| | Citation |
| | |
|
Un expert, c'est quelqu'un qui se trompe selon les règles (Paul Valéry)
|
|
|
|
Le journal d'un fou d'art
Les fous d'art, ivres de savoir et de découvertes, riches ou moins nantis et sans cesse à l'affût des nouvelles relatives au marché de l'art, forment une belle légion à travers le monde. Sans eux, ce marché n'aurait donc sûrement rien de légendaire. Depuis plus d'une quinzaine d'années, Adrian Darmon a donc rassemblé à travers plus de 2200 pages de multiples anecdotes souvent croustillantes sur les chineurs, amateurs et autres acteurs de cet univers plutôt incroyable et parfois impitoyable.
XVème Chapitre
Un dangereux fou d'art
01 Mai 2002 |
Cet article se compose de 3 pages.
1
2
3
|
Ce n'est que le sept jours après l'arrestation de son fils que les policiers helvétiques, munis d'une commission rogatoire internationale, ont pu se présenter au domicile de Mireille Breitwieser, trop tard toutefois puisque celui-ci avait été vidé de son contenu encombrant. Ignorant le geste stupide de sa mère, ce fou d'art dangereux a tout avoué en déclarant qu'une fois sa peine purgée il irait proposer ses services aux musées français et européens pour les aider à renforcer leur sécurité... La liste des musées européens pillés fait froid dans le dos puisqu'on en recense au moins 25 en France, une quinzaine en Suisse, trois aux Pays-Bas, huit en Belgique, un en Autriche, deux en Allemagne sans compter plusieurs châteaux dans la plupart de ces pays, des salons d'antiquaires comme celui de Maastricht et des salles de ventes. Quant à la mère de ce dangereux fou d'art, celle-ci a pris le parti devant les enquêteurs de charger son fils qui l'aurait battue chaque fois qu'elle lui reprochait son oisiveté tout en affirmant ignorer que les tableaux et objets entreposés chez elle étaient volés. Elle aurait cependant pu se poser des questions à leur sujet puisque celui-ci était sans le sou.
|
|
Mercredi 15 mai, à Eschentzwiller, un village situé entre Mulhouse et Bâle, un passionné d'art désireux de se constituer son musée personnel a commis durant sept ans 172 vols d'objets d'art et de toiles de maîtres dans de nombreux musées et galeries d'Europe, un record propre à donner des sueurs froides à bien des conservateurs. L'audacieux voleur, qui a toujours agi en plein jour, a ainsi amassé un butin estimé à près de vingt millions d'euros jusqu'à son arrestation en Suisse en novembre 2001 mais sa mère, horrifiée des conséquences de ses larcins, a dans un geste fou détruit tous les tableaux et dessins entreposés chez elle et jeté dans le canal du Rhin tous les autres objets volés. Lointain petit-cousin du peintre mulhousien Robert Breitwieser (1899- ?) dont les œuvres figurent aux musées de Mulhouse et de Strasbourg, Stéphane Breitwieser, 31 ans, avait écumé de nombreux musées, galeries, salons d'antiquités, châteaux et salles de ventes depuis 1995. Kleptomane, il n'a jamais revendu les objets et tableaux qu'il a volés en se contentant de faire des recherches dans des bibliothèques pour répertorier sa "collection" amassée au domicile de sa mère, une femme plutôt acariâtre qui avait mal supporté son divorce survenu il y a une dizaine d'années. Le drame est qu'à la suite de son arrestation, sa mère, a détruit dans un accès de rage les tableaux entreposés chez elle et s'est débarrassée des objets, coupes, statuettes, coffrets et autres, dans le canal du Rhin avec l'aide de la compagne de son fils. Ce sont soixante tableaux et dessins, notamment des œuvres de Watteau, Brueghel, Pieter Gysels, Jan Davidsz de Heem ou Boucher, qui ont été détruits à jamais par Mireille Breitwieser, 51 ans, et Anne-Catherine Kleinklauss, 31 ans, lesquelles ont passé des aveux complets auprès des enquêteurs de la PJ de Strasbourg et de l'Office Central de lutte contre le trafic des biens culturels.
Travaillant sporadiquement dans le secteur touristique, cet introverti à l'allure de jeune homme propet, avait déjà commis des vols à l'étalage durant son adolescence et avait eu des relations conflictuelles avec sa mère à partir du moment où son père avait demandé le divorce pour vivre avec une autre femme. Dans un climat digne des "Parents terribles" de Cocteau, le jeune homme s'était replié sur lui-même en se faisant passer par ailleurs pour le petit-fils de Robert Breitwieser. Passionné par l'art mais comprenant au vu sa situation qu'il ne pourrait jamais avoir les moyens de se constituer une collection de premier plan, Stéphane Breitwieser avait commencé à voler des objets dans des salles de ventes puis chez des brocanteurs pour se faire la main. Ayant mis au point une technique de vol somme toute assez simple, il s'était ensuite attaqué à des musées en Suisse, où il travaillait comme saisonnier dans des restaurants dans des localités proches de la frontière française. Souvent accompagné par Anne-Catherine Kleinklauss qui se chargeait de faire le guet dans des musées, il a commis parfois plus de soixante pillages annuellement en s'intéressant surtout à des œuvres majeures des XVIIe et XVIIIe siècles, notamment des tableaux, des sculptures, de la vaisselle et des instruments de musique. Stéphane Breitwieser a ensuite élargi le champ de ses pillages en sévissant également en France, aux Pays-Bas, en Allemagne et en Belgique allant jusqu'à écumer trois à quatre musées par week-end. Il a souvent volé des objets et des tableaux de petite taille découpés au cutter dès que des gardiens avaient le dos tourné. Ces vols à répétition ont par ailleurs montré à quel point les systèmes d'alarme et de surveillance installés dans des musées paraissaient désuets. A Paris, il a commis des vols à la Salle Drouot et au Louvre des Antiquaires tandis que la liste de ses larcins à travers l'Europe s' est avérée incroyablement longue. Le 1er octobre 1995 à Baden-Baden, il s'est emparé du portrait de la princesse de Clèves par Lucas Cranach, en janvier 1996, il a subtilisé un violon du XVIIe siècle au musée des instruments de musique de Bâle, le 19 juillet 1996, il a dérobé avec une facilité étonnante le portrait de Madeleine de France reine d'Ecosse au Musée de Blois, aujourd'hui perdu. Le 1er août de la même année, il a volé le « Bal des Singes » de David Teniers puis le 5 août, « Le Pâtre endormi » de François Boucher, des tableaux qu'il a ensuite fait rentoiler et encadrer chez un encadreur de Mulhouse peu soupçonneux quant à leur provenance. Parmi les autres tableaux volés par cet amateur d'art peu ordinaire, il convient de signaler « Le Sens Caché des Fleurs » de Jan van Kessel à Tournai le 22 mars 1997, « La Fraude profite à son maître » de Pieter Brueghel à Anvers le 4 mai 1997, un paysage de Joos de Momper au musée de Menton le 19 juin 1999 et une sanguine d'Antoine Watteau représentant deux hommes et ce, en juillet de la même année au musée de Montpellier. C'est après avoir subtilisé un clairon du XVIIe au musée helvétique de Lucerne et y être revenu quelques jours plus tard, qu'un gardien l'a reconnu le 19 novembre 2001 et alerté la police qui l'a alors interpellé. Apprenant son arrestation et craignant un scandale qui entraînerait la perte de son emploi dans un hôpital en Suisse, sa mère a entrepris de détruire systématiquement les tableaux et dessins que son fils avait amassés chez elle et de faire disparaître dans le canal du Rhin le reste de ses rapines, quelque 110 pièces au moins qui heureusement ont pu être ensuite récupérées par la police.
Ce n'est que le sept jours après l'arrestation de son fils que les policiers helvétiques, munis d'une commission rogatoire internationale, ont pu se présenter au domicile de Mireille Breitwieser, trop tard toutefois puisque celui-ci avait été vidé de son contenu encombrant. Ignorant le geste stupide de sa mère, ce fou d'art dangereux a tout avoué en déclarant qu'une fois sa peine purgée il irait proposer ses services aux musées français et européens pour les aider à renforcer leur sécurité... La liste des musées européens pillés fait froid dans le dos puisqu'on en recense au moins 25 en France, une quinzaine en Suisse, trois aux Pays-Bas, huit en Belgique, un en Autriche, deux en Allemagne sans compter plusieurs châteaux dans la plupart de ces pays, des salons d'antiquaires comme celui de Maastricht et des salles de ventes. Quant à la mère de ce dangereux fou d'art, celle-ci a pris le parti devant les enquêteurs de charger son fils qui l'aurait battue chaque fois qu'elle lui reprochait son oisiveté tout en affirmant ignorer que les tableaux et objets entreposés chez elle étaient volés. Elle aurait cependant pu se poser des questions à leur sujet puisque celui-ci était sans le sou.
|
|