Une vieille affaire de tableau spolié par les nazis a été examinée par la cour d'appel de Pasadena (Californie) pour déterminer la propriété d'une toile de Camille Pissarro estimée à 30 millions de dollars qui avait été volée en 1939.
Titré "La Rue Saint-Honoré après-midi, effet de pluie", ce tableau avait appartenu à Lilly Cassirer et son mari, lesquels avaient dû s'en séparer à vil prix au moment de leur fuite d'Allemagne avant qu'il ne passe entre diverses mains pour finalement atterrir en 1993 dans la collection Thyssen-Bornemisza à Madrid.
En apprenant en 1999 que ce tableau se trouvait à Madrid, les héritiers du couple Cassirer avaient réclamé sa restitution sous la conduite de David, son petit-fils, mais la justice espagnole ne leur avait pas donné gain de cause.
En 2015, le tribunal du district central de Californie délivra un verdict en faveur du musée de Madrid en reconnaissant que la loi espagnole prévalait en la circonstance, nonobstant le fait que celui-ci avait exposé ce tableau suffisamment longtemps pour être considéré comme son propriétaire légal.
Néanmoins, le procureur général de Californie jugea en février dernier que le jugement devait être révisé en considération des souffrances subies par des familles juives durant la Seconde Guerre Mondiale et que les héritiers Cassirer devaient donc être rétablis dans leur bon droit.
Leur avocat a estimé que ce tableau devait être rendu par le musée espagnol au vu des exactions des nazis commises contre des juifs pour ne pas laisser la porte ouverte aux achats d'oeuvres volées. Selon ce dernier, la justice espagnole a donc omis de relever que le musée était indirectement complice d'une spoliation en ayant déjà pris connaissance du manque de provenance entre 1939 et 1976 du tableau au revers duquel se trouvait une étiquette déchirée mentionnant qu'il venait de Berlin.
Il a en outre accusé le musée d'avoir tenté d'égarer la justice à propos du passage de l'oeuvre à New York ou à Paris dans la galerie Stephen Hahn qui était connue pour avoir vendu des oeuvres spoliées par les nazis et à qui le baron Hans-Heinrich Bornemisza l'avait achetée en 1976 pour 275 000 dollars.
Pour le tribunal, la question a été de savoir si la loi espagnole ne bloquerait pas l'exportation du tableau, ce à quoi l'avocat des héritiers Cassirer a répondu que si cela serait le cas, rien n'empêchait les héritiers de réclamer un dédommagement conséquent.
L'avocat du musée a admis pour sa part que le tableau de Pissarro avait été bradé dans de pénibles circonstances en réfutant toutefois les arguments des plaignants selon lesquels l'institution serait complice d'un vol alors que la loi espagnole signale qu'être receleur d'un objet volé ne signifie pas une complicité en la matière.
Le tribunal a été informé que Lilly Cassirer, croyant que le tableau de Pissarro avait été détruit, avait reçu un paiement de 13 000 dollars à titre de compensation par le gouvernement allemand selon un accord signé en 1958 qui signifiait que l'oeuvre n'était plus considérée comme volée, ce que les plaignants ont vivement contesté.
Leur avocat a ainsi estimé que la justice espagnole avait ignoré les principes de Washington relatifs aux oeuvres d'art confisquées par les nazis ou d'autres provisions destinées à protéger les héritiers de victimes de l'Holocauste dans ce cas de figure alors que le gouvernement de Madrid avait signé ces décrets internationaux.
Le Metropolitan Museum de New York s'est retrouvé également embarqué depuis cinq ans dans une histoire similaire concernant cette fois le tableau de Pablo Picasso titré "L'Acteur" (1904-1905) estimé à 100 millions de dollars qui lui aussi fut vendu à vil prix lorsque son propriétaire fut forcé de fuir l'Allemagne nazie.
Laurel Zuckerman, la petite-nièce de l'homme d'affaires juif Paul Leffmann en charge de sa succession, a poursuivi le musée devant un tribunal de New York le 30 septembre 2016 en arguant que ce dernier avait été forcé de vendre sa maison et d'abandonner ses entreprises à Cologne en 1935 avant de se réfugier en Italie deux ans plus tard.
Leffman avait pu confier le tableau de Picasso à une connaissance qui lui avait permis de sauver une partie de ses biens en les mettant en lieu sûr en Suisse mais après que l'Italie eut mis en oeuvre une politique antisémite en 1938, ce dernier et son épouse s'étaient retrouvés obligés de réunir suffisamment d'argent pour fuir ce pays.
Leffman se vit donc contraint de céder le tableau de PIcasso pour 13 200 en dollars à deux marchands parisiens, Hugo Peris et Paul Rosenberg, en laissant au passage une commission de 1200 dollars à son intermédiaire pour pouvoir fuir avec Alice, son épouse, en Suisse puis au Brésil.
Selon leur petite-nièce, les Leffman ne se seraient jamais séparés de ce tableau à vil prix s'ils n'avaient pas été confrontés à une situation dramatique en étant obligés de fuir l'Allemagne et l'Italie tour à tour. Par la suite, Rosenberg avait prêté le tableau au Metropolitan en 1939 en l'assurant pour 18 000 dollars avant qu'il ne soit offert au musée en 1952 par Thelma Chrysler Foy qui l'avait acquis auprès de la galerie Knoedler pour 22 000 dollars en 1941.
Réclamant le tableau depuis 2010, Laurel Zuckerman a signalé que le Metropolitan avait donné une provenance erronée pour celui-ci en indiquant qu'il avait appartenu à un collectionneur anonyme allemand jusqu'en 1938 alors que Leffman l'avait acheté en 1912.
Répondant que la provenance du tableau avait été transmise par Peris, le musée a constamment refusé de le rendre en affirmant en être son propriétaire légal tout en reconnaissant les souffrances endurées par le couple Leffman de la part des nazis et du régime fasciste italien mais en estimant que l'oeuvre n'avait pas été volée par ces derniers mais vendue en 1938 à un prix au-dessus de celui du marché pour un Picasso.
L'avocat de Laurel Zuckerman a réfuté les dires du musée en affirmant que le tableau, abîmé sur 15 cm par un visiteur imprudent en 2010, n'aurait jamais été vendu par les Leffman s'ils n'avaient pas été confrontés à des persécutions.
Le 1er décembre, la Ville de Berlin a restitué aux héritiers du magnat de la presse Rudolf Mosse une sculpture de Reinhold Begas titrée Susanna réalisée en 1869 qui avait été volée par les nazis mais ceux-ci ont accepté de la prêter à la Alte Nationalgalerie.
Ayant été un des hommes les plus riches de Berlin au tournant du 20e siècle, Mosse avait souvent organisé des réceptions dans sa demeure remplie de tapisseries, d'oeuvres d'art et de tableaux signés notamment de Max Liebermann, Wilhelm Leibl, Hans Makart, ou Adolph von Menzel.
Ce fervent démocrate avait connu un énorme succès avec le journal berlinois Tagesblatt, repris après sa mort par Hans Lachmann, son beau-fils, qui fut forcé de fuir l'Allemagne nazie avec son épouse Felicia pour se réfugier en Suisse puis aux Etats-Unis.
Cette dernière avait hérité des collections de son père qui furent saisies et vendues aux enchères en 1934 après son départ précipité d'Allemagne et ce ne fut qu'en 2012 que les héritiers du couple s'avisèrent de réclamer les oeuvres disparues dont seulement huit ont pu être récupérées et restituées par les autorités allemandes en 2015.
CHRISTIE'S POURSUIVIE POUR VOL DE DONNEES
La maison de vente Heritage Auction de Dallas a porté plainte contre Christie's en l'accusant de détenir des bases de données volées à son insu par les opérateurs de la centrale Collectrium, rachetée pour 16 millions de dollars par cette dernière en 2015.
Affirmant que Collectrium avait détourné trois millions de résultats de ses ventes en les siphonnant de son site, Heritage Auction a réclamé au total 175 000 dollars pour chacun de ces listings en basant sa plainte sur la loi sur le copyright des bases de données
La maison de Dallas est notamment spécialisée dans la vente de monnaies anciennes, d'objets et de documents relatifs au sport et au show-business, de bandes dessinées et autres domaines où Christie's n'est toujours pas parvenue à rivaliser avec elle.
Ses responsables avait découvert en juillet 2016 un logiciel de piratage introduit sur sa base de données de son site via un compte partagé par David La Cross, le directeur du développement de Collectrium, pour copier illégalement des millions de résultats.