Embauché comme chauffeur à partir de 1967 par Pablo Picasso, Maurice Bresnu dit « Nounours » avait accumulé une formidable collection comportant quelque 200 œuvres du maître qui aujourd'hui intéresse les enquêteurs de l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) quant à leur véritable provenance, a rapporté le quotidien « Le Parisien » dans sa livraison du 27 juin 2011.
Il convient de rappeler que Jacqueline l'épouse de Maurice Bresnu mort en 1991 n'était autre que la cousine germaine de Pierre Le Guennec, l'électricien qui avait travaillé pour le couple Picasso de 1970 jusqu'au décès de l'artiste, lequel a été mis en examen au début du mois de juin pour le recel de 271 œuvres inédites qu'il a affirmé avoir reçu sous forme de cadeau de la part de Jacqueline Picasso.
L'affaire Le Guennec a donc débouché sur un véritable roman policier avec cette énigme de la collection de Maurice Bresnu constituée de pièces dédicacées mais aussi non signées qui avec son épouse attendit la mort de Jacqueline Picasso en 1986 pour se séparer alors d'œuvres importantes.
Devenu l'homme de confiance de Picasso, « Nounours » prit sa retraite en s'installant dans le village de Sérignac (Lot) en 1976 avant de se défaire d'une bonne partie de son trésor dix ans plus tard avec l'aide d'un antiquaire des puces de Saint-Ouen et de divers intermédiaires, dont un expert de l'Hôtel Drouot.
« Nounours » parvint ainsi à vendre de nombreuses œuvres à la célèbre galerie Jan Krugier de Genève et à des collectionneurs italiens pour toucher un joli pactole dont il ne profita pas puisqu'il décéda quelques mois plus tard en laissant son magot à sa femme. Cette dernière, décrite comme cupide et acariâtre par des familiers, avait notamment fait venir auprès d'elle sa nièce en lui promettant monts et merveilles sans toutefois rien lui accorder jusqu'à son décès en 2008.
En 1995, Jacqueline Bresnu avait cédé trois carnets de dessins de Picasso à Beniamino Levi, un marchand italien, en lui affirmant qu'elle ne possédait plus rien du maître, a rapporté « Le Parisien ».
Morte sans laisser de testament, Jacqueline Bresnu possédait toutefois encore une trentaine de dessins, céramiques et montres de Picasso, un ensemble qui devait être vendu à Drouot en décembre 2010 en faveur de six héritiers identifiés, dont les époux Le Guennec, une vente qui fut bloquée en raison de l'affaire concernant l'ancien électricien qui avait éclaté quelques semaines plus tôt.
Rapidement, la police en est venue à soupçonner une collusion entre « Nounours » et son cousin lesquels avaient été tous deux en possession de près de 500 œuvres de Picasso, un nombre apparemment trop énorme pour justifier simplement des cadeaux de la part du maître mort à 92 ans.
Les soupçons de la police ont été notamment renforcés par les affirmations d'un témoin d'originaire portugaise qui avait travaillé comme employé du couple Bresnu entre 1988 et 1991 puis de Jacqueline Bresnu jusqu'en 1996, lequel a signalé que ses employeurs ne lui avait pas caché avoir volé les œuvres qu'ils possédaient. « J'ai donc travaillé durant huit ans pour les plus grands voleurs de la France contemporaine », se serait-il laissé à dire aux enquêteurs en ajoutant qu'il entendait se porter partie civile pour n'avoir pas reçu ses émoluments de la part de ses employeurs d'après « Le Parisien ».
Un fait a semblé plaider en défaveur des collections Bresnu et Le Guennec, à savoir que tous deux ont eu de nombreuses œuvres de Picasso non signées. Or, quand le maître offrait une œuvre il y apposait sa signature, l'absence de son paraphe sur un dessin ou une toile constituant pour ceux qui le connaissaient une assurance contre le vol.
M° Charles-Etienne Gudin, le nouvel avocat de Pierre Le Guennec aujourd'hui âgé de 71 ans, a indiqué pour sa part que Picasso était en guerre contre ses enfants à la fin de sa vie et qu'il s'était vengé d'eux en lui offrant via sa femme Jacqueline de nombreuses œuvres. Il a ajouté que son client ne pouvait pas être poursuivi pour recel du fait qu'on ne pouvait être receleur de son propre vol si encore la justice pouvait prouver un quelconque vol d'autant plus qu'il y avait prescription en la matière.
Pour les enquêteurs, la question s'est désormais posée de savoir si Picasso, âgé de 86 ans en 1967, n'aurait pas été sujet à des absences ou des accès de folie pour offrir tant d'œuvres à son chauffeur et à son électricien entré à son service trois ans plus tard ou si les deux cousins, profitant de leur position, n'auraient pas abusé de son grand âge pour le spolier allègrement.