Suite à la destruction à Avignon
le 17 avril de deux œuvres de l'artiste américain Andres Serrano jugées
iconoclastes par des catholiques intégristes, les responsables de l'exposition
« Je crois aux miracles » ont hésité à la rouvrir après avoir reçu
des menaces de mort.
Voulant continuer à exposer « Piss
Christ » l'œuvre de d'Andres Serrano, Eric Mézil, le directeur de la Collection
Lambert, s'est ainsi vu menacé de mort s'il persistait dans son intention tandis
que la polémique a enflé au sujet des limites de la liberté d'expression dans
l'art contemporain.
Après l'affaire des caricatures de
Mahomet parues en 2005 dans le quotidien danois Jyllands Posten qui avait
enflammé le monde musulman, celle d'Avignon a une nouvelle fois démontré que
les artistes s'exposaient à de sérieux retours de bâton à vouloir jouer la
provocation sur le terrain de la religion.
La dérision a donc des frontières
qu'il est dangereux de dépasser comme on s'en est rendu compte avec certaines
œuvres jugées scabreuses que ce soit dans le domaine de l'art, celui du cinéma ou
de la littérature.
A cet égard, on peut se rappeler du
scandale créé par l'artiste Maurizio Cattelan avec son œuvre « La Nona
ora » représentant le pape écrasé par un météorite ou de certains films
qui ont offusqué nombre de catholiques traditionalistes pour se rendre compte
du danger qu'il y a à vouloir annexer des thèmes religieux pour aller jusqu'à la provocation.
Ayant pris la décision d'exposer les deux œuvres détruites afin que le public puisse apprécier par lui-même la
violence des actes de barbarie perpétrés à Avignon, Eric Mézil n'e devait pourtant pas s'attendre à autre chose que de recevoir des menaces de mort.
Elevé pourtant dans une stricte
éducation catholique et se revendiquant chrétien, Andres Serrano, 60 ans, un
artiste américain d'origine hondurienne et afro-cubaine, avait déjà provoqué un
énorme scandale au sein de la communauté des chrétiens fondamentalistes
américains en dévoilant en 1987 sa photographie Piss Christ montrant un
crucifix dans un bain d'urine et de sang, ce qui avait conduit dix ans plus tard à un
acte de vandalisme en Suède puis un autre en Australie.
Selon Eric Mézil, Serrano avait
créé son œuvre en reprenant la tradition mystique et médiévale des humeurs sans
aucunement chercher l'offense mais simplement pour s'interroger sur la question de Dieu
fait homme comme cela avait été indiqué lors de l'exposition «Traces du sacré»
organisée il y a quelques années à Beaubourg, laquelle n'avait donné lieu à aucun incident
alors que son œuvre avait été accrochée à côté d'autres, notamment par André
Breton, Max Ernst Ernst ou Dali, qui elles aussi avaient un côté blasphématoire.
Bref, depuis l'émergence des
mouvements dadaïste et surréaliste à la fin de la Première Guerre Mondiale, les
artistes ont brisé le cercle des convenances pour s'attaquer à des thèmes
sensibles via la dénonciation ou la dérision pour verser parfois dans
l'iconoclastie en cherchant à interpeller l'individu mais ce faisant en
heurtant les consciences des masses.
La liberté est certes essentielle
dans l'art car tout ce qui peut être restrictif représente un frein à la
créativité. N'empêche, les artistes ne peuvent pas se permettre d'e franchir certaines limites au risque de jouer avec le feu. A cet égard, ceux-ci se doivent donc de
prendre compte le fait qu'ils ne sont pas libres de faire ce que bon leur
semble lorsqu'ils évoluent sur le terrain miné du sacré d'autant plus que par
essence, l'art n'est pas fait pour provoquer des guerres mais pour rapprocher
les hommes.
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