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Aller au musée, c'est respirer de l'art pur (Adrian Darmon)
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Le journal d'un fou d'art
Chapitre :
27 titres
XXIXème Chapitre
L'INSTITUT DE FRANCE N'A PAS ASSEZ DE SOUS
03 Août 2008 |
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Samedi 2 août 2008, cri d'alarme de Gabriel de Broglie, chancelier de l'Institut de France, qui s'est inquiété dans « Le Figaro » de la difficulté éprouvée par le Quai Conti d'assumer son patrimoine riche de nombreux domaines et demeures reçus en legs depuis le XIXe siècle.
En charge du château de Chantilly, du château de Langeais, du domaine de l'abbaye royale de Chaalis, du Musée Jacquemart-André, du Musée et de la Bibliothèque Marmottan-Monet, du Manoir de Kerazan, du château de Castries (Hérault), de la Maison Louis Pasteur à Arbois (Jura), du château d'Abbadia à Hendaye, des villas Kérylos et Ephrussi de Rothschild à Beaulieu et à Saint-Jean-Cap-Ferrat, du Musée Claude Monet à Giverny et de la Maison de l'Institut de France à Londres, l'institution a éprouvé des difficultés à gérer un important patrimoine constitué de bâtiments et de parcs pour lequel il lui a fallu dépenser 4 millions d'euros par an pour leur maintenance.
Selon Gabriel de Broglie, la situation n'a pas cessé de se dégrader. En cause, l'érosion des ressources due à l'inflation, l'augmentation des coûts d'entretien et la rentabilité décroissante des terres agricoles appartenant aux domaines gérés. Heureusement, pour assurer une bonne partie du financement de sa gestion, l'Institut de France a pu compter sur l'appui de mécènes tels que Suez, Generali ou l'Aga Khan qui est intervenu pour la sauvegarde de Chantilly mais d'autres chantiers importants devront être réalisés, notamment celui de la restauration en 2010-2011 de la galerie de peinture de ce château pour un coût de 4 millions d'euros, une somme que l'Institut aura du mal à trouver sans l'aide de nouveaux mécènes.
Dans l'après-midi, rencontre avec un chineur surnommé "Scoumoune", découvreur de magnifiques trésors depuis 40 ans mais resté sans cesse abonné aux déconvenues magistrales. Au début des années 1970, il avait trouvé dans le grenier d'une maison abandonnée de Saint-Denis tout un ensemble de lettres de la Guerre de Sécession signées de personnages célèbres tels le général Lee, le général Grant ou le Président Lincoln et revendu sa trouvaille pour 4000 francs de l'époque à un marchand de Saint-Ouen dont la fortune fut faite puisque ce lot valait au bas mot plus de dix millions de dollars…
« Scoumoune » aurait pu tirer la leçon d'un tel faux-pas mais en faisant ensuite des découvertes à profusion, ce chineur a chaque fois vu la chance le fuir en ne sachant pas comment s'y prendre pour les vendre à un juste prix ou parvenir à les faire authentifier par des experts, ce qui l'a amené à devenir hargneux et même à se sentir persécuté au fil du temps.
Un jour, il proposa un monotype de Gauguin à un groupe de vente mais au bout de quelques jours, on l'informa que le spécialiste pour cet artiste doutait de son authenticité, ce à quoi, au moment de le reprendre, il décida brutalement de le déchirer devant son interlocuteur médusé. Une autre fois, il mit en vente une huile signée d'Albert Marquet avant d'être averti peu avant la vacation qu'elle serait retirée faute de connaître sa provenance. Là encore, il détruisit l'œuvre sur place en décrétant que puisqu'elle n'était pas déclarée comme authentique, elle ne valait rien.
Au fil du temps, « Scoumoune » est devenu irascible et méfiant tout en imaginant toutefois qu'il finira bien par trouver des acheteurs argentés pour son magnifique dessin de Jean-Baptiste Millet, identique à celui conservé par un musée américain, le beau tableau de Renoir, le rare croquis de Van Gogh et les dizaines d'oeuvres exceptionnelles qu'il a chinées durant des années. Quand il s'est vu rétorquer que personne ne voudrait débourser un prix conséquent pour des pièces démunies de certificats d'authentification, il s'est quelque peu énervé puis s'en est pris brutalement aux experts, à son avis souvent peu fiables, et à certains marchands qui l'avaient roulé, comme celui auquel il avait vendu une superbe statue en bois peint en vert signée de Zadkine et qui lui avait promis une rallonge en cas d'authentification.
« Ce marchand parvint bien à faire authentifier cette statue mais lorsque je vins lui réclamer ma prime, il prétexta qu'il avait perdu le certificat pour ne rien me donner », s'est-il écrié sur un ton dépité. Bref, « Scoumoune» a plutôt mérité son surnom.
Lundi 4 août 2008, toujours autant d'annonces stupéfiantes de vendeurs sur E-Bay, deux d'entre eux, un basé à Londres et l'autre en Australie affublé du pseudo c20th-paintings proposant des oeuvres d'artistes majeurs à des prix ridicules, de quoi se poser d'emblée des questions sur leur authenticité.
Appelé pennyblack500, celui de Londres a ainsi mis en vente un collage de Ben Nicholson, une huile de Picasso avec un certificat d'authenticité sorti d'une pochette surprise, une huile de Van Gogh, pas moins, et un dessin abstrait d'Albert Gleizes. Celui-ci n'a pas eu peur de prendre les gens pour des imbéciles en estimant d'ailleurs qu'il y en aurait assez pour tomber dans le panneau.
Le vendeur d'Australie, qui a prétendu avoir trouvé ce qu'il proposait parmi un lot de peintures découvertes par hasard, une histoire bien trouvée pour appâter les rêveurs, a quant à lui mis en ligne une huile de Maximilien Luce, des aquarelles de Renoir, Raoul Dufy et Paul Klee ainsi qu'une huile de Massimo Campigli.
En regardant de plus près les photos de toutes ces oeuvres, un amateur averti aura vite compris que celles-ci ne sont que des faux grossièrement exécutés. Le plus incroyable est que des visiteurs d'E-Bay ont vite mis des enchères qui une fois terminées rapporteront à ce vendeur plus de 10 000 dollars. Voilà donc un moyen plutôt facile de se faire du fric, ce dernier ne risquant pas grand chose puisque les acheteurs déçus éprouveront du mal à le poursuivre en Australie.
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Samedi 2 août 2008, cri d'alarme de Gabriel de Broglie, chancelier de l'Institut de France, qui s'est inquiété dans « Le Figaro » de la difficulté éprouvée par le Quai Conti d'assumer son patrimoine riche de nombreux domaines et demeures reçus en legs depuis le XIXe siècle.
En charge du château de Chantilly, du château de Langeais, du domaine de l'abbaye royale de Chaalis, du Musée Jacquemart-André, du Musée et de la Bibliothèque Marmottan-Monet, du Manoir de Kerazan, du château de Castries (Hérault), de la Maison Louis Pasteur à Arbois (Jura), du château d'Abbadia à Hendaye, des villas Kérylos et Ephrussi de Rothschild à Beaulieu et à Saint-Jean-Cap-Ferrat, du Musée Claude Monet à Giverny et de la Maison de l'Institut de France à Londres, l'institution a éprouvé des difficultés à gérer un important patrimoine constitué de bâtiments et de parcs pour lequel il lui a fallu dépenser 4 millions d'euros par an pour leur maintenance.
Selon Gabriel de Broglie, la situation n'a pas cessé de se dégrader. En cause, l'érosion des ressources due à l'inflation, l'augmentation des coûts d'entretien et la rentabilité décroissante des terres agricoles appartenant aux domaines gérés. Heureusement, pour assurer une bonne partie du financement de sa gestion, l'Institut de France a pu compter sur l'appui de mécènes tels que Suez, Generali ou l'Aga Khan qui est intervenu pour la sauvegarde de Chantilly mais d'autres chantiers importants devront être réalisés, notamment celui de la restauration en 2010-2011 de la galerie de peinture de ce château pour un coût de 4 millions d'euros, une somme que l'Institut aura du mal à trouver sans l'aide de nouveaux mécènes.
Dans l'après-midi, rencontre avec un chineur surnommé "Scoumoune", découvreur de magnifiques trésors depuis 40 ans mais resté sans cesse abonné aux déconvenues magistrales. Au début des années 1970, il avait trouvé dans le grenier d'une maison abandonnée de Saint-Denis tout un ensemble de lettres de la Guerre de Sécession signées de personnages célèbres tels le général Lee, le général Grant ou le Président Lincoln et revendu sa trouvaille pour 4000 francs de l'époque à un marchand de Saint-Ouen dont la fortune fut faite puisque ce lot valait au bas mot plus de dix millions de dollars…
« Scoumoune » aurait pu tirer la leçon d'un tel faux-pas mais en faisant ensuite des découvertes à profusion, ce chineur a chaque fois vu la chance le fuir en ne sachant pas comment s'y prendre pour les vendre à un juste prix ou parvenir à les faire authentifier par des experts, ce qui l'a amené à devenir hargneux et même à se sentir persécuté au fil du temps.
Un jour, il proposa un monotype de Gauguin à un groupe de vente mais au bout de quelques jours, on l'informa que le spécialiste pour cet artiste doutait de son authenticité, ce à quoi, au moment de le reprendre, il décida brutalement de le déchirer devant son interlocuteur médusé. Une autre fois, il mit en vente une huile signée d'Albert Marquet avant d'être averti peu avant la vacation qu'elle serait retirée faute de connaître sa provenance. Là encore, il détruisit l'œuvre sur place en décrétant que puisqu'elle n'était pas déclarée comme authentique, elle ne valait rien.
Au fil du temps, « Scoumoune » est devenu irascible et méfiant tout en imaginant toutefois qu'il finira bien par trouver des acheteurs argentés pour son magnifique dessin de Jean-Baptiste Millet, identique à celui conservé par un musée américain, le beau tableau de Renoir, le rare croquis de Van Gogh et les dizaines d'oeuvres exceptionnelles qu'il a chinées durant des années. Quand il s'est vu rétorquer que personne ne voudrait débourser un prix conséquent pour des pièces démunies de certificats d'authentification, il s'est quelque peu énervé puis s'en est pris brutalement aux experts, à son avis souvent peu fiables, et à certains marchands qui l'avaient roulé, comme celui auquel il avait vendu une superbe statue en bois peint en vert signée de Zadkine et qui lui avait promis une rallonge en cas d'authentification.
« Ce marchand parvint bien à faire authentifier cette statue mais lorsque je vins lui réclamer ma prime, il prétexta qu'il avait perdu le certificat pour ne rien me donner », s'est-il écrié sur un ton dépité. Bref, « Scoumoune» a plutôt mérité son surnom.
Lundi 4 août 2008, toujours autant d'annonces stupéfiantes de vendeurs sur E-Bay, deux d'entre eux, un basé à Londres et l'autre en Australie affublé du pseudo c20th-paintings proposant des oeuvres d'artistes majeurs à des prix ridicules, de quoi se poser d'emblée des questions sur leur authenticité.
Appelé pennyblack500, celui de Londres a ainsi mis en vente un collage de Ben Nicholson, une huile de Picasso avec un certificat d'authenticité sorti d'une pochette surprise, une huile de Van Gogh, pas moins, et un dessin abstrait d'Albert Gleizes. Celui-ci n'a pas eu peur de prendre les gens pour des imbéciles en estimant d'ailleurs qu'il y en aurait assez pour tomber dans le panneau.
Le vendeur d'Australie, qui a prétendu avoir trouvé ce qu'il proposait parmi un lot de peintures découvertes par hasard, une histoire bien trouvée pour appâter les rêveurs, a quant à lui mis en ligne une huile de Maximilien Luce, des aquarelles de Renoir, Raoul Dufy et Paul Klee ainsi qu'une huile de Massimo Campigli.
En regardant de plus près les photos de toutes ces oeuvres, un amateur averti aura vite compris que celles-ci ne sont que des faux grossièrement exécutés. Le plus incroyable est que des visiteurs d'E-Bay ont vite mis des enchères qui une fois terminées rapporteront à ce vendeur plus de 10 000 dollars. Voilà donc un moyen plutôt facile de se faire du fric, ce dernier ne risquant pas grand chose puisque les acheteurs déçus éprouveront du mal à le poursuivre en Australie.
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