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« La surface sera lisse et brillante, ce qui diminue en outre la lourdeur de la matière » (Mondrian)
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Le journal d'un fou d'art
Les fous d'art, ivres de savoir et de découvertes, riches ou moins nantis et sans cesse à l'affût des nouvelles relatives au marché de l'art, forment une belle légion à travers le monde. Sans eux, ce marché n'aurait donc sûrement rien de légendaire. Depuis plus d'une quinzaine d'années, Adrian Darmon a donc rassemblé à travers plus de 2200 pages de multiples anecdotes souvent croustillantes sur les chineurs, amateurs et autres acteurs de cet univers plutôt incroyable et parfois impitoyable.
IVème Chapitre
UN MYTHE ERRANT…
01 Décembre 2000 |
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Vendredi 22 décembre, je lis dans «Le Monde» que Jean-Christophe Mitterrand, qui fut mon collègue à l'AFP à la fin des années 1970, a été placé en détention provisoire pour complicité de commerce d'armes illicite. A l'époque où il travaillait à l'AFP, le fils de feu l'ancien président de la République, était plutôt du genre baba cool débraillé et ne prisait guère le costume-cravate; du moins jusqu'au jour où son père, élu en 1981, le propulsa en 1984 comme conseiller aux affaires africaines de l'Elysée. Selon l'enquête menée par la police au sujet d'un trafic d'armes à destination de l'Angola, il aurait alors favorisé ces transactions et perçu 13 millions de francs du marchand d'armes Pierre Falcone, aujourd'hui écroué, versés sur un compte numéroté en Suisse. A l'époque où il était journaliste, Jean-Christophe avait tendance à snober certains de ses confrères de l'AFP et semblait bénéficier d'un statut privilégié au sein du service diplomatique de l'agence après avoir été en poste à Lomé. Ils le surnommaient déjà «le fils à papa» quoique parfois il se laissait aller parfois à faire la fête avec ceux qui faisaient partie de son cénacle. Après l'élection de son père, sa présence à l'AFP avait fait quelque peu désordre du fait qu'on imaginait mal de voir le fils du président continuer à signer des papiers sur la politique étrangère de la France; d'où son départ après avoir vécu dans un placard doré et son embauche à l'Elysée, facilitée par sa filiation avec le président qui lui valut d'ailleurs de nouer des relations privilégiées avec quelques chefs d'Etat africains qui avaient l'impression de traiter directement avec son père lequel n'avait eu de cesse de le protéger. Grandeur et décadence… J'évoque cette histoire car dans cette affaire on évoque également avec insistance le nom d'Arcadi Gaydamak, un homme d'affaire russe venu à vingt ans en France, aujourd'hui réfugié à l'étranger, qui a fait des dons importants à l'association France-Russie et au Musée du Louvre. Il avait créé en outre un pôle financier avec Pierre Falcone, celui-là même qui a été à l'origine de la mise en examen de Jean-Christophe Mitterrand. Bref, on peut imaginer que certains acheteurs d'œuvres d'art importantes investissent pas mal d'argent à l'origine douteuse sur le marché et que les affaires qui éclatent en cascade au grand jour risquent de peser sur celui-ci car l'absence soudaine de ces riches acteurs sera difficile à pallier. Les fortunes vite créées sont ainsi souvent sujettes à caution mais sans la Mafia sicilienne ou Napolitaine, les Golden Boys, les aventuriers de la finance et d'autres affairistes, le marché de l'art aurait alors une allure bien pépère tandis que le monde tournerait autrement. Samedi 23 décembre, ce n'est vraiment pas Noël pour les marchands des Puces de Saint-Ouen. Il n'y a pratiquement personne dans les rues et de nombreux rideaux de fer sont baissés. A Vernaison, j'apprends de la bouche d'un marchand qu'un collectionneur l'a appelé pour lui demander le remboursement d'un dessin qu'il n'avait pu faire authentifier. Colère du marchand qui me raconte que lorsqu'il vend à ce quidam des bonnes choses à des prix intéressants celui-ci ne l'informe jamais des culbutes qu'il a pu réaliser en les revendant. Unfair my dear … «C'est deux poids deux mesures avec ce type à qui je vends toujours des trucs à de bons prix et cela fait trois fois en six mois qu'il me ramène des choses qu'il ne parvient pas à revendre», me dit le marchand d'un ton ulcéré. «En attendant, il me doit toujours un dessin que je lui avais confié il y a cinq ans et qu'il ne retrouve toujours pas. Des collectionneurs comme lui, je m'en passerais bien», ajoute-t-il d'un ton démoralisé. Je lui donne entièrement raison car dans le domaine du marché de l'art, il est inconcevable de ne pas prendre de risques et cela vaut autant pour les professionnels que pour les collectionneurs, lesquels sont eux aussi souvent des marchands déguisés puisqu'ils revendent des pièces pour pouvoir en acheter d'autres. A 13 heures, déjeuner avec Chester Fielx qui m'annonce que le petit autoportrait de Corot non signé, qu'il avait trouvé dans une brocante et qu'il vient de faire authentifier par l'expert en charge de l'œuvre de ce maître du XIXe siècle, est parti pour atteindre un prix record. Un grand marchand parisien vient d'ailleurs de lui proposer près de deux millions de francs pour cette petite huile sur papier. Voilà de quoi bien commencer l'année 2001. Sacré veinard… De mon côté, je viens d'apprendre que le dessin de Meissonnier que Chester m'avait cédé il y a peu n'est en fait qu'une copie dénuée de la verve de ce maître de l'art pompier. Pas de bol...
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Vendredi 22 décembre, je lis dans «Le Monde» que Jean-Christophe Mitterrand, qui fut mon collègue à l'AFP à la fin des années 1970, a été placé en détention provisoire pour complicité de commerce d'armes illicite. A l'époque où il travaillait à l'AFP, le fils de feu l'ancien président de la République, était plutôt du genre baba cool débraillé et ne prisait guère le costume-cravate; du moins jusqu'au jour où son père, élu en 1981, le propulsa en 1984 comme conseiller aux affaires africaines de l'Elysée. Selon l'enquête menée par la police au sujet d'un trafic d'armes à destination de l'Angola, il aurait alors favorisé ces transactions et perçu 13 millions de francs du marchand d'armes Pierre Falcone, aujourd'hui écroué, versés sur un compte numéroté en Suisse. A l'époque où il était journaliste, Jean-Christophe avait tendance à snober certains de ses confrères de l'AFP et semblait bénéficier d'un statut privilégié au sein du service diplomatique de l'agence après avoir été en poste à Lomé. Ils le surnommaient déjà «le fils à papa» quoique parfois il se laissait aller parfois à faire la fête avec ceux qui faisaient partie de son cénacle. Après l'élection de son père, sa présence à l'AFP avait fait quelque peu désordre du fait qu'on imaginait mal de voir le fils du président continuer à signer des papiers sur la politique étrangère de la France; d'où son départ après avoir vécu dans un placard doré et son embauche à l'Elysée, facilitée par sa filiation avec le président qui lui valut d'ailleurs de nouer des relations privilégiées avec quelques chefs d'Etat africains qui avaient l'impression de traiter directement avec son père lequel n'avait eu de cesse de le protéger. Grandeur et décadence… J'évoque cette histoire car dans cette affaire on évoque également avec insistance le nom d'Arcadi Gaydamak, un homme d'affaire russe venu à vingt ans en France, aujourd'hui réfugié à l'étranger, qui a fait des dons importants à l'association France-Russie et au Musée du Louvre. Il avait créé en outre un pôle financier avec Pierre Falcone, celui-là même qui a été à l'origine de la mise en examen de Jean-Christophe Mitterrand. Bref, on peut imaginer que certains acheteurs d'œuvres d'art importantes investissent pas mal d'argent à l'origine douteuse sur le marché et que les affaires qui éclatent en cascade au grand jour risquent de peser sur celui-ci car l'absence soudaine de ces riches acteurs sera difficile à pallier. Les fortunes vite créées sont ainsi souvent sujettes à caution mais sans la Mafia sicilienne ou Napolitaine, les Golden Boys, les aventuriers de la finance et d'autres affairistes, le marché de l'art aurait alors une allure bien pépère tandis que le monde tournerait autrement. Samedi 23 décembre, ce n'est vraiment pas Noël pour les marchands des Puces de Saint-Ouen. Il n'y a pratiquement personne dans les rues et de nombreux rideaux de fer sont baissés. A Vernaison, j'apprends de la bouche d'un marchand qu'un collectionneur l'a appelé pour lui demander le remboursement d'un dessin qu'il n'avait pu faire authentifier. Colère du marchand qui me raconte que lorsqu'il vend à ce quidam des bonnes choses à des prix intéressants celui-ci ne l'informe jamais des culbutes qu'il a pu réaliser en les revendant. Unfair my dear … «C'est deux poids deux mesures avec ce type à qui je vends toujours des trucs à de bons prix et cela fait trois fois en six mois qu'il me ramène des choses qu'il ne parvient pas à revendre», me dit le marchand d'un ton ulcéré. «En attendant, il me doit toujours un dessin que je lui avais confié il y a cinq ans et qu'il ne retrouve toujours pas. Des collectionneurs comme lui, je m'en passerais bien», ajoute-t-il d'un ton démoralisé. Je lui donne entièrement raison car dans le domaine du marché de l'art, il est inconcevable de ne pas prendre de risques et cela vaut autant pour les professionnels que pour les collectionneurs, lesquels sont eux aussi souvent des marchands déguisés puisqu'ils revendent des pièces pour pouvoir en acheter d'autres. A 13 heures, déjeuner avec Chester Fielx qui m'annonce que le petit autoportrait de Corot non signé, qu'il avait trouvé dans une brocante et qu'il vient de faire authentifier par l'expert en charge de l'œuvre de ce maître du XIXe siècle, est parti pour atteindre un prix record. Un grand marchand parisien vient d'ailleurs de lui proposer près de deux millions de francs pour cette petite huile sur papier. Voilà de quoi bien commencer l'année 2001. Sacré veinard… De mon côté, je viens d'apprendre que le dessin de Meissonnier que Chester m'avait cédé il y a peu n'est en fait qu'une copie dénuée de la verve de ce maître de l'art pompier. Pas de bol...
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