Un musée entièrement consacré au
peintre surréaliste belge René Magritte (1898-1967) sera inauguré le 2 juin
2009 en l'hôtel Altenloh de Bruxelles pour le plus grand plaisir de ses
admirateurs précédemment lassés de la présentation fade de ses œuvres dans les
salles tristes des Musées royaux des beaux-arts de Belgique.
Dans ce lieu étrangement baptisé « Musée
Magritte Museum », ce sont 200 huiles plus divers objets, de nombreux
documents, une cinquantaine de photographies et près de 40 films que les
visiteurs découvriront dans un décor assez sombre fait pour mettre en valeur
les tableaux et les mots de Magritte devenus des maximes légendaires, le tout
présentés selon une chronologie déroutante puisque la visite se fait à partir
du premier étage où sont exposées les œuvres de ses débuts.
La visite se fera ainsi par étapes
en partant de la période allant de 1898 à 1929 avec notamment « La
Lectrice soumise » de 1928 pour découvrir ensuite d'autres œuvres phares
jusqu'à la dernière période du peintre qui gagna d'abord sa vie comme dessinateur
dans une usine de papiers peints avant de réaliser à partir de 1923 des
affiches et des dessins publicitaires.
Ce fut en 1924 que Magritte
rencontra les écrivains Camille Goemans et Marcel Lecomte pour participer
ensuite avec Paul Nougé et E.L.T mMsens aux activités du groupe surréaliste
belge concrétisées dans plusieurs revues comme Œsophage, Marie ou
Correspondance. En 1926, il participa à la Société du Mystère puis entre 1927
et 1930, il travailla à Perreux-sur-Marne, près de Paris, en participant à
l'activité du groupe surréaliste français avec Arp, Miro ou Eluard.
Revenu à Bruxelles en 1930,
Magritte passa un moment difficile après la faillite de la galerie Le Centaure
avec qui il était sous contrat et ne trouva son salut qu'en vendant ses tableaux à son
ami Mesens. En 1932, il adhéra au Parti communiste belge puis en 1934, il
dessina « Le Viol » pour la couverture de « Qu'est-ce le
Surréalisme ? » d'André Breton publié à Bruxelles. Il collabora
également au « Minotaure » après un séjour en Angleterre en
représentant pour la couverture du dixième numéro un squelette de taureau drapé
de noir, dressé sur un rempart de ruines devant Paris, dans laquelle les
Surréalistes crurent voir l'image prémonitoire du désastre qui allait s'abattre
sur la France où il effectua un séjour de trois mois à Carcassonne en 1940.
En 1946, Magritte publia les
tracts « L'Imbécile », « L'Emmerdeur » et
« L'Enculeur » écrits en collaboration avec Marcel Marïën puis de
1952 à 1956, il dirigea la revue « La Carte d'après nature » présentée
sous forme de cartes postales. En 1956, il réalisa plusieurs courts-métrages
puis en 1961, il collabora à la revue « Rhétorique » dirigée par
André Bosmans.
Magritte exposa ses œuvres pour la
première fois en 1920 puis en 1923 dans une exposition collective organisée par
la revue « Ca Ira » aux côtés de Lissitzky, Moholy-Nagy et de
Joostens. Il participa ensuite à toutes les expositions surréalistes, dont
l'Exposition Surréaliste en 1928 à la galerie Goemans à Paris, à l'exposition
Minotaure au Palais des beaux-arts de Bruxelles en 1934, à l'Exposition
internationale du Surréalisme à Londres en 1936, organisée par Breton et
Eluard, à Art fantastique, Dada, Surréalisme au Musée d'Art Moderne de New York
en 1936 ainsi qu'à l'Exposition internationale du surréalisme à la galerie des
Beaux-Arts à Paris en 1938.
En 1945, Magritte organisa à la
galerie des Editions La Boétie à Paris l'exposition Surréalisme et figura
régulièrement au Salon de Mai et dans diverses manifestations internationales.
Il eut droit également à de nombreuses rétrospectives, notamment au Palais des
Beaux-Arts à Bruxelles en 1954 et 1978, au Palais des Beaux-Arts de Charleroi
en 1956, à Dallas et Houston en 1960, au Musée d'Art Moderne de New York en
1965, au Musée National d'Art Moderne de Paris en 1979, au Metropolitan Museum
de New York en 1992 et aussi à Montréal en 1996.
Au début des années 1920, sa
peinture se situa entre Cubisme, Futurisme et Abstraction puis il fut influencé
par De Chirico de 1923 à 1926 dont il déduisit les ressorts de la poétique de
ses objets, les plus ordinaires révélant leur absurdité profonde. En 1926,
Aragon fut l'artisan du rapprochement entre les groupes surréalistes de Paris
et de Bruxelles et ce fut à partir de ce moment que Magritte se détacha de l'influence
de Chirico en peignant le « Jockey perdu » qu'il considéra comme sa
première œuvre surréaliste aboutie.
Ayant alors trouvé son propre
langage, il peignit ainsi la réalité avec la plus grande fidélité dans
l'imitation tout en commettant des confusions, faisant jaillir des flammes
d'une pierre ou représentant un ciel comme un mur lézardé pour formuler des
séries basées sur le non-sens comme avec « La trahison des images »
où il représenta une pipe avec la phrase « Ceci n'est pas une pipe »
pour explorer l'écart entre les choses, leur désignation ou leur représentation
pour ensuite déplacer un objet par rapport à son contexte pour susciter
l'interrogation à travers l'absurde comme des pieds à côté de chaussures ou un
paysage peint devant un vrai paysage en fait peint aussi.
De 1934 à 1948, il appliqua à ses
thèmes habituels une technique impressionniste qui fut critiquée, une période
« vache » interprétée comme une provocation à l'égard de la peinture
et du jugement conventionnel de la critique parisienne. A partir de 1946, il décida cependant de revenir à sa technique antérieure et de 1951 à 1953, il réalisa pour la
casino de Knokke-le-Zoute une fresque circulaire de 70 mètres intitulée
« Le Domaine enchanté » - que je vis alors enfant en chantier-en reprenant les principaux thèmes traités dans
l'ensemble de son œuvre.
Un peu moins inventif durant les
dernières années de sa vie, Magritte sut malgré tout mettre toujours en valeur les
mécanismes de son humour noir à travers des titres sans rapport évident avec
les réalités représentées en devenant lui-même un personnage de légende vu sous
le prisme étrange de « La Présence d'Esprit », une œuvre montrant un
petit monsieur au chapeau melon planté entre un oiseau perché et un poisson
debout ou « La Grande Guerre », montrant encore ce personnage dont le
visage est caché par une pomme verte. Bref, Magritte a su plus que tout autre
instiller le mystère dans son œuvre en se mettant dans la peau du témoin
impuissant d'un monde qui nous dépasse pour figurer l'étonnement devant
l'irréel de la réalité.
De tous les artistes
surréalistes, Magritte a été le seul à chercher à traquer l'insolite ou
l'étrange dans les objets de notre quotidien ou l'existence même pour devenir
par excellence le peintre de l'absurde en illustrant des concepts ou des
idées, devenant ainsi un pionnier de l'art conceptuel mais aussi une sorte de
psychanalyste de l'art s'amusant à associer des images et des titres pour jouer sur leur
signification dans une démarche hautement subtile.