Les activités des fondeurs français de sculptures se sont amenuisées depuis ces trois dernières décennies pour ne laisser la place qu'à une poignée de maisons confrontées sans cesse à des difficultés pour survivre.Il y a un siècle pourtant, les fonderies françaises étaient les plus renommées au monde.
Il y a 130 ans, l'industrie du bronze occupait 7500 ouvriers dans 600 fabriques alors que 60 ans plus tôt, la profession s'était organisée en créant une "Réunion des fabricants de bronze" ayant pourobjectif de défendre les intérêts de ses membres et en particulier de lutter contre la contrefaçon (voir : http://www.au-bazar-du-luxe.com/s/39-Partenaires/).
Plus tard, pour lutter contre les multiplications inconsidérées d'œuvres en bronze et contre les faux des fondeurs comme Rudier, Hébrard et Valsuani furent les premiers à se décider de numéroter leurs tirages, chaque épreuve portant un numéro d'ordre et le chiffre total du tirage.
La liste des fondeurs et éditeurs de bronzes des XIXe et XXe siècle étant assez longue, parmi les plus importantes figurent ainsi la lignée des Thiébaut:
Installée rue du Faubourg-Saint-Denis l'entreprise familiale Thiébaut fabriquait à l'origine des cylindres de cuivre destinés à l'impression de tissus. C'est sous la direction de Victor Thiébaut que démarra véritablement l'activité de fondeur avec la création, en 1851, d'une fonderie spécifiquement destinée à la fonte de bronzes d'art. Celle-ci commença par produire des fontes brutes, confiées à Barbedienne ou à d'autres fondeurs pour la finition. Par la suite Victor Thiébaut obtint des contrats d'édition avec différents sculpteurs renommés : David d'Angers (La Liberté et 548 médaillons, proposés par la suite à la clientèle entre 7,50 et 30 francs), Carpeaux (Le Pêcheur à la coquille), Diéboit (La France rémunératrice), Falguière (Le Vainqueur au combat de coqs), Carrier-Belleuse (Le Baiser d'une mère) Paul Dubois, Moulin, Ottin, Cumberworth, et Pradier. La maison produisit également des vases, des coupes et des accessoires pour cheminées. En 1864, Thiébaut racheta les contrats de la fonderie Eck et Durand lorsque celle-ci cessa ses activités. La maison réalisa également quelques fontes monumentales comme le Saint Michel terrassant le Dragon par Duret pour la fontaine Saint Michel à Paris et le Napoléon Ier par Dumont pour la colonne Vendôme.
Devenu progressivement aveugle, Victor Thiébaut confia en 1870 son activité à ses trois fils Victor (1849-1908), Jules (1854-1898), et Henri qui était également sculpteur (1855-1899). Après avoir fabriqué des armes pendant la guerre, l'entreprise déménagea en 1877 au 32 de la rue de Villiers puis ouvrit un magasin au numéro 32 de l'Avenue de l'Opéra. Durant cette période, celle-ci participa à de très nombreuses expositions et réalisa nombre de pièces monumentales remarquables : Gloria Victis par Mercié, le monument dédié à la Défense de Paris par Barrias, la statue d'Alexandre Dumas Père par Gustave Doré et, par le même artiste, le vase colossal de la Vigne (aujourd'hui au musée de San Francisco), la statue d'Etienne Marcel par Idrac pour l'hôtel de Ville, la statue de la République par Morice, celle de Charlemagne par les frères Marquet, et la réduction de la statue de Liberté par Bartholdi pour le pont de Grenelle. Resté seul après la mort de ses deux frères, Victor Thiébaut junior réalisa également la fonte de la statue du Triomphe de la République par Dalou qui orne la place de la Nation. Il céda ensuite une partie de son entreprise à Fumière et Gavignot qui ajoutèrent leur marque à la sienne. En 1898, Rodin signa avec cette entreprise les contrats d'édition de son Saint Jean Baptiste et de sa Jeunesse triomphante, en plusieurs dimensions. En 1901, Victor Thiébaut se retira de la société après l'avoir vendue à Gasne. En 1926, la société cessa toute activité après être passée entre plusieurs mains, Malasset, Fulda puis Fumière, ce dernier s'étant réservé le droit de continuer à utiliser la marque "Thiébaut frères".