Les récentes ventes de tableaux maîtres des 15e au 18e siècle et et d'oeuvres impressionnistes organisées à Londres ou à New York en janvier et février 2014 ont semblé confirmé le retour en vogue de l'art ancien et moderne longtemps négligé au profit du contemporain.
Il y a donc des raisons d'espérer un tel retour en grâce plutôt inattendu du fait que l'art contemporain a paru rafler la mise sur le marché à travers les achats des quelque 400 multimilinnaires, surtout chinois et américains, séduits ou sinon aveuglés par les politiques de marketing agressives des maisons de vente et des grandes galeries.
L'offensive de ces dernières a été telle que les prix concernant de nombreux artistes contemporains ont explosé dangereusement sur le marché et ce, pour des oeuvres que d'aucuns jugent nulles et inesthétiques par rapport à des chefs-d'oeuvre de maîtres anciens vendus à des prix ridicules, tout cela parce que des nouveaux riches se sont comportés comme des gogos pour chercher à asseoir leur position sociale en achetant des croûtes innomables présentées comme des valeurs sûres par des maisons de vente et des galeries qui ont su instaurer un judicieux système en agissant comme des banquiers pour garantir la valeur des pièces vendues.
Tant que celles-ci suivront un tel schema, le risque de voir le marché de l'art s'effondrer sera négligeable, à moins que ce dernier ne soit soumis aux effets d'une crise sans précédent qui le déstabiliserait. Il n'en reste pas moins que certains collectionneurs qui ne juraient hier que par l'art contemporain se sont détournés brutalement de ce secteur pour miser dès lors sur les maîtres anciens, impressionnistes et modernes qui étaient quelque peu délaissés durant cette dernière décennie.
Ainsi, après avoir été dégoûté par la dernière FIAC, le collectionneur Richard Rodriguez, un des premiers amateurs en France à découvrir Jean-Michel Basquiat et Anselm Kiefer à la fin des années 1980, a pris la décision irrévocable de ne plus s'intéresser qu'à l'art ancien, le seul à son avis qui soit esthétiquement valable pour procurer de vraies émotions sans compter que les anciens maîtres exprimaient une sincérité quasiment absolue dans leurs oeuvres.
Il est vrai qu'il paraît indécent qu'une oeuvre de Rembrandt ne dépasse pas 20 millions d'euros aux enchères quand l'interprétation picturale d'une photo d'Andy Warhol réalisée par des assistants peut culminer à 90 millions ou lorsque l'oeuvre d'un artiste chinois inconnu du marché il y a 20 ans trouve acquéreur à plus de 40 millions sans parler de ces bidules incroyables de Jeff Koons ressemblant à des jouets géants qui séduisent des gogos prêts à débourser pour ceux-ci parfois plus de 45 millions. D'ailleurs, ravi de vendre ses créations grotesques à des prix démentiels, Koons a semblé se montrer plus qu'avisé en achetant à tour de bras des oeuvres de maîtres anciens pour se constituer ainsi une des plus belles collections du monde.
Considérant Rodriguez comme un visionnaire qui a su avant l'heure capitaliser sur Basquiat et d'autres artistes devenus des stars du marché, certains marchands et collectionneurs en sont d'ailleurs venus à penser qu'il fallait désormais s'intéresser de plus près aux maîtres anciens qui eux ne produisaient pas de barbouilles.
En attendant, si le marché s'offre une santé insolente grâce aux ventes des oeuvres d'artistes contemporains en pointe, il n'en pas été de même pour nombre de galeries de moyenne importance ou des petits antiquaires qui ont souffert cruellement de la crise économique qui a sévi en Europe. On en a voulu pour preuve la situation catastrophique vécue par les marchands du marché aux puces de Saint-Ouen déserté par les collectionneurs des classes moyenne et où les bobos ne cherchent désormais que des pièces du Design des années 1960 à 1980.
Le Design attire donc les bobos dont l'engouement va pour ce qui n'est pas vraiment beau. Cela a incité des marchands à abandonner le traditionnel pour aller se convertir à ce qui paraît usuel afin d'éviter de mettre la clé sous la porte pour vendre alors des merdes de toutes sortes. Ca ne rime à pas grand chose, mais c'est ainsi, jusqu'au jour où ceux-ci comprendront qu'ils auront fait fausse route en renonçant au beau.
On reste donc impatiemment dans l'attente d'une resurgence de l'art ancien qui pour l'instant ne fait que la gloire des musées alors que rien n'est plus exaltant d'avoir chez soi une oeuvre dont le mérite est déjà de respirer la qualité.
Adrian Darmon