Les pièces archéologiques
provenant de pillages retrouvent souvent une nouvelle vie mais risquent aussi d'être oubliées après avoir été
restituées aux pays où elles avaient été exhumées illégalement, a rapporté le
New York Times le 18 avril 2014.
Depuis ces 20 dernières années, plusieurs musées américains ou
européens ont été amenés à restituer des chefs d'oeuvre antiques sortis
illégalement de plusieurs pays qui avaient ainsi perdu une partie de leur patrimoine.
Ces musées ont dès lors pris
conscience de la nécessité de rendre ces trésors dont la disparition est une
atteinte à la gloire passée et l'identité des pays où ils ont été raflés par
des individus attirés avant tout par l'appât du gain.
Ainsi, à Morgantina (Sicile),
une impressionnante statue d'une déesse datant du Ve siècle avant J.-C. haute
de 220 cm considérée comme représentant Persephone avait été pillée à la fin
des années 1970 dans les ruines de la cité antique grecque proche de la ville
d'Aidone pour être ensuite vendue en 1988 par
des marchands peu scrupuleux au Getty Museum de Californie qui a dû finalement la
rendre à l'Italie en 2011.
Cette magnifique statue est
désormais visible au musée archéologique d'Aidone parmi des sculptures votives
de Persephone marquant le rôle de la déesse à Morgantina et d'autres objets des
périodes phénicienne, grecque ou romaine pour rappeler l'histoire de cette
cité.
On ne peut cependant pas dire
que le musée d'Aidone soit le lieu le plus adéquat pour admirer une telle
merveille puisque celui-ci est situé dans la région d'Enna, une des plus
pauvres de la Sicile et où les moyens de transport sont souvent rudimentaires.
N'empêche, située à 22 kilomètres de Piazza Armerina où se trouvent
d'exceptionnelles mosaïques romaines, celle-ci est une des plus riches de l'île au plan
archéologique.
L'an dernier, le musée d'Aidone
a accueilli un peu moins de 31000 visiteurs, soit quatorze fois que ceux qui admirèrent en 2010 cette statue au Getty. En outre, le budget de ce
musée est des plus restreints tandis que les routes qui y mènent sont souvent
fermées.
Néanmoins, les Siciliens sont
plus qu'heureux d'avoir récupéré leur statue, tout comme les Péruviens qui en
2010 ont obtenu de la part du musée Peabody d'histoire naturelle de
l'université de Yale le retour de milliers d'objets (des céramiques, des
outils, des bijoux, des momies humaines ou animales) déterrés il y a un siècle
du site du Machu Pichu par l'explorateur Hiram Bingham III.
Ces objets qui portent
témoignage de la splendeur passée du Machu Pichu, un endroit abandonné par ses
habitants après la conquête espagnole au 16e siècle sont désormais abrités au
musée de Cuzco.
Applaudi comme un succès
diplomatique, l''accord conclu entre le gouvernement péruvien et l'université
de Yale, qui a débouché sur la création d'un centre d'études et de recherche en
collaboration avec l'université nationale de San Antonio Abad del Cusco, a incité le Pérou à réclamer d'autres pièces
détenues par des musées et pays étrangers, notamment la Suède où se trouve une
rare collection de textiles incas à Göteborg. Néanmoins, les autorités de Lima
auront du pain sur la planche pour pouvoir obtenir satisfaction à chacune de leurs revendications.
Pour nombre d'Etats victimes de
pillages, les restitutions reposent simplement sur le fait que ce qui a été
fabriqué in-situ doit y demeurer. Une position logique, sauf que la connaissance
des civilisations offerte par les musées étrangers aurait eu bien du mal à être développée à une époque où voyager était un luxe.
Il y a donc un débat assez
animé entre ceux qui justifient la présence de pièces archéologiques dans de
nombreux musées occidentaux et les défenseurs des patrimoines des pays
concernés qui souvent les ont délaissées faute de moyens pour les montrer au
monde. De plus, même si aujourd'hui, n'importe qui peut voyager à travers la planète, il serait inconcevables que les grands musées soient forcés de restituer
des oeuvres antiques qu'ils ont exposées depuis plus d'un siècle. Heureusement,
les conventions signées il y a 40 ans, ne justifient en général des restitutions que pour
les pièces pillées à partir de 1973, ce qui n'empêche pas nombre de pays de
réclamer des trésors enlevés de leur territoire il y a belle lurette.
Par ailleurs, des
collectionneurs achètent des oeuvres dont ils connaissent la provenance
illégale en pensant les protéger de la destruction, comme cela a été le cas en
1985 lorsque Dominique de Menil avait acquis auprès d'un marchand turc des
fresques byzantines du 13e siècle volées d'une église orthodoxe de Chypre.
En prenant possession de ces
fresques représentant le Christ Pancreator, la Vierge et l'Enfant Jésus
entourés des archanges Gabriel et Michel, Dominique de Menil avait émis des
doutes sur leur provenance pour alors entrer en contact avec les
autorités orthodoxes de Chypre qui avaient confirmé qu'elles avaient été
pillées de l'église de Saint Euphemianos à Lysssi, une localité sous contrôle
turc depuis 1974.
Dominique de Menil avait
pris l'engagement de les restituer à Chypre au bout d'une période de 20 ans
après de longs travaux de restauration entrepris par la Menil Foundation de
Houston qui les exposa en 1998 avec l'espoir de prolonger ce délai mais en 2012, les autorités cypriotes
réclamèrent leur retour. Elles sont à présent exposées à la Fondation byzantine
Makarios III de Nicosie dans l'attente de retrouver leur place d'origine, ce
qui prendra peut-être des années tant que le problème de la partition de Chypre
n'aura pas été réglé.
Restituée en 2011 à la
Turquie par le Musée des Beaux-Arts de Boston, le torse de la statue d'un
Hercule fatigué datant du 2e siècle a trouvé sa place au musée d'Antalya pour être rassemblé avec son autre moitié exhumée en 1980 à Perge, dans le sud du pays.
Selon l'accord conclu
avec les autorités turques, il avait été reconnu que le musée américain avait acquis
en 1981 ce torse de bonne foi sans connaître son exacte provenance.
Toutefois, d'autres
restitutions ont posé plus de problèmes dérangeants, comme celle du cratère de l'artiste
Euphronios, un vase décoré de magnifiques figures. Considéré comme un des rares
chefs d'oeuvre existants de ce maître de l'Antiquité, il avait été pillé en
1971 d'une importante tombe étrusque située sous un tumulus à Cerveteri, au
nord de Rome, pour être acheté auprès d'un antiquaire l'année suivante par le
Metropolitan Museum de New York.
Admiré par des millions
de visiteurs, ce vase a dû être restitué à l'Italie après d'intenses négociations en 2006 en compagnie de 21 autres objets. A cette occasion, les autorités
italiennes avaient célébré l'événement comme une victoire contre les pillards.
Protégé par une cage de
verre, ce vase représentant les dieux Mercure, Hypnos et Thanatos portant le
corps du guerrier Sarpedon, fils de Zeus pour être inhumé après avoir été tué
par Patrocle lors de la guerre de Troie est désormais exposé au musée national
étrusque de Rome qui n'attire pas grand monde.
On aurait donc préféré qu'il
reste au Met pour être contemplé par des millions de personnes au lieu de se
trouver dans un musée où il semble enterré une seconde fois mais dans ces demandes de restitution, la morale
l'emporte de plus en plus sur la raison pour parfois mettre en danger des
trésors qui pourraient être détruits lors de troubles, comme cela est à
craindre à Egypte ou est déjà arrivé en Irak ou ailleurs.