourser l'acheteur. Une sacrée tuile en somme, qui l'a amené ensuite à plus de modestie dans ses attributions et poussé ses confrères à être aussi modérés que lui dans leurs opinions. Il faut également avouer que Drouot est probablement le meilleur endroit pour vendre des œuvres non authentifiées, voire fausses. On voit ainsi dans de nombreuses ventes courantes, c'est à dire sans catalogue, des tableaux ou des dessins portant la signature de grands maîtres ou semblant parfaitement correspondre à leur style, proposés à des prix de départ insignifiants et atteindre des sommes conséquentes comme cette huile sur toile qui avait tout d'un Renoir mais qui était dépourvue d'un certificat d'authenticité, vendue 200 000 FF en décembre. A ce sujet, il y a à Drouot un commando très actif d'acheteurs pour acheter tout ce qui ressemble à des œuvres de maîtres ; c'est à dire Monet, Modigliani, Redon, Gauguin, Seurat, Van Gogh, Boudin, Renoir, Manet et tant de peintres qui font rêver. Parfois, l'un d'eux parvient à toucher le jackpot en faisant authentifier son acquisition mais en général, il ne faut pas se faire d'illusion car au bout du compte, ce sont souvent les vendeurs qui réalisent une bonne opération. Je me rappelle néanmoins de ce marchand roumain qui achetait nombre de ces œuvres qui suscitent la convoitise, allant parfois jusqu'à débourser plus de trente mille francs pour un lot et qui a pu gagner un gros paquet sur quelques unes d'entre elles. D'autres ont voulu l'imiter, mais ils n'avaient pas la pointure de cet acheteur malin qui vit désormais dans un mini-palais à Bucarest acquis notamment aux dépens de «Gargamelle», le cuisinier qui avait enlevé en vente un superbe dessin de Ingres avant de le lui céder pour un prix dérisoire pour ensuite friser une attaque en apprenant que cette œuvre avait été revendue pour près de huit millions FF à New York.
Des faux, il s'en ramasse à la pelle à Drouot qui est en ce sens une véritable usine à rêves mais c'est bien à Paris, et également dans les ventes en province, que se font les plus belles redécouvertes. Il n'y a donc pas d'autres lieux au monde où il serait possible de découvrir des œuvres considérées comme perdues, notamment par Delacroix, Fragonard, Joseph Vernet, Rubens, Frans Post, Poussin, La Tour et bien d'autres grands maîtres. Voilà bien le charme des salles de ventes françaises, qui sont parmi les rares endroits de l'univers où peut avoir la sensation de gagner au loto. Il y a néanmoins un revers à la médaille de ce merveilleux «foutoir» puisque la France a le privilège des scandales concernant nombre de commissaires-priseurs mis en examen à la suite d'irrégularités plus ou moins graves, la palme étant détenue par Guy Loudmer et son fiston Philippe, accusés d'avoir abusé les époux Bourdon et le fisc lorsqu'ils dispersèrent leur fabuleuse collection de tableaux modernes en 1990. Cette affaire porte sur la bagatelle de 500 millions de francs qui auraient été détournés, une somme faramineuse. Il a fallu six ans d'enquête pour démêler les fils d'une affaire nébuleuse qui a conduit à la chute de l'ambitieux Loudmer qui se croyait parvenu au sommet de sa profession et à la fuite de son fils à l'étranger. Leur procès aura lieu au printemps de 2001 et promet un sacré déballage. Il y a à ce jour plusieurs commissaires-priseurs qui ont été mis en examen pour des délits plus ou moins sérieux mais ceux-ci risquent de moins souffrir que les maisons Sotheby's et Christie's, accusées d'entente illicite aux Etats-Unis et punissables d'une amende colossale. Bref, il faut avoir les nerfs solides pour organiser des ventes et éviter de s'exposer à des problèmes. Globalement, les Anglo-Saxons ne manquent pas d'élégance dans «l'art naque» - le marchand Lord Duveen ayant ouvert le bal dans les années 1920- alors que les Français jouent un ton en dessous dans ce genre de registre. En attendant, la tendance est plutôt à la révision de la part de certains experts concernant des opinions émises dans le passé par leurs prédécesseurs. De nombreux avis formulés au sujet d'œuvres de nombreux peintres, notamment Modigliani, Renoir et d'autres grands artistes, sont ainsi battus en brèche et les déclassements amènent les propriétaires d'œuvres devenues contestées à saisir de plus en plus la justice pour obtenir réparation. Pour conclure au sujet des estimations, Drouot manque cruellement de maturité face à des maisons comme Sotheby's ou Christie's qui elles ont tendance à placer la barre des prix de réserve assez haut quitte à enregistrer des taux importants d'invendus. On peut prévoir que les choses ne changeront pas de sitôt en France dans le domaine des ventes aux enchères car la timidité des experts est devenue monnaie courante .
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