|
Le journal d'un fou d'art
Les fous d'art, ivres de savoir et de découvertes, riches ou moins nantis et sans cesse à l'affût des nouvelles relatives au marché de l'art, forment une belle légion à travers le monde. Sans eux, ce marché n'aurait donc sûrement rien de légendaire. Depuis plus d'une quinzaine d'années, Adrian Darmon a donc rassemblé à travers plus de 2200 pages de multiples anecdotes souvent croustillantes sur les chineurs, amateurs et autres acteurs de cet univers plutôt incroyable et parfois impitoyable.
IIIème Chapitre
LABO…MINABLE
01 Novembre 2000 |
|
Les acheteurs deviennent de plus en plus enquiquinants dans les salles de ventes où les contestations ne cessent de se multiplier. J'en veux pour preuve la vente d'un tableau de l'école de Prudhon en septembre dernier dans la région de Toulouse. Le commissaire-priseur a présenté le tableau comme étant de «Prudhon et de son atelier» alors que le vendeur avait bien spécifié qu'il s'agissait du travail d'un élève de ce célèbre peintre de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle. Cette œuvre, ayant pour thème «L'amour et le repentir», assez belle mais craquelée fortement, car du bitume avait été utilisé comme médium, a atteint 20 000 FF au marteau et l'acheteur a cru alors réaliser l'affaire de sa vie étant donné qu'une œuvre authentique de Prudhon vaut au bas mot plus de 400 000 FF. Pour se constituer apparemment un dossier en vue d'une expertise, notre homme a soumis ce tableau à un laboratoire de la région parisienne qui a rendu un verdict plutôt surprenant, à savoir que l'analyse aurait révélé qu'une esquisse avait d'abord été ébauchée puis recouverte de vernis avant que le tableau ne soit complété et finalement reverni. Conclusion du laboratoire : il ne peut s'agir que de l'œuvre d'un faussaire. Fort de ce constat, l'acheteur a demandé à être remboursé et le commissaire-priseur s'est finalement résolu à satisfaire sa requête, surtout en raison du fait qu'il s'était imprudemment avancé dans son attribution. Il n'en reste pas moins qu'on n'a jamais vu un authentique Prudhon être adjugé pour seulement 20 000 FF aux enchères et que le responsable du laboratoire n'a pas fait dans la dentelle en affirmant que le tableau a été peint par un faussaire alors que celui-ci avait été exposé à la Galerie de Dresde en 1904 comme étant de Prudhon. Il est difficile de croire que les organisateurs de cette exposition étaient à ce point des ignares pour aller jusqu'à présenter un faux mais on peut néanmoins penser qu'ils auraient pu se tromper sur son authenticité puisque récemment l'expert de Prudhon a indiqué que l'œuvre en question avait plutôt été peinte par un élève, c'est à dire un copiste tout simplement. Il y a là une question de sémantique dans la balance car qui dit faussaire dit intention de tromper alors qu'un copiste, et à fortiori un élève du XIXe siècle, n'a pas eu la vocation de plagier. Résultat : le responsable du laboratoire, qui évoque la présence d'un vernis à craqueler là où les craquelures sont probablement dues à l'utilisation d'une substance bitumeuse, a adopté une position tendancieuse propre à créer une confusion regrettable risquant même d'aboutir à une action en justice surtout que la méthode d'application d'un vernis entre deux couches de peinture ne peut être considérée comme étant exclusivement propre à celle d'un faussaire. Dixit un spécialiste de la restauration ayant longtemps travaillé pour les musées nationaux. En fait, le commissaire-priseur a plutôt mal rédigé la description du lot vendu alors que de son côté, l'acheteur n'a pas été très fair-play en tentant d'obtenir le beurre et l'argent du beurre. Trouvez donc de belles huiles de Prudhon pour 20 000 FF ! Quant aux rares laboratoires opérant en France, au lieu de faire uniquement confiance à des techniciens pratiquant des analyses spectrographiques ou chimiques mais ayant peu de connaissances en histoire de l'art, ceux-ci feraient bien de faire appel à des spécialistes compétents, comme d'éminents restaurateurs, lesquels sont capables de déterminer les styles et méthodes de travail de nombreux peintres afin de délivrer des opinions incontestables. Il est parfois navrant de faire appel à des labos… minables…
|
|
Les acheteurs deviennent de plus en plus enquiquinants dans les salles de ventes où les contestations ne cessent de se multiplier. J'en veux pour preuve la vente d'un tableau de l'école de Prudhon en septembre dernier dans la région de Toulouse. Le commissaire-priseur a présenté le tableau comme étant de «Prudhon et de son atelier» alors que le vendeur avait bien spécifié qu'il s'agissait du travail d'un élève de ce célèbre peintre de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle. Cette œuvre, ayant pour thème «L'amour et le repentir», assez belle mais craquelée fortement, car du bitume avait été utilisé comme médium, a atteint 20 000 FF au marteau et l'acheteur a cru alors réaliser l'affaire de sa vie étant donné qu'une œuvre authentique de Prudhon vaut au bas mot plus de 400 000 FF. Pour se constituer apparemment un dossier en vue d'une expertise, notre homme a soumis ce tableau à un laboratoire de la région parisienne qui a rendu un verdict plutôt surprenant, à savoir que l'analyse aurait révélé qu'une esquisse avait d'abord été ébauchée puis recouverte de vernis avant que le tableau ne soit complété et finalement reverni. Conclusion du laboratoire : il ne peut s'agir que de l'œuvre d'un faussaire. Fort de ce constat, l'acheteur a demandé à être remboursé et le commissaire-priseur s'est finalement résolu à satisfaire sa requête, surtout en raison du fait qu'il s'était imprudemment avancé dans son attribution. Il n'en reste pas moins qu'on n'a jamais vu un authentique Prudhon être adjugé pour seulement 20 000 FF aux enchères et que le responsable du laboratoire n'a pas fait dans la dentelle en affirmant que le tableau a été peint par un faussaire alors que celui-ci avait été exposé à la Galerie de Dresde en 1904 comme étant de Prudhon. Il est difficile de croire que les organisateurs de cette exposition étaient à ce point des ignares pour aller jusqu'à présenter un faux mais on peut néanmoins penser qu'ils auraient pu se tromper sur son authenticité puisque récemment l'expert de Prudhon a indiqué que l'œuvre en question avait plutôt été peinte par un élève, c'est à dire un copiste tout simplement. Il y a là une question de sémantique dans la balance car qui dit faussaire dit intention de tromper alors qu'un copiste, et à fortiori un élève du XIXe siècle, n'a pas eu la vocation de plagier. Résultat : le responsable du laboratoire, qui évoque la présence d'un vernis à craqueler là où les craquelures sont probablement dues à l'utilisation d'une substance bitumeuse, a adopté une position tendancieuse propre à créer une confusion regrettable risquant même d'aboutir à une action en justice surtout que la méthode d'application d'un vernis entre deux couches de peinture ne peut être considérée comme étant exclusivement propre à celle d'un faussaire. Dixit un spécialiste de la restauration ayant longtemps travaillé pour les musées nationaux. En fait, le commissaire-priseur a plutôt mal rédigé la description du lot vendu alors que de son côté, l'acheteur n'a pas été très fair-play en tentant d'obtenir le beurre et l'argent du beurre. Trouvez donc de belles huiles de Prudhon pour 20 000 FF ! Quant aux rares laboratoires opérant en France, au lieu de faire uniquement confiance à des techniciens pratiquant des analyses spectrographiques ou chimiques mais ayant peu de connaissances en histoire de l'art, ceux-ci feraient bien de faire appel à des spécialistes compétents, comme d'éminents restaurateurs, lesquels sont capables de déterminer les styles et méthodes de travail de nombreux peintres afin de délivrer des opinions incontestables. Il est parfois navrant de faire appel à des labos… minables…
|
|