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"Si on approchait des vrais tableaux un miroir, celui-ci devrait se couvrir de buée car les vrais tableaux respirent" (Picasso)
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Le journal d'un fou d'art
Les fous d'art, ivres de savoir et de découvertes, riches ou moins nantis et sans cesse à l'affût des nouvelles relatives au marché de l'art, forment une belle légion à travers le monde. Sans eux, ce marché n'aurait donc sûrement rien de légendaire. Depuis plus d'une quinzaine d'années, Adrian Darmon a donc rassemblé à travers plus de 2200 pages de multiples anecdotes souvent croustillantes sur les chineurs, amateurs et autres acteurs de cet univers plutôt incroyable et parfois impitoyable.
IVème Chapitre
COLLARO-SHOW
01 Décembre 2000 |
Cet article se compose de 2 pages.
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Samedi 16 décembre, je feuillette la Gazette de l'Hôtel Drouot et découvre que la collection de tableaux contemporains de l'animateur et producteur de télévision Stéphane Collaro va être bientôt vendue par l'étude Cornette de Saint-Cyr. Au placard depuis peu, Collaro a préféré prendre sa retraite et vit à présent aux Antilles où il s'est reconverti dans l'immobilier en profitant du beau pactole qu'il a amassé durant sa carrière. Le petit journaliste facétieux et parfois irrespectueux, que certains virent plus d'une fois faire le clown au bar du Whisky à Gogo à l'occasion de soirées copieusement arrosées durant les années 1960, avait eu la chance de devenir le protégé de Jacques Martin, pape de la télévision d'alors, lequel le propulsa sur les rails du succès. Le créateur des «Coco Girls» à l'esprit si grivois avait su mener intelligemment sa barque avant de s'attirer quelques inimitiés inévitables parmi ses rivaux tout en dirigeant avec une science de stratège ses collaborateurs qui pondaient ses sketches et s'estimaient peut-être mal récompensés au final. Il en a peut-être assez de ses Combas, ses Warhol et autres œuvres d'artistes en vogue des années 1980 ou alors, il a simplement besoin d'argent pour vivre comme un nabab sous les cocotiers. Quoiqu'il en soit, je ne me fais pas de souci pour son avenir. MORTS EN SERIE Dimanche 17 décembre. J'apprends coup sur coup que trois marchands de Saint-Ouen sont morts brutalement au cours de ces dix derniers jours. Une véritable hécatombe qui prouve combien le métier de brocanteur peut être stressant. Dominique, un broc qui avait un stand à «l'Usine», est mort ainsi d'une crise cardiaque à 45 ans le 15 décembre en déchargeant son camion. Je l'avais vu la semaine précédente et rien n'indiquait qu'il était au bout du rouleau. Gassione, un spécialiste du Militaria installé au marché Vernaison, a été foudroyé à moins de soixante ans il y a une dizaine de jours. Ancien responsable de la sécurité dans une tour du quartier de la Défense, il avait chiné pour son plaisir durant des années avant d'être licencié de son poste. Il avait alors continué à hanter les marchés de brocante et travaillé avec une bande de collectionneurs d'armes anciennes, de décorations et d'habits militaires avant de prendre boutique il y a moins de cinq ans. Je l'avais vu à la fin du mois de novembre assoupi dans son stand sans m'imaginer un seul instant que la mort le guettait.
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Samedi 16 décembre, je feuillette la Gazette de l'Hôtel Drouot et découvre que la collection de tableaux contemporains de l'animateur et producteur de télévision Stéphane Collaro va être bientôt vendue par l'étude Cornette de Saint-Cyr. Au placard depuis peu, Collaro a préféré prendre sa retraite et vit à présent aux Antilles où il s'est reconverti dans l'immobilier en profitant du beau pactole qu'il a amassé durant sa carrière. Le petit journaliste facétieux et parfois irrespectueux, que certains virent plus d'une fois faire le clown au bar du Whisky à Gogo à l'occasion de soirées copieusement arrosées durant les années 1960, avait eu la chance de devenir le protégé de Jacques Martin, pape de la télévision d'alors, lequel le propulsa sur les rails du succès. Le créateur des «Coco Girls» à l'esprit si grivois avait su mener intelligemment sa barque avant de s'attirer quelques inimitiés inévitables parmi ses rivaux tout en dirigeant avec une science de stratège ses collaborateurs qui pondaient ses sketches et s'estimaient peut-être mal récompensés au final. Il en a peut-être assez de ses Combas, ses Warhol et autres œuvres d'artistes en vogue des années 1980 ou alors, il a simplement besoin d'argent pour vivre comme un nabab sous les cocotiers. Quoiqu'il en soit, je ne me fais pas de souci pour son avenir. MORTS EN SERIE Dimanche 17 décembre. J'apprends coup sur coup que trois marchands de Saint-Ouen sont morts brutalement au cours de ces dix derniers jours. Une véritable hécatombe qui prouve combien le métier de brocanteur peut être stressant. Dominique, un broc qui avait un stand à «l'Usine», est mort ainsi d'une crise cardiaque à 45 ans le 15 décembre en déchargeant son camion. Je l'avais vu la semaine précédente et rien n'indiquait qu'il était au bout du rouleau. Gassione, un spécialiste du Militaria installé au marché Vernaison, a été foudroyé à moins de soixante ans il y a une dizaine de jours. Ancien responsable de la sécurité dans une tour du quartier de la Défense, il avait chiné pour son plaisir durant des années avant d'être licencié de son poste. Il avait alors continué à hanter les marchés de brocante et travaillé avec une bande de collectionneurs d'armes anciennes, de décorations et d'habits militaires avant de prendre boutique il y a moins de cinq ans. Je l'avais vu à la fin du mois de novembre assoupi dans son stand sans m'imaginer un seul instant que la mort le guettait.
Quant au troisième disparu, qui tenait un stand au marché Dauphine, je ne le connaissais pas. Trois morts en quelques jours, c'est ce que j'appelle une hécatombe. En fait, on voit beaucoup de marchands affalés dans leur fauteuil, vaincus par le sommeil après avoir passé des heures à attendre des clients alors que d'autres trompent leur ennui en lisant des bouquins ou en tapant le carton avec des voisins le week-end au marché aux Puces. Le métier de brocanteur est à l'image d'un marathonien car il faut toujours courir pour trouver de la marchandise qu'on aille à Drouot ou sur des foires sans compter les voyages à l'autre bout de la France, les kilomètres parcourus au volant de sa voiture, les allées et venues pour décharger des meubles encombrants ou pour faire des adresses. Certains marchands sont obligés de se lever à deux heures du matin le vendredi pour déballer leur camelote à cinq heures, la remballer à dix heures et repartir pour une journée de travail qui se termine tard dans la soirée et souvent, c'est re-belote le samedi et même le dimanche. Ainsi, pour la plupart, les week-ends n'existent pas alors que tous sont saisis par l'angoisse de ne pas pouvoir boucler leur fin de mois. La rentrée ayant été difficile, nombreux sont ceux dont les nerfs ont été soumis à rude épreuve. On peut néanmoins gagner pas mal d'argent en faisant ce métier mais gare à la santé !
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