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"L'artiste original n'est pas celui qui imite un autre, c'est celui qu'on ne peut pas imiter" (Chateaubriand)
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Le journal d'un fou d'art
Les fous d'art, ivres de savoir et de découvertes, riches ou moins nantis et sans cesse à l'affût des nouvelles relatives au marché de l'art, forment une belle légion à travers le monde. Sans eux, ce marché n'aurait donc sûrement rien de légendaire. Depuis plus d'une quinzaine d'années, Adrian Darmon a donc rassemblé à travers plus de 2200 pages de multiples anecdotes souvent croustillantes sur les chineurs, amateurs et autres acteurs de cet univers plutôt incroyable et parfois impitoyable.
IIIème Chapitre
DES LETTRES QUI VALAIENT DE L'OR
01 Novembre 2000 |
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Et dire que récemment encore, on trouvait des choses inimaginables. Par exemple, au début des années 1970 un jeune chineur, qui frise maintenant la cinquantaine et se plaint maintenant sans cesse d'avoir loupé maintes occasion de faire fortune, eut l'idée de visiter une maison abandonnée à Saint-Denis. Gravissant les escaliers défoncés de cette demeure qui menaçait de s'écrouler, il parvint jusqu'au grenier et y découvrit une caisse offerte à la pluie qui tombait à travers un trou dans le toit. Il s'agenouilla près d'elle et remarqua qu'elle portait une étiquette au nom du Comte de Paris puis il l'ouvrit et y découvrit de larges feuilles aquarellées gorgées d'eau puis en dessous des liasses de lettres écrites en anglais. Il prit tout juste la peine d'essayer de déchiffrer les aquarelles lesquelles représentaient des lignes et des carrés bien structurées, en fait des plans de bataille avec des mentions de régiments mais elles étaient dans un tel état qu'il les froissa et les jeta dans un coin. Il se contenta des liasses de lettres et les ramena chez lui pour les examiner. Ses connaissances en anglais étaient nulles mais il remarqua que plusieurs d'entre elles portaient des signatures légendaires comme celles du général Lee, d'Ulysse Grant et d'Abraham Lincoln. Quelques jours plus tard, il fit affaire avec Monsieur K., un brocanteur, qui lui acheta ce lot relatif en fait à la Guerre de Sécession, en tout plus de 50 lettres, pour 4000 FF. Quelques années plus tard, il fut sidéré d'apprendre que le marchand les avaient revendues pour plusieurs millions de francs ! Quand on sait qu'une lettre de Lincoln vaut aujourd'hui plus de 60,000 dollars sur le marché, il y a de quoi se jeter par la fenêtre. En attendant, Patrice S. ressasse cette histoire sans arrêt dans sa tête et n'arrête pas de se lamenter sur le sort funeste des plans de la bataille de la bataille de Gettysburg qui auraient pu être restaurés et revendus à plus de 300,000 dollars la pièce. Devenu riche, le dénommé K. s'offrit plusieurs stands au marché aux Puces de Saint-Ouen et mena la grande vie mais étrangement, se suicida il y a quelques années. Patrice, quant à lui, continue de chiner comme un fou mais ne trouve toujours pas le trésor qui ferait enfin son bonheur. Il aurait dû garder son lot, faire traduire les lettres, restaurer les plans de bataille aquarellés puis contacter l'ambassade américaine à Paris afin de négocier avec la librairie du Congrès américain qui aurait probablement déboursé plus de 3 millions de dollars pour ces archives historiques. La plupart des chineurs commettent l'erreur de se débarrasser trop rapidement de leurs trouvailles. Soit, comme on dit dans le jargon du métier, ils «glissent» dessus, soit ils sont pris d'une peur irrépressible de devoir batailler contre les experts pour les faire reconnaître comme authentiques. Il faut savoir attendre et se consacrer à de minutieuses recherches pour établir des dossiers solides afin de parvenir à faire authentifier une découverte. Mais les chineurs sont en majorité des gens qui ont bizarrement un besoin d'argent pressant et se laissent aller à se débarrasser de leurs trésors en croyant faire sur l'instant une belle culbute comme lorsqu'il s'agit d'une pièce, achetée 50 francs et revendue pour 5,000 alors que celle-ci pourrait finalement être négociée à 100 000 et même plus. Comme je l'ai indiqué plus haut, la race des chineurs fous va probablement s'éteindre dans les vingt ans à venir car il ne restera plus grand chose à découvrir. C'est un fait irrémédiable et le terrain des trouvailles à faire se réduit comme peau de chagrin depuis que des milliers de personnes se servent d'Internet pour acheter et vendre des objets d'art. Voilà un des aléas de la diffusion de la connaissance…
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Et dire que récemment encore, on trouvait des choses inimaginables. Par exemple, au début des années 1970 un jeune chineur, qui frise maintenant la cinquantaine et se plaint maintenant sans cesse d'avoir loupé maintes occasion de faire fortune, eut l'idée de visiter une maison abandonnée à Saint-Denis. Gravissant les escaliers défoncés de cette demeure qui menaçait de s'écrouler, il parvint jusqu'au grenier et y découvrit une caisse offerte à la pluie qui tombait à travers un trou dans le toit. Il s'agenouilla près d'elle et remarqua qu'elle portait une étiquette au nom du Comte de Paris puis il l'ouvrit et y découvrit de larges feuilles aquarellées gorgées d'eau puis en dessous des liasses de lettres écrites en anglais. Il prit tout juste la peine d'essayer de déchiffrer les aquarelles lesquelles représentaient des lignes et des carrés bien structurées, en fait des plans de bataille avec des mentions de régiments mais elles étaient dans un tel état qu'il les froissa et les jeta dans un coin. Il se contenta des liasses de lettres et les ramena chez lui pour les examiner. Ses connaissances en anglais étaient nulles mais il remarqua que plusieurs d'entre elles portaient des signatures légendaires comme celles du général Lee, d'Ulysse Grant et d'Abraham Lincoln. Quelques jours plus tard, il fit affaire avec Monsieur K., un brocanteur, qui lui acheta ce lot relatif en fait à la Guerre de Sécession, en tout plus de 50 lettres, pour 4000 FF. Quelques années plus tard, il fut sidéré d'apprendre que le marchand les avaient revendues pour plusieurs millions de francs ! Quand on sait qu'une lettre de Lincoln vaut aujourd'hui plus de 60,000 dollars sur le marché, il y a de quoi se jeter par la fenêtre. En attendant, Patrice S. ressasse cette histoire sans arrêt dans sa tête et n'arrête pas de se lamenter sur le sort funeste des plans de la bataille de la bataille de Gettysburg qui auraient pu être restaurés et revendus à plus de 300,000 dollars la pièce. Devenu riche, le dénommé K. s'offrit plusieurs stands au marché aux Puces de Saint-Ouen et mena la grande vie mais étrangement, se suicida il y a quelques années. Patrice, quant à lui, continue de chiner comme un fou mais ne trouve toujours pas le trésor qui ferait enfin son bonheur. Il aurait dû garder son lot, faire traduire les lettres, restaurer les plans de bataille aquarellés puis contacter l'ambassade américaine à Paris afin de négocier avec la librairie du Congrès américain qui aurait probablement déboursé plus de 3 millions de dollars pour ces archives historiques. La plupart des chineurs commettent l'erreur de se débarrasser trop rapidement de leurs trouvailles. Soit, comme on dit dans le jargon du métier, ils «glissent» dessus, soit ils sont pris d'une peur irrépressible de devoir batailler contre les experts pour les faire reconnaître comme authentiques. Il faut savoir attendre et se consacrer à de minutieuses recherches pour établir des dossiers solides afin de parvenir à faire authentifier une découverte. Mais les chineurs sont en majorité des gens qui ont bizarrement un besoin d'argent pressant et se laissent aller à se débarrasser de leurs trésors en croyant faire sur l'instant une belle culbute comme lorsqu'il s'agit d'une pièce, achetée 50 francs et revendue pour 5,000 alors que celle-ci pourrait finalement être négociée à 100 000 et même plus. Comme je l'ai indiqué plus haut, la race des chineurs fous va probablement s'éteindre dans les vingt ans à venir car il ne restera plus grand chose à découvrir. C'est un fait irrémédiable et le terrain des trouvailles à faire se réduit comme peau de chagrin depuis que des milliers de personnes se servent d'Internet pour acheter et vendre des objets d'art. Voilà un des aléas de la diffusion de la connaissance…
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