Les activités des fondeurs français de sculptures se
sont amenuisées depuis ces trois dernières décennies pour ne laisser la place
qu'à une poignée de maisons confrontées sans cesse à des difficultés pour
survivre.Il y a un siècle pourtant, les fonderies françaises étaient les plus renommées au monde.
Il y a 130
ans, l'industrie du bronze occupait 7500 ouvriers dans 600 fabriques alors que
60 ans plus tôt, la profession s'était organisée en créant une "Réunion
des fabricants de bronze" ayant pourobjectif de défendre les intérêts de ses membres et en particulier de
lutter contre la contrefaçon (voir : http://www.au-bazar-du-luxe.com/s/39-Partenaires/).
Plus tard, pour lutter contre les multiplications
inconsidérées d'œuvres en bronze et contre les faux des fondeurs comme Rudier,
Hébrard et Valsuani furent les premiers à se décider de numéroter leurs
tirages, chaque épreuve portant un numéro d'ordre et le chiffre total du
tirage.
La liste des fondeurs et éditeurs de bronzes des XIXe
et XXe siècle étant assez longue, parmi les plus importantes figure ainsi la maison Barbedienne :
Barbedienne fut une
entreprise créée parFerdinand Barbedienne (1810-1892)
fils d'un modeste cultivateur du Calvados qui avait d'abord fait sa fortune dans
les papiers peints avant de s'associer, en 1838, avec le mécanicien Achille
Collas (1795-1859) lequel venait d'inventer un procédé de reproduction des
statues à plus petite échelle. Tous deux créèrent également de nouveaux procédés
de coloration et de patine pour les sculptures en bronze. En 1839, fut fondée la maison "Collas et
Barbedienne" qui reproduisit en bronze la plupart des statues des
grands musées d'Europe. En 1847, la maison établit une fonderie à Paris
mais marqua un temps le pas lors de la révolution de 1848 avant de connaître un
développement sans cesse continu jusqu'à la fin du siècle. Cette maison produisit en
outre diverses pièces décoratives comme des chandeliers et des accessoires de
cheminée. Ayant son siège au 30 du Boulevard Poissonnière et ses ateliers au
63 de la rue de Lancry, Barbedienne participa en 1851 à l'Exposition
Universelle de Londres en présentant une réduction des portes du baptistère de
Florence par Ghiberti. En 1850 la maison travailla aussi pour l'hôtel de Ville
et réalisa des candélabres en bronze pour l'empereur Napoléon III. De 1860 aux
années 1890, Barbedienne expérimenta de nouvelles techniques dans le domaine de
l'émail champlevé et de l'émail cloisonné dans le but de concurrencer les importations
japonaises alors très recherchées.
A la mort de Collas, en 1859, l'entreprise employait
300 personnes et proposait 1200 modèles dans son catalogue, notamment des
répliques d'œuvres de Michel-Ange ou Antoine-Louis
Barye, pour ne citer que ces artistes aussi bien que des bustes de personnages illustres. Resté seul à la tête
de l'entreprise, Ferdinand Barbedienne assura notamment la présidence du Comité des
Industries du Bronze de 1865 à 1885. Lors de la guerre de 1870, l'entreprise
travailla pour le ministère de la Défense Nationale en fabriquant 70 canons.La
guerre terminée, elle se développa grandement et trouva de nouveaux débouchés à
l'étranger. A la mort de Ferdinand Barbedienne, le 21mars 1892, elle comptait un effectif de plus de 600 employés.
Son neveu et successeur, Gustave Leblanc-Barbedienne,
entreprit ensuite de faire fabriquer de grosses pièces, tant dans le domaine des bronzes
monumentaux que pour les reproductions. Il eut aussi le mérite de signer notamment un contrat avec
Rodin en s'assurant l'exclusivité d'œuvres comme le"Printemps éternel" et " Le Baiser"
pour une période de vingt ans et réalisa également en 1895 la fonte des
premières épreuves des célèbres "bourgeois de Calais". Le
nombre d'œuvres de toutes dimensions sorties des ateliers Barbedienne fut impressionnantsans compter qu'elles étaient toutes d'une qualité
exceptionnelle. En 1913, Barbedienne étendit son activité en ouvrant une
succursale à Berlin ainsi que des bureaux pour la diffusion de ses
créations en Grande Bretagne et aux États-Unis. Toutefois, après la
Première Guerre Mondiale, l'activité de la maison commença à baisser en raison du changement
brutal du goût du public mais elle sauva les meubles durant un temps
en réalisant de nombreux monuments commémorant le souvenir du conflit. Néanmoins, à partir des années
1930, sa production se mit à péricliter, ce qui finalement conduisit à sa fermeture
en décembre1954.
Au vu de ses innombrables catalogues, la fonderie
Barbedienne fut certainement la prolifique de toutes les maisons françaises de
la seconde moitié du XIXe à la première moitié du XXe siècle. En dehors du
domaine de la sculpture, elle réalisa aussi nombre de pièces d'ameublement, des
objets émaillés, des accessoires de cheminées et même des pendules.