Les bons résultats des ventes de New York en novembre 2009 ont redonné le moral aux acteurs du marché de l'art sauf que ce sont de plus en plus les grosses pointures qui ont eu droit à la plus grande part du gâteau.
Dans ce contexte, la 8e édition d'Art Basel Miami a démarré dans un climat de grand optimisme, les exposants étant convaincus de voir le marché de l'art devenir le fer de lance de la reprise économique mondiale, prédite pour le second semestre par les spécialistes.
Ce serait oublier un peu vite que le marché ne vit actuellement que par la grâce de la générosité plutôt intéressée de riches collectionneurs, désormais plus prudents vis à vis des places financières et boursières et dont les achats d'art ont toujours des relents de spéculation. Ce n'est donc pas parce que Sotheby's a pu récemment réaliser unproduit de 134,4 millions de dollars au cours d'une seule vente grâce au 200 One Dollar Bills de Warhol adjugé à 43,7 M$, soit plus de trois fois son estimation haute, ou que Christie's a pu enregistrer un total de 74,15 millions de dollars grâce à des œuvres de Jeff Koons , Peter Doig ou Joan Mitchell, que cela puisse signifier automatiquement une reprise globale pour le marché.
En réalité, ce n'est que le haut du panier qui tourne à un bon régime alors que tout ce qui vaut en-dessous de 15 000 euros reste délaissé. Or, les lots vendus entre 500 euros et ce seuil de 15 000 représentent habituellement le plus gros pourcentage du total des ventes annuelles réalisées dans le monde. Donc, si le marché devait se réduire à ne devenir qu'un club privé accueillant une centaine de millionnaires, il irait de soi que les dés seraient vite pipés. En attendant, une chose est certaine : la marchandise de qualité moyenne ne se vend pratiquement plus alors que les foires à la brocante et les marchés aux Puces, comme celui de Saint-Ouen, sont à l'agonie tout comme les petits collectionneurs sensibilisés par la crise qui n'ont plus les moyens ou les envies d'acheter. Alors, la reprise annoncée par le biais de résultats encourageants n'en est pas une puisque seul le haut du panier du marché reste actif.
Les amateurs ne recherchent désormais que la qualité et la rareté, des critères qui chaque année sont plus difficiles à rencontrer, ce qui fait que les prix sont automatiquement en augmentation puisque les lots les plus convoités sont moins nombreux dans les ventes. Or, c'est la frange des pièces rares et exceptionnelles qui fonctionne le mieux et rien d'autre. Si cette situation devait perdurer, le marché attirerait à la longue de moins en moins d'acteurs et ne vivrait seulement que par les achats mirifiques de quelques dizaines d'amateurs millionnaires jusqu'au jour où ils n'auraient même plus besoin d'emprunter le circuit des salles de vente pour vendre ou acquérir des œuvres qu'ils iraient céder en privé à tout alter ego. De cette manière, le marché se réduirait comme peau de chagrin pour ne plus être qu'un circuit fermé et rien d'autre.
L'appauvrissement patent des petits collectionneurs est forcément un mauvais signe étant donné que cette réalité flagrante a des répercussions sur les professionnels de moyenne envergure qui vivent difficilement sur leurs stocks et ne les renouvellent pas faute d'acheteurs.
Le succès des grandes foires, comme celles d'Art Basel-Miami, Art Basel, la Frieze ou la FIAC n'est en définitive qu'un écran de fumée pour le marché de l'art dont les fondations ont été fragilisées du fait que les tableaux vendus à 10 millions d'euros et plus sont une exception par rapport à des milliers de lots adjugés naguère en dessous de 15 000 euros, ce qui signifie que les résultats splendides enregistrés çà et là sont comme l'arbre qui masque la forêt.
Moins de petits collectionneurs sur le marché, cela représente en outre un recul alarmant pour la culture d'autant plus que les gros acheteurs ne nourrissent pas une même passion pour l'art vu que leurs motivations sont plus tournées vers des formes de placement ou de spéculation qui font que des artistes sont du jour au lendemain propulsés vers les sommets sans pour autant avoir manifesté le talent de maîtres trop négligés aujourd'hui. C'est là un genre d'imposture qui existe malheureusement depuis des lustres et qui se vérifie dans d'autres domaines comme l'économie ou la politique. D'aucuns diront qu'on ne peut que faire avec sauf que le domaine de l'art ne peut souffrir l'incohérence. Il convient donc de faire la part des choses car bien rares sont les artistes actuels qui peuvent prétendre égaler ou surpasser Vinci, Michel-Ange, Caravage , Rembrandt, Van Dyck, Rubens, Vermeer, Watteau, David, Delacroix, Courbet, Monet, Van Gogh, Matisse, Picasso et d'autres qui mirent généralement du temps pour s'affirmer et atteindre la célébrité.