Le Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris consacre du 15 octobre 2010 au 30 janvier 2011 une importante rétrospective de l'oeuvre de Jean-Michel Basquiat mort prématurément en 1988 d'une overdose à l'âge de 27 ans.
Il s'agit là d'un événement majeur en France d'autant plus que seules deux oeuvres de cet artiste hors du commun figurent dans musées du pays, le Centre Pompidou et le Musée de Marseille, ce qui est vraiment peu à en juger par le succès posthume qu'il remporta aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde.
Il convient de signaler que les responsables des musées français n'eurent pas le nez creu lorsque les oeuvres de Basquiat, qui vécut un temps en France, pouvaient être achetées dans les années 1980 à des prix dérisoires alors qu'elles atteignent désormais les sommets dans ventes aux enchères. Ceux-ci considérèrent probablement que les artistes adeptes du Street Art comme Basquiat, Keith Haring et d'autres n'étaient qu'un épiphénomème et qu'il était inutile de s'intéresser à leurs travaux. Sacrée bourde...
Basquiat serait âgé de 50 ans aujourd'hui et aurait certainement produit cinq fois plus d'oeuvres que durant son éphémère carrière pour atteindre une dimension artistique encore plus importante que celle d'Andy Warhol qu'il parvint à subjuguer mais l'histoire étant impossible à refaire, on retiendra au moins qu'il fut l'initiateur d'une peinture novatrice et étonnament révélatrice des angoisses et des questionnements des jeunes immigrés de son temps.
Né à Brooklyn d'un père haïtien et d'une mère portoricaine, Jean Michel Basquiat commença à 16 ans à couvrir de graffiti les murs et les palissades de chantiers de New York en nourrissant le rêve fou de devenir une star et de ne pas être simplement un artiste noir dans un univers dominé par les blancs.
Cet écorché vif attiffé comme un "zoulou" des années 1940 dut pour assurer sa maigre subsistance vendre dans la rue des cartes postales et des tee-shirts qu'il produisait jusqu'au jour où il eut l'audace de pénétrer dans un restaurant de Manhattan pour vendre un petit format à Andy Warhol qui au départ fut énervé d'être dérangé par ce personnage à la coiffure afro et au regard un peu fou avant de devenir son mentor et même d'élaborer avec lui des oeuvres en commun.
Peindre fut pour Basquiat une manière d'exorciser ses démons et d'essayer de répondre à ses interrogations existentielles à travers des références à l'histoire de la peinture, à celle de la conditions des noirs américains et aux symboles liés au quotidien de la rue.
Le crâne humain brossé avec un mélange d'humour et de désespoir tout en servant d'autoportrait, figura souvent comme une introspection de son identité dans son oeuvre où il mélangea des mots, des signes, des images, des collages de photocopies et des graffiti pour exprimer ses sentiments.
Fragile, angoissé et habité de l'obsession de devenir célèbre, Basquiat vécut comme un James Dean de l'art, attirant les regards sur lui et travaillant à toute vitesse comme s'il pressentait qu'il allait mourir jeune. La mort inattendue de Warhol en 1987 le dévasta au point d'aller jusqu'à croire que sa carrière était foutue sans se douter qu'il était en train de révolutionner le monde de l'art. Sombrant donc dans le désespoir après la disparition de son mentor, il mourut d'une overdose d'héroïne le 12 août 1988.
Adrian Darmon
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