Mercredi 27 février, le film de Peter Greenaway "La Ronde de Nuit" qui est sorti sur les écrans en France, retrace une partie de la vie de Rembrandt à travers son célèbre tableau réalisé en 1642 juste avant sa disgrâce auprès de la bourgeoisie d'Amsterdam.
Plus qu'un documentaire élaboré sur ce tableau, ce film dévoile en fait un crime et le soupçon d'une conspiration des puissants marchands amstellodamois au cours d'une année cruciale vécue par Rembrandt.
Greenaway a ainsi pensé déceler dans l'oeuvre magistrale du maître hollandais une énigme impliquant la plupart des 34 personnages représentés sur la toile. Au cours de la réalisation de son oeuvre, Rembrandt aurait donc découvert une conjuration et dénoncé ses acteurs. C'est là une interprétation qui peut en valoir une autre sans apporter de certitude à ce sujet.
Il est vrai qu'il existe une énigme au sujet de Rembrandt qui perdit sa femme en 1642 au moment où il travaillait sur "La Ronde de Nuit", une peinture qui aurait été la cause de ses difficultés dans lesquelles sa fortune finit par sombrer.
Ce tableau, commandé pour le lieu de réunion de la corporation des arquebusiers, devait être payé par les personnes représentés sur la toile. L'histoire dit que sans se soucier de les placer dans un éclairage sembable pour les rendre reconnaissables, Rembrandt n'aurait songé qu'à l'effet à produire. Il y aurait eu des tiraillement pour le paiement de l'ouvrage, les personnages qui n'avaient pas été mis en valeur se sentant frustrés auraient ainsi grossi le nombre des mécontents. Quoiqu'il en soit, moins de 5 ans plus tard, Rembrandt s'était retrouvé délaissé par une bonne partie de sa clientèle. De plus, il n'était pas homme à solliciter des commanditaires et sa situation financière se dégrada vite alors qu'il ne lésinait pas à la dépense pour s'offrir des objets d'art en ne freinant ainsi pas une folle passion passion plutôt coûteuse.
En 1649, Rembrandt fut poursuivi par Geertje Dirckx, la nourrice de son fils Titus, au prétexte qu'il avait rompu une promesse de mariage. Le fait parut être relié à l'entrée dans la maison du peintre d'une jeune femme, Hendrickje Stoffels, qui fut sa servante puis sa maîtresse et peut-être son épouse secrète. En 1652, elle eut un enfant puis en 1654, elle accoucha d'une fille prénommée Cornelia que Rembrandt reconnut. Toujours en butte à des difficultés financières, Rembrandt dut vendre sa belle maison dans la Jodenbreestraat, achetée du temps de sa prospérité, pour demeurer ensuite dans le Rozengracht.
Pour en revenir à "La Ronde de Nuit", ce tableau aurait été nommé ainsi bien après la mort de Rembrandt en dépit de l'absence de toute clarté lunaire ou de tout éclairage aux flambeaux. La cause de la méprise fut due au vieillissement des couches de vernis et au fait qu'il fut longtemps placé près d'un poëlle dont les fumées provoquèrent son obscurcissement. En fait, son véritable titre est "La Compagnie du capitaine Frans Banning Cocq" et la scène représentée se passe en plein jour.
Reste à savoir pourquoi les personnages représentés firent un procès d'intention au peintre qui glissa une bonne dose d'humour moqueur dans la célébration de cette assemblée de braves bourgeois semblant partis en goguette plutôt que pour un défilé bien ordonné.
L'oeuvre conservée au Rijksmuseum d'Amsterdam est impressionnante puisqu'elle mesure 363 x 437 cm mais ce que peu de gens savent c'est qu'elle fut réduite sur tous les bords (25 cm en hauteur, 15 cm en bas, 10 cm à droite et 30 à gauche) pour permettre son transfert dans la salle du conseil de guerre de l'Hôtel de Ville en 1715.
Bien qu'amputée, l'oeuvre garda malgré tout sa force et son éclat mais aussi son mystère dont Greenaway a tiré parti pour proposer une énigme policière et apporter un éclairage nouveau mais assez décevant sur la vie de Rembrandt après sa réalisation.
Les images de Greenaway sont souvent magnifiques mais sa mise en scène, très théâtrale, nuit lourdement à son intention alors que son scénario paraît aussi obscur que le tableau au point que le spectateur semble se perdre dans un labyrinthe. Au final, le film est terriblement décevant pour qui connaît la vie de Rembrandt. Il faut aussi dire que tous les films concernant des artistes célèbres ont pour la plupart été ratés, notamment ceux au sujet de Modigliani ou de Picasso qui ont viré au grotesque. S'immerger dans la vie d'un peintre est ainsi une chose plutôt ardue.
Adrian Darmon
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