Les redécouvertes d'oeuvres magistrales se font rares à mesure que le temps passe et il faut une sacrée veine pour y parvenir. Récemment, c'est un exceptionnel Titien oublié qui a refait surface et qui sera vendu aux enchères le 13 novembre 2013 à Paris par le groupe Europauction.
Estimée en 1,2 et 1,5 millions d'euros, l''œuvre en question datant de 1568 et titrée "Le denier de César" est en fait la 3e et ultime version produite par le célèbre peintre vénitien, considéré comme un génie du XVIe siècle.
Ayant figuré dans les collections de Sébastien Erard et du Baron de Bully, elle fut acquise par le célèbre collectionneur autrichien du XIXe siècle Charles Sedelmeyer avant de rejoindre en 1907 une collection particulière en Suisse puis une collection italienne en 1997 pour rester ensuite ignorée du marché avant qu'Andrea Donati, l'expert du Titien, ne confirme l'authenticité de ce tableau que le peintre conserva pour lui-même jusqu'à sa mort.
Très peu représenté à la Renaissance, le thème du Denier de César est tiré des Evangiles (Matthieu 22, 21-Marc 12,17- Luc 20, 25) relatant un épisode mémorable de la Prédication de Jésus en Galilée. A un pharisien qui lui demanda s'il fallait payer l'impôt à César, Jésus pointa le doigt au ciel en délivrant sa célèbre formule: « Rendre à César ce qui est à César et à Dieu, ce qui est à Dieu ».
Dans ce tableau très abouti, Titien a démontré tout son talent en jouant avec la matière épaisse et en jonglant avec la lumière en montrant un Christ lumineux face à un interlocuteur plutôt tourmenté tout en apportant à cette troisième version une touche qui la différencie des deux autres qu'il avait précédemment exécutées. Ici, il n'est nullement question de réplique mais d'une volonté du Titien qui fut non seulement de satisfaire son commanditaire mais aussi de sublimer son style amélioré savamment avec le temps.
Titien peignit sa première version du "Denier de César" en 1516 pour Alphonse Ier d'Este, Duc de Ferrare, de Modène et Reggio d'Emilie maintenant conservée à la Gemäldegalerie Alte Meister de Dresde. Il attendit 50 ans pour réaliser la deuxième, plus proche de celle qui sera vendue par Europauction, pour le roi d'Espagne Philippe II, roi d'Espagne, lequel la destina au Monastère de Saint Laurent de l'Escurial en 1568 et qui aujourd'hui se trouve à la National Gallery de Londres depuis 1852.
Chrétien convaincu, Titien préféra se concentrer au message évangélique dans cette ultime version d'une belle fraîcheur plutôt que de suggérer comme il le fit dans les précédentes la vieille querelle qui opposa le Pape aux Médicis pour alors mettre l'accent sur la conscience religieuse des individus de son temps afin d'interpeller l'homme sur la réalité de sa propre nature.