La vente
organisée par Sotheby's le 29 juin à Paris des 140 œuvres provenant de la
collection Ambroise Vollard que le jeune collectionneur serbe Erich Chlomovitch
avait laissées dans un coffre de la Société Générale en 1940 a rapporté 3,5
millions d'euros, soit 16% de plus que l'estimation haute de cet ensemble.
On ne parlera donc pas de succès sans oublier
toutefois que le clou de la collection, un tableau fauve d'André Derain titré
« Arbres à Collioures » a été vendu la semaine précédente séparément à Londres
pour le prix record de 16,3 millions de livres, soit 19,5 millions d'euros.
Les
meilleures enchères obtenues à Paris ont concerné « Le Chapeau
épinglé », de Renoir, une lithographie dans un superbe état, qui a
atteint 252.000 euros, alorsq u'elle était estimée entre 60.000 et
80.000 euros tandis que la gravure de Picasso « Le Repas frugal »
a créé la surprise en étant vendue pourplus de 700.000 euros.
Autre bon résultat : « La Fête de la patronne » de Degas,
a été adjugée à 516.750 euros sur une estimation haute de 300 000
euros mais « Le Portrait de Zola »,une huile sur toile peinte par Cézanne vers 1862-1864 est
restée invendue en ne dépassant pas 528.000 euros.
Les lots vendus par Sotheby's
étaient restées dans un coffre de la Société Générale après le départ en 1940 pour
Belgrade d'Erich Chlomovitch qui après la mort d'Ambroise Vollard, qu'il avait
brièvement connu, avait obtenu près de 500 œuvres de la part de Lucien, le
frère de ce dernier, après l'avoir convaincu d'organiser une exposition de
celles-ci dans son pays.
Rentré en
Serbie en 1940, Chlomovitch avait été arrêté deux ans plus tard en tant que
juif puis gazé dans sa propre voiture par les nazis. Sa mère avait ensuite
tenté de mettre en lieu sûr les 350 œuvres qu'il avait emportées à Belgrade mais
avait péri dans un accident de train alors qu'elle tentait de les transférer
dans une ferme pour les y cacher. Rescapée de cet accident, Mara Hertzler, sa belle-fille,était
parvenue à récupérer les oeuvres des caisses éventrées tandis que pour se
chauffer, des soldats avait fait du feu avec des estampes de Picasso échappées
de celles-ci. Mara Hertzler avait réussi ensuite à dissimuler les tableaux dans
un double mur de cette ferme avant que les autorités
yougoslaves ne parvinssent à les découvrir et à les saisir. Ceux-ci sont
aujourd'hui au Musée national de Belgrade.
Quant aux
140 œuvres laissées dans le coffre de la Société Générale à Paris, les
responsables de la banque ouvrirent celui-ci en 1950 pour décider ensuite de le
refermer en jugeant son contenu comme étant de peu de valeur.
Se rendant compte
que la location de ce coffre n'avait pas été payée depuis près de 40 ans, la banque
décida l'ouvrir en 1979 et de vendre son contenu à Drouot en guise de
dédommagement mais suite à une action en justice des ayants-droit de Vollard et
des héritiers Chlomovitch, la vente fut annulée.
A la suite de divers
procès, les oeuvres provenant du coffre de la Société Générale revinrent
finalement à Mme Hélène Sébastien, veuve de Louis Sébastien, le neveu d'Edouard
Jonas qui à la fin des années 1940 s'était manifesté comme le représentant des
soeurs Vollard. En compagnie du marchand Martin Fabiani, celui-ci avait notamment
récupéré en mai 1949 à Ottawa
près de 600 tableaux de la collection Vollard que ce dernier avait cherché à
transférer en 1940 sur le cargo l'Excalibur alors en partance pour les Etats-Unislequel avait été arraisonné par les Anglais près des Bermudes. On comprend ainsi que cette vente du 29 juin a suscité un certain intérêt sans toutefois faire vraiment sauter les compteurs.