« Le peintre fauve doit s'efforcer de traduire la sensation non en l'analysant comme l'impressionnisme mais en l'exprimant brutale et non dégrossie » (Les Fauves)
Christie's a
enregistré un total historique de 638,6 millions de dollars (frais compris)
pour ses ventes d'art d'après-guerre et contemporain qui se sont tenues à New
York entre le 13 et le 16 mai 2013, un résultat propre à faire du marché de
l'art un domaine paradisiaque à l'abri de la crise qui frappe la planète.
Christie's a donc eu
de quoi se frotter les mains sauf que les enchères plutôt folles enregistrées
pour des œuvres de Jackson Pollock, Roy Lichtenstein, Jean-Michel Basquiat et
d'autres artistes dont les cotes ont subitement explosé masquent une réalité
plutôt simple, à savoir que le sommet du marché ne concerne en fait que quelque
300 millionnaires russes, asiatiques, américains, moyen-orientaux ou européens
qui s'amusent à qui mieux-mieux faire exploser les compteurs pour fausser la donne.
Naguère, le marché de
l'art reposait à 10% sur les ventes prestigieuses et à 90% sur les achats
d'amateurs dont le budget moyen annuel ne dépassait pas 150 000 dollars. Désormais, la courbe s'est brutalement inversée en faveur des nantis misant
sur des artistes majeurs dans le seul but d'asseoir leur position sociale et
aussi de spéculer.
Christie's a beau se
gausser d'avoir enregistré 37 nouveaux records mondiaux au cours de ses
vacations, il n'en reste pas moins que la récession a exercé ses ravages sur le
marché avec pour résultat la fermeture de nombreuses galeries de moyenne
importance, un recul significatif des ventes courantes et un affaiblissement du
contingent des collectionneurs classiques frappés par une baisse de leur
pouvoir d'achat.
Pour les millionnaires
de la planète, l'art contemporain est un domaine bien plus facile à appréhender que
les autres du fait qu'ils n'ont pas à trop se fatiguer pour se renseigner sur des artistes vivants ou disparus depuis moins de 40 ans sans
compter qu'ils peuvent en outre s'appuyer sur les avis de conseillers quant à
choisir ceux qui sont en pointe sur le marché. De plus, l'art contemporain
représente un réservoir inépuisable alimenté par de nouveaux venus dont les
cotes sont habilement montées.
Il est ainsi assez facile de miser sur des artistes comme Warhol, Pollock, Lichtenstein, Rothko,
De Kooning, Johns, Bacon, Freud du fait d'une offre importante de leurs œuvres à vendre sur le marché plutôt que sur des maîtres anciens des XVIe, XVIIe ou
XVIIIe siècle dont les plus belles toiles sont pour la plupart dans des musées.
Il est aussi moins compliqué
de déterminer la valeur d'une œuvre d'art contemporain en fonction des prix
pratiqués dans les grandes galeries et des enchères enregistrées dans des
ventes sans oublier que les créations dans ce domaine correspondent plus aux
goûts actuels des acheteurs nantis qui sont en majorité dépourvus de connaissances en
matière d'histoire de l'art.
Le plus dramatique est
de constater que les nouveaux soi-disant collectionneurs qui bataillent à coups
de millions de dollars dans les ventes de Christie's, Sotheby's ou Phillips
sont des ignares qui ont fait du marché de l'art leur chasse gardée tandis que
les véritables amoureux de l'art sont devenus des laissés pour compte.
Friande de nouvelles
sensationnelles, la presse ne retient ainsi que les records pour s'esbaudir de
bilans faramineux sans se rendre compte que le marché de l'art gravite
désormais dans une autre dimension alors que nombre de marchands sont confrontés
à une situation effrayante avec une baisse infernale de leurs chiffres
d'affaires.
Pendant ce temps-là,
des millionnaires s'amusent à placer leurs billes sans hésitation dans des
œuvres devenues sur-cotées en pensant réaliser des placements juteux sans
songer un instant qu'une aggravation de la crise économique mondiale pourrait à
leur tour les atteindre.
Les 58,363,750 millions de
dollars pour Number 19, 1948 de Jackson Pollock, les 56,123,750 pour Woman with Flowered Hat de Roy Lichtenstein, les 48,843,750 dollars
pour Dustheads de Jean-Michel Basquiat, les 25,883,750 dollars pour « ToFellini »
de Philip Guston ou les 14,123,750 dollars pour « Achrome » de
Piero Manzoni ne sont rien d'autres que des scores qui dépassent l'imagination du commun des
mortels qui s'estimerait déjà vraiment riche en disposant de telles sommes.
On peut à la limite imaginer que ces résultats
sont conformes à la stature de ces artistes mais il y a de quoi rester dubitatif au sujet des 6,510,000
dollars obtenus pour « Untitled » (Standard Lotus N°II, Bird of
Paradise, Tiger Mouth Face 44.01) de Mark Grotjahn, des 4,603,750 dollars
enregistrés pour « Retpistics. A Renegade Excavation » de Julie
Mehretu, des 1,785,000 dollars pour «The Skin Speaks a Language Not its
own » de Bharti Kher, des 1,785,000 dollars pour “Sp 231” de Sterling
Ruby, des 1,575,000 dollars pour “No Title” (The Lower Half) de Raymond
Petitbon, des 1,443,750 dollars pour “Untitled”S.108 Hanging,
Six-Lobed, Multi-Layered Continuous Form…) de Ruth Asawa, des
1,179,750 dollars pour « Another Plot » d'El Anatsui, des 987,750
dollars pour “De Luxe” d'Ellen Gallagher, des 714,000 dollars pour « To be
titled » de Dan Colen ou « Queen Beef » de Mark Ryden, des
682,500 dollars pour « Muggles » de Joe Bradley, des 603,750 dollars
pour « Hornet » de Michael Borremans, des 327,750 dollars pour
« Cathedral » de Bob Thompson, des 315,000 dollars pour
« Untitled » de Carol Bove ou « Percival » de Ken Price ou
des 262,000 dollars pour « Untitled » de Sergej Jensen, des artistes seulement connus des spécialistes très avertis.
Seul le marché de l'art contemporain peut nous
offrir des résultats dépassant l'entendement mais qui par ricochet
suscitent des interrogations propres à rester sans réponse sauf que dans ce
domaine, les acheteurs semblent rouler avec des pneus sur-gonflés avec le
risque de se payer une sacrée sortie de route.
Adrian Darmon
Christie's a
enregistré un total historique de 638,6 millions de dollars (frais compris)
pour ses ventes d'art d'après-guerre et contemporain qui se sont tenues à New
York entre le 13 et le 16 mai 2013, un résultat propre à faire du marché de
l'art un domaine paradisiaque à l'abri de la crise qui frappe la planète.
Christie's a donc eu
de quoi se frotter les mains sauf que les enchères plutôt folles enregistrées
pour des œuvres de Jackson Pollock, Roy Lichtenstein, Jean-Michel Basquiat et
d'autres artistes dont les cotes ont subitement explosé masquent une réalité
plutôt simple, à savoir que le sommet du marché ne concerne en fait que quelque
300 millionnaires russes, asiatiques, américains, moyen-orientaux ou européens
qui s'amusent à qui mieux-mieux faire exploser les compteurs pour fausser la donne.
Naguère, le marché de
l'art reposait à 10% sur les ventes prestigieuses et à 90% sur les achats
d'amateurs dont le budget moyen annuel ne dépassait pas 150 000 dollars. Désormais, la courbe s'est brutalement inversée en faveur des nantis misant
sur des artistes majeurs dans le seul but d'asseoir leur position sociale et
aussi de spéculer.
Christie's a beau se
gausser d'avoir enregistré 37 nouveaux records mondiaux au cours de ses
vacations, il n'en reste pas moins que la récession a exercé ses ravages sur le
marché avec pour résultat la fermeture de nombreuses galeries de moyenne
importance, un recul significatif des ventes courantes et un affaiblissement du
contingent des collectionneurs classiques frappés par une baisse de leur
pouvoir d'achat.
Pour les millionnaires
de la planète, l'art contemporain est un domaine bien plus facile à appréhender que
les autres du fait qu'ils n'ont pas à trop se fatiguer pour se renseigner sur des artistes vivants ou disparus depuis moins de 40 ans sans
compter qu'ils peuvent en outre s'appuyer sur les avis de conseillers quant à
choisir ceux qui sont en pointe sur le marché. De plus, l'art contemporain
représente un réservoir inépuisable alimenté par de nouveaux venus dont les
cotes sont habilement montées.
Il est ainsi assez facile de miser sur des artistes comme Warhol, Pollock, Lichtenstein, Rothko,
De Kooning, Johns, Bacon, Freud du fait d'une offre importante de leurs œuvres à vendre sur le marché plutôt que sur des maîtres anciens des XVIe, XVIIe ou
XVIIIe siècle dont les plus belles toiles sont pour la plupart dans des musées.
Il est aussi moins compliqué
de déterminer la valeur d'une œuvre d'art contemporain en fonction des prix
pratiqués dans les grandes galeries et des enchères enregistrées dans des
ventes sans oublier que les créations dans ce domaine correspondent plus aux
goûts actuels des acheteurs nantis qui sont en majorité dépourvus de connaissances en
matière d'histoire de l'art.
Le plus dramatique est
de constater que les nouveaux soi-disant collectionneurs qui bataillent à coups
de millions de dollars dans les ventes de Christie's, Sotheby's ou Phillips
sont des ignares qui ont fait du marché de l'art leur chasse gardée tandis que
les véritables amoureux de l'art sont devenus des laissés pour compte.
Friande de nouvelles
sensationnelles, la presse ne retient ainsi que les records pour s'esbaudir de
bilans faramineux sans se rendre compte que le marché de l'art gravite
désormais dans une autre dimension alors que nombre de marchands sont confrontés
à une situation effrayante avec une baisse infernale de leurs chiffres
d'affaires.
Pendant ce temps-là,
des millionnaires s'amusent à placer leurs billes sans hésitation dans des
œuvres devenues sur-cotées en pensant réaliser des placements juteux sans
songer un instant qu'une aggravation de la crise économique mondiale pourrait à
leur tour les atteindre.
Les 58,363,750 millions de
dollars pour Number 19, 1948 de Jackson Pollock, les 56,123,750 pour Woman with Flowered Hat de Roy Lichtenstein, les 48,843,750 dollars
pour Dustheads de Jean-Michel Basquiat, les 25,883,750 dollars pour « ToFellini »
de Philip Guston ou les 14,123,750 dollars pour « Achrome » de
Piero Manzoni ne sont rien d'autres que des scores qui dépassent l'imagination du commun des
mortels qui s'estimerait déjà vraiment riche en disposant de telles sommes.
On peut à la limite imaginer que ces résultats
sont conformes à la stature de ces artistes mais il y a de quoi rester dubitatif au sujet des 6,510,000
dollars obtenus pour « Untitled » (Standard Lotus N°II, Bird of
Paradise, Tiger Mouth Face 44.01) de Mark Grotjahn, des 4,603,750 dollars
enregistrés pour « Retpistics. A Renegade Excavation » de Julie
Mehretu, des 1,785,000 dollars pour «The Skin Speaks a Language Not its
own » de Bharti Kher, des 1,785,000 dollars pour “Sp 231” de Sterling
Ruby, des 1,575,000 dollars pour “No Title” (The Lower Half) de Raymond
Petitbon, des 1,443,750 dollars pour “Untitled”S.108 Hanging,
Six-Lobed, Multi-Layered Continuous Form…) de Ruth Asawa, des
1,179,750 dollars pour « Another Plot » d'El Anatsui, des 987,750
dollars pour “De Luxe” d'Ellen Gallagher, des 714,000 dollars pour « To be
titled » de Dan Colen ou « Queen Beef » de Mark Ryden, des
682,500 dollars pour « Muggles » de Joe Bradley, des 603,750 dollars
pour « Hornet » de Michael Borremans, des 327,750 dollars pour
« Cathedral » de Bob Thompson, des 315,000 dollars pour
« Untitled » de Carol Bove ou « Percival » de Ken Price ou
des 262,000 dollars pour « Untitled » de Sergej Jensen, des artistes seulement connus des spécialistes très avertis.
Seul le marché de l'art contemporain peut nous
offrir des résultats dépassant l'entendement mais qui par ricochet
suscitent des interrogations propres à rester sans réponse sauf que dans ce
domaine, les acheteurs semblent rouler avec des pneus sur-gonflés avec le
risque de se payer une sacrée sortie de route.