Un tribunal américain a déclaré recevable la plainte d'un citoyen des Etats-Unis, rescapé de la Shoah, contre un musée espagnol, qui détient, selon lui, une œuvre d'art confisquée à sa grand-mère par les nazis, a-t-on appris le 12 septembre 2009.
Ce survivant de la Shoah, âgé de 88 ans, a affirmé que son aïeule a été forcée de vendre un tableau de l'impressionniste Pissarro (d'ailleurs lui-même d'origine juive) contre un visa de sortie d'Allemagne en 1939, et ce pour la somme de 360 dollars en valeur actuelle, alors que cette œuvre est estimée aujourd'hui à quelque 20 millions de dollars.
Au mois de juin 2009, Christie's avait dû retirer d'une vente d'art impressionniste organisée à Londresun autre tableau de Pissarro peint en 1903, « Le Quai Malaquais et l'Institut » estimé à près de 2 millions d'euros qui avait été acheté en 1907 par Samuel Fischer, le fondateur de la maison d'édition allemande Fischer Verlag. Après sa mort, l'œuvre était revenue à sa fille Brigitte qui vivait en Autriche et à son mari Gottfried Bermann.
Ce dernier avait abandonné son métier de chirurgien pour reprendre les rênes de la maison d'édition qui publia notamment les ouvrages de Thomas Mann. Au moment de l'Anschluss en 1938, Bermann se réfugia avec sa famille aux Etats-Unis et dut laisser derrière lui le tableau de Pissarro qui fut saisi par les nazis puis vendu en 1940 au Dorotheum de Vienne avec un Greco, un Cézanne et un Gauguin.
Après la Seconde Guerre Mondiale, Gottfried Bermann parvint à retrouver la trace des œuvres spoliées sauf le Pissarro jusqu'à ce que sa fille Gisela, une ancienne actrice, put le localiser à Zurich où il était entreposé dans un coffre de banque.
Le tableau avait été acquis par le Dr Bruno Lohse, un marchand d'art allemand qui avait travaillé pour le compte du maréchal Goering durant la guerre lequel fut obligé de le restituer à la suite d'une décision de justice mais en engageant une bataille judiciaire pour le récupérer, Gisela Bermann-Fischer dépensa la bagatelle de 500 000 francs suisses.
Agée de 80 ans, celle-ci dut se résoudre à le vendre aux enchères pour compenser les frais de justice qu'elle avait engagés mais à la dernière minute, son neveu Itai Shoffman, l'arrière-petit fils de Samuel Fischer et petit-fils d'Hildegard, la plus jeune de ses filles qui avait mis sa mère au monde hors mariage, s'opposa à la vente au prétexte qu'un avocat de Berlin spécialisé dans les affaires de succession avait découvert une lettre écrite en 1946 par Hedwig, l'épouse de Samuel Fisher, stipulant que l'œuvre devait revenir à Hildegard si jamais elle était retrouvée.
Selon Itai Shoffman, Gisela connaissait bien l'histoire concernant sa mère mais avait délibérément pris la décision de vendre le tableau en le spoliant de son droit. Ses avocats ont essayé de trouvé un arrangement sur une base de 50-50 avec sa tante laquelle n'a offert qu'une part de 20 % à ce dernier qui espère qu'elle finira un jour par changer d'avis.