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« La couleur naturelle de la matière doit disparaître et autant que cela sera possible, sous une couche de couleur pure ou de non-couleur » (Mondrian)
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Le journal d'un fou d'art
Chapitre :
29 titres
XXVIème Chapitre
DES MIROIRS QUI NE LAISSENT PAS DE GLACE
26 Juin 2007 |
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Lundi 25 juin 2007, inauguration de la galerie des glaces, pas celle d'Häagen Dazs ou de Ben & Jerry dont les crèmes ont fait exploser les taux de cholestérol à travers la planète, mais du château de Versailles, une splendeur créée à l'instigation de Louis XIV qui voulait en faire la vitrine de la France et le reflet de sa gloire.Conçue entre 1678 et 1684, cette splendeur haute de 12,5 mètres, mesurant 73 mètres de long et 10,5 de large, avait été miraculeusement épargnée lors de la Révolution mais avait souffert des dommages du temps. Il aura fallu trois ans à une équipe de 120 personnes pour restaurer ses 357 glaces, 1000 ètres carrés de peintures, 20 lustres en bronze argentés et 1100 mètres carrés de marbres afin de lui restituer sa splendeur d'origine dans le cadre d'une opération de mécénat du groupe Vinci qui aura coûté 12 millions d'euros. Maintenant, face à ces miroirs devant lesquels nombre de personnages illustres vinrent se mirer, les visiteurs de Versailles ne resteront sûrement pas de glace... Mercredi 27 juin 2007, inquiétude matinale parmi les marchands du quartier Drouot suite à l'interpellation d'un confrère par des policiers de la Brigade financière et des agents des Douanes, ce qui n'a pas manqué de donner lieu à des rumeurs galopantes. De quoi aurait été coupable le galeriste en question ? Nul n'a pu apporter un éclairage précis à ce sujet alors que nombre de marchands ayant été en affaire avec ce dernier se sont mis à gamberger sur les retombées de son interpellation. Certains ont imaginé qu'il aurait pu être mêlé à une histoire de tableaux munis de fausses signatures et d'autres ont spéculé à propos d'une possible fraude à l'exportation vu que les douaniers ont participé à la perquisition de la galerie visée. Rumeurs, tu meurs. Dans le quartier, les murs répercutent vite les murmures. Vers midi, rencontre avec un commissaire-priseur, inquiet de l'avenir de Drouot, une grosse machine soumise à des ratés du fait que les groupes qui composent ses rouages ont un mal fou à travailler à l'unisson. Problème N°1: Les commissaires-priseurs sont nombreux à traîner des pieds pour participer au développement nécessaire de Drouot S.A parce que pour eux l'âge de la retraite approche et qu'il n'a plus semblé utile de faire des dépenses superflues. Problème N°2: L'Hôtel des ventes a été vraiment mal conçu avec des salles trop petites, donc sans cesse bondées, ce qui a poussé les acheteurs à moins s'y aventurer et à préférer utiliser le téléphone pour participer aux vacations qui les intéressent. Problème N°3: Paralysé par l'individualisme de la plupart des commissaires-priseurs, le groupe Drouot S.A n'a pas fait suffisamment d'efforts pour assurer sa promotion. Problème N°4: Les transactions en ligne d'E-Bay ont sérieusement concurrencé les ventes courantes à Drouot en réduisant le nombre de ses habitués. Problème N°5: Les maisons de vente étrangères Sotheby's et Christie's ont commencé à organiser elles-aussi des ventes courantes et draîné vers elles une partie de la clientèle de Drouot. Problème N°6: Les problèmes de Drouot ne datent pas d'aujourd'hui, ce qui fait qu'ils risquent de ne pas être résolus de sitôt... Jeudi 28 juin 2007, petit détour à Drouot où un marchand a fait grise mine en voyant partir à 20 000 euros un minable portrait de femme peint par Serge Gainsbourg du temps où pianiste de bar il rêvait encore à une carrière de peintre. La beauté des laids qui se voit sans délai possède une accroche splendide dans la célèbre chanson composée par Serge l'angoissé mais sûrement pas à travers ce portrait de petite bourgeoise croqué par un pinceau hésitant. On comprend mieux pourquoi il se sentit nul pour abandonner la peinture au profit de la musique qui le conduisit à la gloire et si le marchand en question a fait la tronche, c'est simplement parce qu'ayant eu ce tableau en main il y a quelques années, il n'était pas parvenu à le vendre pour l'équivalent de 2000 euros. Mais voilà, Gainsbourg est mort, ses oeuvres peintes sont excessivement rares et ses souvenirs sont devenus très recherchés. Quelques minutes plus tard, rencontre avec un brocanteur estomaqué d'avoir appris qu'une gouache du peintre russe Boris Grigorief mesurant 36 x 26 cm avait atteint 88 000 euros au marteau lors d'une vente aux enchères à Boulogne-Billancourt et de me rappeler qu'il y a à peine 15 ans de cela, un type avait acheté la maison du peintre et son atelier constitué de 250 tableaux et de plus de 1000 gouaches, dessins et aquarelles, un lot pour lequel il eut alors le plus grand mal à trouver des amateurs. "Personne ne voulait payer plus de 600 francs (90 euros) pour une huile de cet artiste, qui vaut désormais plus de 100 000 euros en vente, alors que ses gouaches se bradaient à 20 francs pièce (3 euros). Je crois que le gus qui avait acheté la maison et son contenu près de Nice a dû se mordre les doigts de ne pas avoir attendu le moment propice pour lâcher ses Grigoriev. Imaginez ce que peuvent valoir 250 toiles et 1000 oeuvres sur papier. Une fortune!!!", s'est-il exclamé en regrettant de ne pas avoir été sur le coup au début des années 1990. Vers 15 heures, une vente de tableaux anciens organisée par le groupe Rossini salle 10 a eu du mal à prendre son envol, notamment lorsqu'un triptyque de l'école aragonaise du XVe siècle, estimé à plus de 100 000 euros, n'a pas pu dépasser 78 000 euros. Par contre, le lot suivant, un triptyque bi-face d'après Memling, peint selon l'expert à la fin du XIXe siècle, s'est envolé à 25 000 euros, au quadruple de son estimation, à croire que les pompes bien torchées font plus d'effet que des originaux. Au même moment, un quidam dans l'assistance, a discrètement lâché un pet qui a empesté l'atmosphère et vraisemblablement asphyxié certains amateurs étant donné le nombre de tableaux anciens adjugés ensuite à des prix plutôt modestes. "Cuits, cuits, cuits, nous sommes cuits", s'est lamenté ce samedi 30 juin 2007 un locataire du marché Serpette de Saint-Ouen écroulé dans son fauteuil après avoir passé des week-ends à attendre en vain des clients pour ses objets en bronzes redorés qui naguère se vendaient à la pelle. Misère, misère, voilà des mois que le marché aux Puces a sombré dans une profonde apathie. Les Américains, qui auparavant y venaient en masse, ont préféré se fournir dans les grandes foires comme celle de Béziers et ne font plus de crochet par Paris. Manque de clients, manque de bonne camelote, manque d'argent pour trouver des choses valables, la boucle est bouclée tandis que dans les salles de vente, les pros sont devenus sélectifs pour n'acheter qu'à coup sûr de la marchandise destinée à des clients fidèles qui n'ont plus besoin de venir visiter leur boutique. Un coup de fil suffit pour vendre et nombre de marchands ont fini par lâcher leurs stands pour travailler de chez eux. D'autres ont choisi de mettre leurs objets en vente sur E-Bay pour sauver les meubles, ce qui signifie que le temps est fini où il suffisait de venir déballer ses dernières acquisitions à six heures du matin le vendredi pour se voir être assiégé par des acheteurs assoiffés. Aux Puces aujourd'hui, les marchands tuent le temps en jouant aux cartes, en lisant le journal ou en faisant la sieste tout en rêvant à des jours meilleurs. Même climat Rive Droite ou Rive Gauche où les galeries n'ont attiré qu'un maigre contingent de visiteurs au grand dam de leurs propriétaires qui ont dû puiser dans leurs économies ou mettre une partie de leurs stocks en vente à Drouot pour faire face à leurs charges. Les professionnels du marché des antiquités ont fini par s'appauvrir alors que ceux qui se sont spécialisés dans l'art contemporain ou le Design ont engrangé de plus en plus de bénéfices . Reflet de la société actuelle des nantis, l'art contemporain a eu le vent en poupe depuis le début de ce millénaire surtout après les incroyables records enregistrés à New York pour nombre d'artistes comme Andy Warhol, Damien Hirst, Marlene Dumas, Jeff Koons et autres qui ont eu pour effet d'entraîner le marché européen vers les sommets. A l'effet de mode s'est ajoutée la spéculation qui a souvent battu son plein alors que certaines entreprises ont bénéficié en France d'avantages fiscaux via des achats d'œuvres contemporaines, ce qui a eu pour effet de créer un boom dans ce secteur. Contrairement aux créations Art Déco qui ont été de nature à plaire à la génération des 30-50 ans, les meubles anciens ont fini par être snobés parce que trop lourds, pas assez esthétiques ou peu fonctionnels pour les possesseurs d'appartements modernes déjà marqués par la culture Ikea et attirés par les lignes épurées, un siège Knoll trouvant mieux sa place qu'une bergère Louis XV dans un intérieur d'aujourd'hui. Et puis, question de goût, les gens ont perdu le fil avec les traditions anciennes en étant aspirés par le maëlstrom de la consommation à tout va. Il y a 25 ans, il n'y avait pas de téléphone ou d'ordinateur portable, pas de consoles de jeux, d'i-pod ou d'autres gadgets électroniques qui deviennent obsolètes au bout d'un an dans ce qui est devenu la société du jetable. On vit dans le moment, on profite de l'instant et on passe à autre chose. L'art contemporain a ainsi cet avantage de refléter l'image du monde actuel et de correspondre à un art de vie basé sur le consumérisme tout en symbolisant la réussite d'un individu qui se veut « in ». Forcément, il y a une demande de la part des nouveaux nantis qui veulent épater la galerie, ce qui fait que les œuvres de Soulages, Martial Raysse, Rebeyrolle, Sam Szafran, Combas, Chu Teh Chun, Zao Wou Ki, Hantaï, César, Arman, Jean-Pierre Raynaud, Martin Barré, Gilles Aillaud, Vasarely, Erro ou Fromanger, pour ne citer que ceux-là, sont si recherchées à présent. Les prix n'ont pas cessé de monter pour l'art contemporain au point de susciter une spéculation plutôt malsaine et ce, au détriment d'œuvres du passé, comme les tableaux de petits maîtres des 17e et du 18e siècles ou ceux de l'école de Barbizon qui n'ont plus intéressé grand monde. Mais qu'on ne se trompe pas, une toile contemporaine qui se vend à plus de 20 000 euros aujourd'hui risque de connaître un jour le sort de ces tableaux pompiers qui s'arrachaient à prix d'or à la fin du 19e siècle avant de tomber dans l'oubli durant plus de 60 ans pour enfin redevenir prisés à la fin des années 1980. Comme l'art contemporain a cette rare faculté de pouvoir se renouveler sans cesse, rien ne dit que les peintres qui font des gros prix actuellement seront toujours au top du marché dans 20 ans. Il suffit aussi de se rappeler Vermeer et d'autres maîtres, célébrés en leur temps et relégués au placard durant deux siècles avant d'être redécouverts et à nouveaux encensés. Il en sera vraisemblablement de même pour des artistes de ce début du 21e siècle. Ainsi va le marché qui s'agite au gré des tendances… Mercredi 4 juillet 2007, fête de l'indépendance aux Etats-Unis et fête de la dépendance à l'Hôtel Drouot pour le chineur surnommé "Le Professeur" qui a bataillé pour un papier froissé de l'artiste Kijno qu'il a payé plus de 400 euros pour s'apercevoir ensuite qu'il s'agissait en fait d'une reproduction comme il était indiqué sur une fiche imprimée collée au dos de cette oeuvre qui ne valait tripette, ce que le groupe Tajan avait omis de signaler lors de la présentation de ce lot. Furieux d'avoir pris une banane, notre homme a dû attendre la fin de la vente pour porter réclamation. Dans la salle d'à côté, les habitués ont plutôt eu droit à une vacation ubuesque dirigée à un rythme de sénateur par M° Robert, que quelques brocanteurs goguenards ont surnommé le Mathusalem des commissaires-priseurs. Il est vrai que le brave homme à la crinière blanche a semblé avoir l'esprit ailleurs en se faisant plus d'une fois prier pour abattre son marteau.
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Lundi 25 juin 2007, inauguration de la galerie des glaces, pas celle d'Häagen Dazs ou de Ben & Jerry dont les crèmes ont fait exploser les taux de cholestérol à travers la planète, mais du château de Versailles, une splendeur créée à l'instigation de Louis XIV qui voulait en faire la vitrine de la France et le reflet de sa gloire.Conçue entre 1678 et 1684, cette splendeur haute de 12,5 mètres, mesurant 73 mètres de long et 10,5 de large, avait été miraculeusement épargnée lors de la Révolution mais avait souffert des dommages du temps. Il aura fallu trois ans à une équipe de 120 personnes pour restaurer ses 357 glaces, 1000 ètres carrés de peintures, 20 lustres en bronze argentés et 1100 mètres carrés de marbres afin de lui restituer sa splendeur d'origine dans le cadre d'une opération de mécénat du groupe Vinci qui aura coûté 12 millions d'euros. Maintenant, face à ces miroirs devant lesquels nombre de personnages illustres vinrent se mirer, les visiteurs de Versailles ne resteront sûrement pas de glace... Mercredi 27 juin 2007, inquiétude matinale parmi les marchands du quartier Drouot suite à l'interpellation d'un confrère par des policiers de la Brigade financière et des agents des Douanes, ce qui n'a pas manqué de donner lieu à des rumeurs galopantes. De quoi aurait été coupable le galeriste en question ? Nul n'a pu apporter un éclairage précis à ce sujet alors que nombre de marchands ayant été en affaire avec ce dernier se sont mis à gamberger sur les retombées de son interpellation. Certains ont imaginé qu'il aurait pu être mêlé à une histoire de tableaux munis de fausses signatures et d'autres ont spéculé à propos d'une possible fraude à l'exportation vu que les douaniers ont participé à la perquisition de la galerie visée. Rumeurs, tu meurs. Dans le quartier, les murs répercutent vite les murmures. Vers midi, rencontre avec un commissaire-priseur, inquiet de l'avenir de Drouot, une grosse machine soumise à des ratés du fait que les groupes qui composent ses rouages ont un mal fou à travailler à l'unisson. Problème N°1: Les commissaires-priseurs sont nombreux à traîner des pieds pour participer au développement nécessaire de Drouot S.A parce que pour eux l'âge de la retraite approche et qu'il n'a plus semblé utile de faire des dépenses superflues. Problème N°2: L'Hôtel des ventes a été vraiment mal conçu avec des salles trop petites, donc sans cesse bondées, ce qui a poussé les acheteurs à moins s'y aventurer et à préférer utiliser le téléphone pour participer aux vacations qui les intéressent. Problème N°3: Paralysé par l'individualisme de la plupart des commissaires-priseurs, le groupe Drouot S.A n'a pas fait suffisamment d'efforts pour assurer sa promotion. Problème N°4: Les transactions en ligne d'E-Bay ont sérieusement concurrencé les ventes courantes à Drouot en réduisant le nombre de ses habitués. Problème N°5: Les maisons de vente étrangères Sotheby's et Christie's ont commencé à organiser elles-aussi des ventes courantes et draîné vers elles une partie de la clientèle de Drouot. Problème N°6: Les problèmes de Drouot ne datent pas d'aujourd'hui, ce qui fait qu'ils risquent de ne pas être résolus de sitôt... Jeudi 28 juin 2007, petit détour à Drouot où un marchand a fait grise mine en voyant partir à 20 000 euros un minable portrait de femme peint par Serge Gainsbourg du temps où pianiste de bar il rêvait encore à une carrière de peintre. La beauté des laids qui se voit sans délai possède une accroche splendide dans la célèbre chanson composée par Serge l'angoissé mais sûrement pas à travers ce portrait de petite bourgeoise croqué par un pinceau hésitant. On comprend mieux pourquoi il se sentit nul pour abandonner la peinture au profit de la musique qui le conduisit à la gloire et si le marchand en question a fait la tronche, c'est simplement parce qu'ayant eu ce tableau en main il y a quelques années, il n'était pas parvenu à le vendre pour l'équivalent de 2000 euros. Mais voilà, Gainsbourg est mort, ses oeuvres peintes sont excessivement rares et ses souvenirs sont devenus très recherchés. Quelques minutes plus tard, rencontre avec un brocanteur estomaqué d'avoir appris qu'une gouache du peintre russe Boris Grigorief mesurant 36 x 26 cm avait atteint 88 000 euros au marteau lors d'une vente aux enchères à Boulogne-Billancourt et de me rappeler qu'il y a à peine 15 ans de cela, un type avait acheté la maison du peintre et son atelier constitué de 250 tableaux et de plus de 1000 gouaches, dessins et aquarelles, un lot pour lequel il eut alors le plus grand mal à trouver des amateurs. "Personne ne voulait payer plus de 600 francs (90 euros) pour une huile de cet artiste, qui vaut désormais plus de 100 000 euros en vente, alors que ses gouaches se bradaient à 20 francs pièce (3 euros). Je crois que le gus qui avait acheté la maison et son contenu près de Nice a dû se mordre les doigts de ne pas avoir attendu le moment propice pour lâcher ses Grigoriev. Imaginez ce que peuvent valoir 250 toiles et 1000 oeuvres sur papier. Une fortune!!!", s'est-il exclamé en regrettant de ne pas avoir été sur le coup au début des années 1990. Vers 15 heures, une vente de tableaux anciens organisée par le groupe Rossini salle 10 a eu du mal à prendre son envol, notamment lorsqu'un triptyque de l'école aragonaise du XVe siècle, estimé à plus de 100 000 euros, n'a pas pu dépasser 78 000 euros. Par contre, le lot suivant, un triptyque bi-face d'après Memling, peint selon l'expert à la fin du XIXe siècle, s'est envolé à 25 000 euros, au quadruple de son estimation, à croire que les pompes bien torchées font plus d'effet que des originaux. Au même moment, un quidam dans l'assistance, a discrètement lâché un pet qui a empesté l'atmosphère et vraisemblablement asphyxié certains amateurs étant donné le nombre de tableaux anciens adjugés ensuite à des prix plutôt modestes. "Cuits, cuits, cuits, nous sommes cuits", s'est lamenté ce samedi 30 juin 2007 un locataire du marché Serpette de Saint-Ouen écroulé dans son fauteuil après avoir passé des week-ends à attendre en vain des clients pour ses objets en bronzes redorés qui naguère se vendaient à la pelle. Misère, misère, voilà des mois que le marché aux Puces a sombré dans une profonde apathie. Les Américains, qui auparavant y venaient en masse, ont préféré se fournir dans les grandes foires comme celle de Béziers et ne font plus de crochet par Paris. Manque de clients, manque de bonne camelote, manque d'argent pour trouver des choses valables, la boucle est bouclée tandis que dans les salles de vente, les pros sont devenus sélectifs pour n'acheter qu'à coup sûr de la marchandise destinée à des clients fidèles qui n'ont plus besoin de venir visiter leur boutique. Un coup de fil suffit pour vendre et nombre de marchands ont fini par lâcher leurs stands pour travailler de chez eux. D'autres ont choisi de mettre leurs objets en vente sur E-Bay pour sauver les meubles, ce qui signifie que le temps est fini où il suffisait de venir déballer ses dernières acquisitions à six heures du matin le vendredi pour se voir être assiégé par des acheteurs assoiffés. Aux Puces aujourd'hui, les marchands tuent le temps en jouant aux cartes, en lisant le journal ou en faisant la sieste tout en rêvant à des jours meilleurs. Même climat Rive Droite ou Rive Gauche où les galeries n'ont attiré qu'un maigre contingent de visiteurs au grand dam de leurs propriétaires qui ont dû puiser dans leurs économies ou mettre une partie de leurs stocks en vente à Drouot pour faire face à leurs charges. Les professionnels du marché des antiquités ont fini par s'appauvrir alors que ceux qui se sont spécialisés dans l'art contemporain ou le Design ont engrangé de plus en plus de bénéfices . Reflet de la société actuelle des nantis, l'art contemporain a eu le vent en poupe depuis le début de ce millénaire surtout après les incroyables records enregistrés à New York pour nombre d'artistes comme Andy Warhol, Damien Hirst, Marlene Dumas, Jeff Koons et autres qui ont eu pour effet d'entraîner le marché européen vers les sommets. A l'effet de mode s'est ajoutée la spéculation qui a souvent battu son plein alors que certaines entreprises ont bénéficié en France d'avantages fiscaux via des achats d'œuvres contemporaines, ce qui a eu pour effet de créer un boom dans ce secteur. Contrairement aux créations Art Déco qui ont été de nature à plaire à la génération des 30-50 ans, les meubles anciens ont fini par être snobés parce que trop lourds, pas assez esthétiques ou peu fonctionnels pour les possesseurs d'appartements modernes déjà marqués par la culture Ikea et attirés par les lignes épurées, un siège Knoll trouvant mieux sa place qu'une bergère Louis XV dans un intérieur d'aujourd'hui. Et puis, question de goût, les gens ont perdu le fil avec les traditions anciennes en étant aspirés par le maëlstrom de la consommation à tout va. Il y a 25 ans, il n'y avait pas de téléphone ou d'ordinateur portable, pas de consoles de jeux, d'i-pod ou d'autres gadgets électroniques qui deviennent obsolètes au bout d'un an dans ce qui est devenu la société du jetable. On vit dans le moment, on profite de l'instant et on passe à autre chose. L'art contemporain a ainsi cet avantage de refléter l'image du monde actuel et de correspondre à un art de vie basé sur le consumérisme tout en symbolisant la réussite d'un individu qui se veut « in ». Forcément, il y a une demande de la part des nouveaux nantis qui veulent épater la galerie, ce qui fait que les œuvres de Soulages, Martial Raysse, Rebeyrolle, Sam Szafran, Combas, Chu Teh Chun, Zao Wou Ki, Hantaï, César, Arman, Jean-Pierre Raynaud, Martin Barré, Gilles Aillaud, Vasarely, Erro ou Fromanger, pour ne citer que ceux-là, sont si recherchées à présent. Les prix n'ont pas cessé de monter pour l'art contemporain au point de susciter une spéculation plutôt malsaine et ce, au détriment d'œuvres du passé, comme les tableaux de petits maîtres des 17e et du 18e siècles ou ceux de l'école de Barbizon qui n'ont plus intéressé grand monde. Mais qu'on ne se trompe pas, une toile contemporaine qui se vend à plus de 20 000 euros aujourd'hui risque de connaître un jour le sort de ces tableaux pompiers qui s'arrachaient à prix d'or à la fin du 19e siècle avant de tomber dans l'oubli durant plus de 60 ans pour enfin redevenir prisés à la fin des années 1980. Comme l'art contemporain a cette rare faculté de pouvoir se renouveler sans cesse, rien ne dit que les peintres qui font des gros prix actuellement seront toujours au top du marché dans 20 ans. Il suffit aussi de se rappeler Vermeer et d'autres maîtres, célébrés en leur temps et relégués au placard durant deux siècles avant d'être redécouverts et à nouveaux encensés. Il en sera vraisemblablement de même pour des artistes de ce début du 21e siècle. Ainsi va le marché qui s'agite au gré des tendances… Mercredi 4 juillet 2007, fête de l'indépendance aux Etats-Unis et fête de la dépendance à l'Hôtel Drouot pour le chineur surnommé "Le Professeur" qui a bataillé pour un papier froissé de l'artiste Kijno qu'il a payé plus de 400 euros pour s'apercevoir ensuite qu'il s'agissait en fait d'une reproduction comme il était indiqué sur une fiche imprimée collée au dos de cette oeuvre qui ne valait tripette, ce que le groupe Tajan avait omis de signaler lors de la présentation de ce lot. Furieux d'avoir pris une banane, notre homme a dû attendre la fin de la vente pour porter réclamation. Dans la salle d'à côté, les habitués ont plutôt eu droit à une vacation ubuesque dirigée à un rythme de sénateur par M° Robert, que quelques brocanteurs goguenards ont surnommé le Mathusalem des commissaires-priseurs. Il est vrai que le brave homme à la crinière blanche a semblé avoir l'esprit ailleurs en se faisant plus d'une fois prier pour abattre son marteau.
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