Pierre Soulages: Un de mes premiers dessins réalisés vers l'âge de 5 ans fit rire toute ma famille. J'avais balafré de noir une feuille de papier. Quand on me demanda ce que c'était, je répondis "un paysage de neige". Avec le noir, j'avais simplement voulu rendre le blanc du papier plus blanc...
Ecartée de la succession du grand marchand d'art
Daniel Wildenstein décédé à l'automne de 2001, sa seconde épouse n'a pas hésité
de se servir de la chaîne de télévision FR3 pour régler ses comptes avec son
beau-fils Guy, principal héritier de ce dernier.
Dans le cadre du programme « Pièces à conviction »
qui a diffusé le soir du 16 novembre 2009 une émission intitulée « Evasion
fiscale, comment les riches paient aussi peu d'impôts », Sylvia
Wildenstein, la seconde épouse du célèbre galeriste et collectionneur n'y a pas
été de main morte pour accuser Guy Wildenstein de lui avoir caché l'état exact
de la fortune de son père après la mort de ce dernier.
Ayant vécu dans une rare opulence durant de nombreuses
années de vie commune avec son mari, Sylvia Wildenstein s'est plue à énumérer
nombre de biens qu'il détenait, notamment un hôtel particulier à Paris, un
autre à New York, un vaste domaine au Kenya, une villa aux ïles Vierges, des
dizaines de chevaux de course et last but not least , des milliers de tableaux de
maîtres. Les journalistes en charge de l'émission ont rapporté que Daniel
Wildenstein aurait ainsi possédé près de dix mille tableaux, dont 400
primitifs, huit Rembrandt, huit Rubens, douze Poussin, dix Cézanne, dix Corot
et autant de Gauguin, plus un nombre appréciable d'œuvres de Velasquez,
Fragonard, Goya, Courbet, Claude Monet ou Bonnard en oubliant de citer au
passage des Boucher, des Renoir et autres grands artistes.
Bref, la fortune de Daniel Wildenstein était énorme et même
inestimable puisque personne n'a pu l'évaluer à quelques centaines de millions d'euros
près. A vue de nez, elle pourrait avoir été de l'ordre de deux ou trois
milliards d'euros, voire plus si on pouvait dresser la liste exacte des œuvres
d'art qu'il détenait et dont certaines valaient plus de 50 millions d'euros
pièce.
Toujours est-il que peu après l'enterrement de son mari, sa
veuve eut la surprise d'être informée par ses beaux-fils Guy et Alec (décédé il y a 18 mois) qu'il
était mort ruiné et que pour éviter d'avoir à supporter ses dettes il lui était plus que préférable
de renoncer à son héritage. C'est ainsi que ces derniers lui firent signer un
acte de renonciation en échange d'une rente annuelle de 400 000 euros et de la
jouissance d'un appartement de prestige de 600 mètres carrés à Paris.
Toutefois, les relations avec Guy et Alec, nés d'un premier
mariage, s'envenimèrent au point que Sylvia décida de les poursuivre en justice
en estimant que ses beaux-fils l'avaient trompée sur l'état réel de la fortune
de Daniel Wildenstein. Finalement, un jugement délivré en 2005 lui permit de
recouvrer ses droits sur la succession, néanmoins limités par rapport à ceux des héritiers directs.
Selon Claude Dumont-Beghi, l'avocate de Sylvia Wildenstein,
sa cliente reçut alors une liste des biens de son mari déclarés au fisc après
sa mort, laquelle ne mentionnait qu'une somme de 40 millions d'euros et 42
tableaux, ce qui représentait pour le moins une goutte d'eau dans l'océan des avoirs de Daniel Wildenstein.
Il y aurait donc eu une incroyable tour de passe-passe pour
réduire de la sorte la fortune du grand marchand d'art laquelle aurait en fait
été cachée par le biais d'un habile montage financier via des paradis fiscaux
et des sociétés écrans, a ajouté l'avocate qui a entrepris de partir à la
recherche des tableaux que celui-ci possédait encore au moment de sa mort.
Claude Dumont-Beghi a ainsi pu retrouver la trace de 19
tableaux de Pierre Bonnard mis secrètement à l'abri dans le port franc de
Genève, une enclave de 140 000 mètres carrés surveillée comme Fort Knox où des
œuvres d'art souvent exceptionnelles sont entreposées par milliers par des gens apparemment soucieux de
ne pas dévoiler l'état de leur fortune.
En réussissant à avoir accès à ces tableaux (Daniel
Wildenstein possédait en fait près de 180 Bonnard avant sa disparition),
l'avocate a eu la surprise d'apprendre qu'ils appartenaient à un trust basé aux
Bahamas et que Sylvia Wildenstein ne pouvait les revendiquer. Claude
Dumont-Beghi a donc été mener une enquête aux Bahamas, un paradis fiscal attirant les grandes fortunes et certaines institutions financières, pour apprendre que
les tableaux appartenaient à un trust, un instrument permettant d'élaborer un
contrat privé entre une personne physique et un « trustee » chargé de
gérer ses biens avec toute l'opacité voulue.
A cet égard, les héritiers de Daniel Wildenstein, Guy en
tête, auraient ainsi pris toutes les précautions pour brouiller la piste susceptible de conduire
à ces tableaux selon une méthode que les conseillers financiers du marchand
d'art auraient mise au point bien des années avant sa mort.
L'avocate a souligné qu'en France, les actifs d'une personne
décédée devaient obligatoirement faire partie de sa succession mais concernant
celle de Daniel Wildenstein, les avocats de Guy ont simplement daigné répondre par écrit
que les trusts n'avaient pas à y être rapportés d'autant plus que la justice
française avait décrété que les trusts étaient indépendants.
D'ailleurs, les trusts ont été une tradition familiale pour
les Wildenstein, la justice n'ayant pas intégré dans la succession la Galerie
de New York domiciliée à Guernesey, ce qui expliquerait pourquoi le nombre de
tableaux faisant officiellement partie de l'héritage a été ridiculement bas.
Curieuse de savoir où pouvaient se trouver les milliers d'oeuvres possédées par Daniel Wildenstein, l'avocate a poursuivi son enquête à
New York où un tableau du Caravage estimé à 60 millions d'euros a refait
surface pour être réintégré à la succession. En outre, craignant elle aussi
d'être dépossédée de l'héritage d'Alec Wildenstein, sa veuve a pris les devants
en fournissant à la justice des documents concernant d'autres trusts cachés,
notamment aux îles Caïman ou à Guernesey qui ont mené sur la piste d'œuvres de
Picasso, de Courbet ou de Fragonard ainsi que sur d'importantes sommes
d'argent.
Malheureusement, le fisc français s'est toujours trouvé
démuni face au problème des trusts d'autant plus que les successions relatives
aux grandes fortunes n'en font jamais mention.
De l'argent, Daniel Wildenstein en brassait beaucoup, ne
fut-ce que pour assurer son train de vie, payer ses collaborateurs, éditer des
catalogues raisonnés, acheter à profusion des œuvres d'art ou des chevaux qu'il
fallait entraîner et entretenir et pourtant, en 1998 il ne déclarait qu'un
revenu mensuel de 6500 francs (tout juste mille euros), ce qui avait fini par
intriguer le fisc qui infligea un redressement d'un montant de 750 000 euros
qui fut réglé après son décès.
En conclusion, les trusts créés à l'initiative de Daniel
Wildenstein avaient eu pour but d'empêcher la dispersion –et la taxation après
décès- de sa fabuleuse collection d'art mais ce faisant, il n'avait pas pris la peine
de mettre son épouse Sylvia au courant des montages effectués en croyant
peut-être qu'il était parti pour vivre jusqu'à l'âge de 90 ou 100 ans. Survenue
plutôt brutalement, son décès mit sa femme à la merci de ses beaux-fils puisque
ceux-ci eurent le don de lui faire croire qu'il était mort quasiment ruiné.
Néanmoins, pour la justice française, le dossier de la
succession Wildenstein est clos depuis octobre 2008 mais en déposant un recours
en révision, sa veuve compte bien le rouvrir.
Pour le reste, en achetant des œuvres d'art à coups de
millions d'euros, non pas par pure passion mais surtout comme des valeurs
sûres, nombre de possesseurs de grandes fortunes ont trouvé dans les 48 ports
francs que compte la Suisse des refuges adéquats pour échapper aux services
fiscaux de leurs pays du fait que nul Etat ne peut avoir un droit de regard sur
ceux-ci, ce qui fait que les œuvres d'art qui y sont entreposées sont vendues
en échappant à toute taxation ou ne sont pas déclarées à l'occasion de
successions.