Les artistes du Nouveau Réalisme, notamment Arman, César, Tinguely, Niki de Saint-Phalle, Mimmo Rotella, La Villeglé, Klein, Spoerri, Christo, Raysse ou Hains sont à l'honneur durant trois mois au Grand Palais, 3 avenue du Général Eisenhower à Paris.
Grâce à ces créateurs qui s'emparèrent des objets du quotidien et bousculèrent joyeusement les conventions, l'art contemporain connut un nouveau tournant à l'aube des années 1960. Ils avaient l'envie de faire la fête dans un esprit anti-conformiste pour oublier les années de la guerre et celles de la longue reconstruction. Ces joyeux farceurs cultivèrent l'art du happening au plus haut degré que ce soit à travers des créations kitsch, délurées ou absurdes en s'inspirant de la société de consommation pour en tirer avant tout sa quintessence artistique tout en la dénonçant ou en la glorifiant.
Ils tournèrent ainsi le dos à l'abstraction lyrique qui avait émergé après la guerre, considérant qu'elle n'avait plus de lien avec le réel et qu'il fallait trouver de nouvelles formulations en prise avec leur temps. Ce fut ainsi que César se mit à compresser des voitures, que Hains ou La Villeglé firent des affiches lacérées, que Arman s'ingénia à accumuler des tubes de peinture dans du Plexiglas ou à découper des violons ou des statues tout en déversant des déchets dans la galerie où il exposait, que Klein s'amusa à mettre des filles nues enduites de peinture sur des toiles pour figer leur empreinte ou à peindre des tableaux bleus avec une couleur de son invention, que Spoerri trouva jouissif de coller des assiettes, des fourchettes ou des couteaux sur des toiles, que Raysse emprunta des sujets classiques pour les décliner comme des réclames, que Tinguely inventa des machines incroyables ou que Niki de Saint-Phalle créa ses grosses Nanas après avoir joué à tirer au fusil sur des poupées assemblées. Et pourtant, après 1968 et la révolte étudiante, ces artistes furent à leur tour considérés comme ringards, ce qui ne les empêcha pas de voir leurs œuvres atterrir dans nombre de musées à travers la planète.
L'art contemporain est en fait un éternel recommencement. Il se nourrit sans cesse de nouvelles tendances pour ensuite les rejeter et puiser ailleurs de nouvelles sources de vie. Il y a certes du bon et du mauvais dans ce processus mais comme une hydre, il a cette spectaculaire faculté de se régénérer pour atteindre de nouveaux territoires. Du moment qu'il y a le geste de la création, il ne peut donc mourir d'autant plus qu'il est quelque part le miroir des progrès ou des avatars de l'humanité.
Adrian Darmon