Annoncé par le Premier ministre François Fillon au début du mois de juillet 2007, l'idée du Président Nicolas Sarkozy d'une gratuité des musées visant à favoriser l'accès à la culture pour les jeunes et les couches populaires a suscité nombre de réactions contradictoires qui forceront probablement le gouvernement à réexaminer cette épineuse question.
Les partisans du libre accès soulignent qu'il permettra d'accueillir plus de visiteurs et surtout d'attirer un autre public pour les musées pour répondre à l'objectif de démocratisation culturelle mais ceux qui s'y opposent indiquent que la généralisation de cette gratuité pourrait coûter près de 200 millions d'euros à l'Etat, ce qui placera le ministère de la Culture dans une situation difficile vu qu'il ne pourra pas compenser ces pertes de recettes sans amputer les crédits destinés à d'autres établissements.
De plus, ne pas faire payer les entrées dans les musées ne ferait que renforcer l'idée d'une gratuité de la culture déjà manifeste sur Internet à travers le piratage de la musique et des films, ce qui est de nature à nuire à l'activité des artistes et donc à la création.
Et puis, la visite d'un musée procède d'un désir, ce qui signifie que la démocratisation de la culture passe d'abord par l'école, l'enseignement servant à la compréhension de l'art et de ses mouvements pour susciter ensuite un attrait chez les jeunes.
Certes, le problème a été résolu depuis plus d'un siècle en Grande-Bretagne où l'accès des musées est en général gratuit sauf pour les expositions temporaires dont les billets d'entrée sont assez chers.Peut-on appliquer le même principe en France, un pays sclérosé par un certain conservatisme? Rien n'est moins sûr.
François Fillon a néanmoins compris que cette question ne peut être réglée d'un seul coup de plume. C'est pourquoi il a envisagé qu'une expérimentation soit conduite avec un échantillon de musées à Paris et en province pour mesurer ses effets car les établissements concernés ne fonctionnent pas tous sur le même modèle. Ainsi, le Louvre qui accueille plus de 7,5 millions de visiteurs chaque année, dont 5 millions d'étrangers, génère des recettes de plus de 40 millions d'euros. Le priver d'une telle somme déstabiliserait à coup sûr son fonctionnement.
Christine Albanel, ministre de la Culture, a plaidé pour la création d'un "passeport culture" impliquant la gratuité de l'accès aux musées pour les jeunes non sans craindre les effets pervers d'une telle mesure d'autant plus que plus d'un tiers des visiteurs bénéficient d'exonérations allant jusqu'à leur permettre de visiter ces établissements sans acquitter un centime. En outre, il ne faut pas oublier que chaque premier dimanche du mois, l'accès au Louvre et à d'autres musées ou monuments nationaux est gratuit et que depuis 2002, la ville de Paris a offert la gratuité aux collections permanentes de ses 14 musées, ce qui a généré une hausse de 40% des visiteurs depuis cette année là.
Néanmoins, la gratuité a un coût qui se répercute sur le contribuable. Alors, la meilleure solution serait peut-être d'imiter le système pratiqué en Russie qui veut que les touristes paient plein tarif pour visiter les musées, les autochtones bénéficiant de la gratuité ou n'ayant qu'à acquitter une somme minime pour un billet d'entrée. Alors, pourquoi pas un tarif unique pour les citoyens à deux euros, soit le quart du prix d'un billet de cinéma et moins que celui d'un demi au comptoir d'un café? Une telle solution aurait l'avantage d'attirer de nouveaux visiteurs parmi les Français tout en préservant les recettes provenant des touristes étrangers qui, eux, continueraient à payer plein pot pour admirer les trésors du pays..
Adrian Darmon