La Foire internationale de l'art contemporain (FIAC)
a ouvert ses portes le 20 octobre 2010 pour offrir comme à l'accoutumée un
double visage avec d'un côté des œuvres d'artistes consacrés et de l'autre des
créations souvent discutables qui ne sont guère de nature à apporter un éclairage
nouveau sur l'art d'aujourd'hui.
Cette inauguration s'est déroulée dans un climat
tendu engendré par une série de grèves pour protester contre la réforme des
retraites en France lesquelles ont culminé avec des pénuries d'essence dans les
stations services et curieusement, la FIAC a semblé par mimétisme être en panne
de sens pour laisser les visiteurs dubitatifs.
En fait, il y a toujours eu deux formes d'art
présentées chaque année depuis la création de cet événement qui fait courir le
Tout-Paris comme le menu peuple à une fête foraine et à chaque fois, cette
manifestation parvient à sauver les meubles grâce à des artistes confirmés, hélas pour la
plupart disparus.
Pourtant, le propos premier de la FIAC a été de faire
découvrir de nouveaux talents, ce qui naguère a été le cas mais à présent, elle
semble s'emmêler les pinceaux quand il s'agit de définir ce qu'est l'art contemporain.
Ainsi, la présentation d'une accumulation d'animaux des forêts morts empilés
les uns sur les autres (Galerie Zwirmer, New York) tient beaucoup moins de l'art que de
la réflexion sur le sort du monde animal. D'autre part, on voit mal un amateur
épater la galerie en exposant dans son appartement une série de mannequins
déchiquetés accompagnés de clichés de cadavres de personnes décédées de mort
violente alors qu'un paravent constitué de râpes à carotte ou à fromage pose la
question de savoir s'il s'agit d'une œuvre d'art ou d'un objet simplement digne
de figurer dans une boutique de Design. De plus, il y a de quoi rester pantois
devant cette peau de buffle tannée destinée plutôt à confectionner un blouson placée
sur un mur avec l'idée de lui apposer le label d'art contemporain.
Il y a donc bien deux genres bien distincts qui
s'opposent au Grand Palais, à savoir celui qui fait la force de la Foire internationale de l'art
contemporain avec la représentation d'œuvres créées par des artistes
recherchés, tels Jean-Michel Basquiat, Andy Warhol, Alexandre Calder, Fernand
Léger, Mark Tobey, Gilbert & George, Duane Hanson ou Cindy Sherman pour ne
citer que ceux-là avec cette année un hommage appuyé à Jean-Pierre Pincemin à la Galerie
Applicat-Prazan et la « Foire internationale de l'art con »
avec des créations morbides, des installations qui font sourire, des œuvres
insipides en néon mises déjà au point par d'obscurs artistes au
début des années 1980, des sculptures mal fagotées, des photographies sans
grand intérêt, des tableaux qui frisent la débilité, des créations tout juste
bonnes à orner des vitrines de magasins de jouets et des pièces moches à
souhait à côté desquelles des nains de jardins feraient figure de chefs
d'œuvre.
Au final, le spectacle n'était pas toujours dans les
stands où on a admiré une belle sélection d'œuvres expressionnistes allemandes
toutefois vieilles de près de cent ans mais dans les allées où déambulaient de
ravissantes jeunes femmes perchées sur de hauts talons et des personnages assez
déjantés qui à eux seuls dégageaient une profonde aura artistique. Tout ça pour
dire que la FIAC est un lieu où il convient de se montrer histoire de prouver
qu'on est « in » et pour d'autres de s'extasier devant des créations
dénuées d'inventivité mais savamment présentées par des galeristes dotés d'un
sens aigu du marketing qui sont capables de vendre du fil de fer barbelé pour de l'or.
Sans nul doute, la FIAC remportera un certain succès,
d'une part grâce à des exposants qui auront su montrer des pièces de qualité et
d'autre part, à travers des ventes d'œuvres contestables qui auront séduit des
gogos dont le niveau de connaissance en matière d'art contemporain est très limité.
A cet égard, on en revient à la sempiternelle
question de savoir ce qu'est l'art contemporain, un sujet qui a profondément divisé les
critiques depuis que Warhol a bousculé les choses il y a maintenant plus de 40
ans. Auparavant, l'art se nourrissait de paramètres, de mouvements,
d'évolutions à travers des fils conducteurs discernables. Du classique, on était passé au
Cubisme, à l'Abstraction et au Pop Art puis après la disparition de ce grand
maître que fut Picasso une brèche se créa dans laquelle s'engouffrèrent nombre
d'artistes décidés à réinventer l'art à travers des thèmes liés au quotidien,
aux questionnements des individus, à la guerre, à la société de consommation, à
la révolution sociale ou aux misères du monde sans se priver de jouer la
provocation. L'art ne s'est donc plus cantonné à l'esthétisme, au symbolisme,
au mystère, à la couleur, à la réflexion pure ou au côté surréaliste des choses
pour prendre alors le chemin de la dérision, du détournement des images d'actualités
ou de bandes dessinées et du n'importe quoi pour devenir finalement le reflet d'un univers confronté
à ses extravagances, ses errements et ses cauchemars. Bref, comme disait
Duchamp « Tout est Art » sauf qu'à présent, on ne sait plus ce qu'est
vraiment l'art.
Histoire de trouver un palliatif vivifiant à cette
FIAC en panne de sens, les amateurs auront eu l'occasion de se régaler enfin en
visitant la manifestation « Art Elysées » organisée avenue des
Champs-Elysée où les sélections d'œuvres contemporaines ont semblé bien plus
judicieuses. Cela prouve quelque part que la FIAC aura eu quand même du bon en
servant de locomotive à d'autres événements autrement plus instructifs durant cette semaine cruciale pour le bon fonctionnement du marché.
Adrian
Darmon