Considéré  comme un des plus grands artistes du mouvement Pop après s'être rendu fameux  avec sa sculpture LOVE, une des oeuvres contemporaines iconiques les plus reproduites au monde,  Robert Indiana est décédé d'une insuffisance respiratoire le 19 mai 2018 à l'âge  de 89 ans.
    Robert  Clark de son vrai nom, avait connu le succès avant même de créer sa série LOVE  présentée à la galerie Stable de New York en 1964. La même année, ses oeuvres  avaient été exposées avec celles d'Andy Warhol à la foire mondiale du Queens.
    Ce  furent néanmoins les quatre lettres de sa sculpture qui prirent le dessus sur  le reste de son oeuvre en incitant des critiques à l'estimer surfaite. En  attendant, LOVE fit sa gloire internationale en devenant pour lui une arme à  double tranchant, le mot  étant reproduit sur 330 millions de timbres poste  qui lui permirent de vivre ensuite dans l'aisance en étant multiplié sous d'autres  formes sans son autorisation ni à son profit.   Un jour avant sa mort, une société qui détenait ses droits avait entamé  une action en justice contre un marchand et son homme de confiance en les  accusant d'avoir isolé l'artiste en écoulant  des reproductions non  autorisées.
Robert Indiana s'était mis en retrait de la scène artistique durant des décennies. Dégoûté du monde l'art new-yorkais et des critiques acerbes qu'il recevait, l'artiste s'était retiré en 1978 dans vieux un manoir à Vinalhaven, une île située au large du Maine qui ne pouvait être atteinte qu'au bout d'un trajet d'une heure par ferry.
En fait, selon
l'historienne d'art Susan Elizabeth Ryan, une enseignante de l'Université de
Louisiane qui écrivit en 2000 un livre intitulé "Robert Indiana: Figures
of Speech" après avoir longuement interviewé l'artiste, ce dernier avait
commencé à élaborer le mot LOVE à la fin de 1964 après avoir songé à celui de
FUCK avec le U versant à droite après s'être séparé d'Ellsworth
Kelly avec lequel il avait eu l'habitude d'échanger des dessins sur des cartes
postales, lui en incluant des mots sur les motifs de couleur tracés par ce dernier.  
 
Pour Kelly, il
s'était agi d'une provocation du fait qu'il tenait à la pure abstraction en
étant horrifié de voir des mots ajoutés sur ce qu'il faisait . Bref, en
décembre 1964, Indiana abandonna sa première idée en faveur du mot LOVE en
l'utilisant sur une série de cartes postales adressées à des amis. Ce fut ainsi
qu'en voyant l'une d'elles, le directeur du Musée d'Art Moderne de New York
lui demanda de créer une version pour la boutique de l'institution et à la fin
de 1965, la carte LOVE du MoMA devint alors un best-seller tandis que des
presse-papiers en aluminium non autorisés d'un groupe de la ville de Philadelphie portant
le mot inondèrent le marché, ce qui incita l'artiste à déposer un brevet pour
des bijoux avant de se mettre à peindre des toiles en trois dimensions.  
 
Pour Barbara Haskell,
la conservatrice du Whitney qui organisa en 2013 la rétrospective Indiana, LOVE
avait plus de nuance que le mot cru qu'il avait créé en premier lieu, lequel ne
laissait pas beaucoup de place à l'imagination alors que par contraste, LOVE était intemporel et universel. Cependant, il avait mis au point un concept
graphique percutant contenant par ailleurs un sentiment profond de peur en le
voyant comme une image précaire issue de sa déception en amour, le O penché
suggérant l'instabilité d'une liaison amoureuse.
 
Pour un gay, le
simple fait d'entrer dans un bar en 1964 pouvait conduire à une arrestation par la police alors pour Indiana, sa vision prudente de l'amour n'était pas vraiment
justifiée et le problème fut qu'il n'évolua plus en se contentant de continuer
à exposer des oeuvres de la série LOVE en donnant au mot un sens avant tout commercial
sans pouvoir faire autre chose par la suite. Cette perception, et l'indifférence
de nombreux collectionneurs et conservateurs qui en découla, le conduisit à
quitter New York en 1978 et à s'isoler dans son île en emmenant avec lui la
première maquette de son mot mythique qu'on retrouvera peut-être dans le fatras
des affaires qu'il a laissées derrière lui.
    Le destin d'Indiana changea durant ces vingt dernières années grâce aux efforts de ses  représentants et à une série d'expositions qui permirent une meilleure  compréhension de son oeuvre et de son interprétation assez sombre du rêve  américain lorsqu'il avait produit durant les années 1960 des peintures  comprenant les mots "Eat" (manger) ou "Die" (Mourir) et  d'autres s'inspirant du  mouvement des droits civiques. Dès lors, sa cote ne cessa  plus de monter alors qu'il n'avait reçu que 1000 dollars pour son créer son  timbre "LOVE" sans se soucier d'obtenir une protection de ses droits.  Fort de sa renaissance, il avait décidé de se montrer plus agressif pour  l'image qu'il avait conçue alors qu'avant 1990, il n'avait pas pu capitaliser  sur les millions de tasses, de porte-clés et d'objets publicitaires reprenant  son fameux logo.
    Il  eut ainsi droit à une rétrospective intitulée "Beyond LOVE" au  Whitney Museum en 2013 alors que le critique Ken Johnson écrivit que ses  oeuvres, richement ambiguës et belles à regarder, étaient un passage entre le  visuel et le verbal, le privé et le public, le physique et le métaphysique.
    Récemment,  ses amis et collègues avaient été inquiets de ne plus recevoir de ses nouvelles  au point d'alerter les autorités locales tandis que 24 heures avant son décès,  Simon Salama-Caro, le directeur de la Morgan Art Foundation, et son fils Marc,  avaient engagé des poursuites devant un tribunal fédéral contre lui, le marchand Michael McKenzie, sa maison d'édition  American Image Art, et  Jamie Thomas ,son  homme de confiance qui veillait sur sa santé.
    Selon  cette plainte, McKenzie et Thomas ont été accusés d'avoir contrôlé le téléphone  et la boîte mail de l'artiste en coupant toute communication avec ses amis et  collègues depuis ces dernières années alors qu'en tentant de le joindre,  ceux-ci s'étaient entendus dire de laisser tomber dans des mots crus étant donné que  l'artiste ne voulait pas recevoir de visiteurs. Les plaignants ont en outre  reproché aux deux hommes d'avoir supervisé la production d'Indiana en la  distribuant sans autorisation et d'avoir de plus écoulé des faux. Pour sa part,  McKenzie a rétorqué qu'il contre-attaquerait bientôt.
    En  attendant, avec LOVE, Indiana avait créé un logo artistique percutant et vraiment  original qui avait séduit un très large public en reléguant cependant au second plan le reste  de son oeuvre, ce qui fut un grand paradoxe dans sa carrière.