Le Grand Palais à Paris présente du 23 mars au 20 juin 2011 la première rétrospective consacrée à l'artiste onirique Odilon Redon (1840-1916), un des grands maîtres du symbolisme qui fut le contemporain des peintres impressionnistes dont l'oeuvre poétique reste aujourd'hui encore très mystérieuse.
Les quelque 240 peintures, pastels, dessins et lithographies présentées au Grand Palais permettront aux visiteurs de mieux cerner la personnalité de cet artiste énigmatique qui mania avec maestria la couleur pour essayer de pénétrer le domaine du rêve avec l'âme d'un chercheur maniaque.
Après avoir été jusqu'à 40 ans un artiste solitaire déterminé à décortiquer les formes pour découvrir une sorte de pierre philosophale à l'ombre de son atelier, Redon finit par susciter l'admiration de nombreux écrivains, poètes et artistes comme Mallarmé, Huysmans, Vuillard, Bonnard ou Matisse ainsi que nombre de pionniers avant-gardistes comme les Fauves, les Abstraits ou les Surréalistes.
Né à Bordeaux le 22 avril 1840, Odilon Redon fut souvent associé à Gustave Moreau et Puvis de Chavannes, deu autres maîtres du symbolisme français. De la génération de Monet, Sisley et Renoir, il fut un admirateur de l'oeuvre de Delacroix tout en étant un des premiers à reconnaître l'art de Piassarro mais il préféra se fier à son instinct plutôt que de s'associer au mouvement impressionniste qu'il considérait comme peu imaginatif.
En fait, Redon insista sur le rôle de l'imagination dans l'art dès ses débuts en critiquant ceux qui voulaient restreindre l'art de peindre en ne reproduisant que ce qui était visible tout en reconnaissant qu'il fallait au préalable être en possession de son langage et de prendre dans la nature les moyens nécessaires d'expression.
Pour lui, l'art véritable était dans la vérité sentie et s'il ne retint pas grand chose de l'enseignement de Jean-Léon Gérôme, il porta son intérêt sur les fleurs grâce au botaniste Clavand et à la gravure sous l'influence de Bresdin.
Redon étudia la nature en amoureux, dessinant sans relâche et avec minutie des plantes et des arbres pour acquérir un langage personnel propre à traduire le monde de ses visions.
"J'aitoujourséprouvé lanécessité decopier la nature endes objets menus, particuliers, fortuits ouaccidentels. C'est seulement après un effort de volonté pour représenter minutieusement un brin d'herbe, une pierre, une branche, le pan d'un vieux mur que je suis pris comme d'un tourment pour créer de l'imaginaire", souligna-t-il dans ses écrits.
Redon insista souvent sur le fait que son imagination avait ses racines dans l'observation de la nature, que les êtres fantasques qu'il créait, les visions souvent démoniaques qu'il transposait en blanc ou en noir appartenaient à un monde qui n'était jamais totalement détaché de la réalité.
Son originalité fut donc de faire vivre humainement des êtres invraisemblables selon les lois du vraisemblable en mettant la logique du visible au service de l'invisible.
Il ne pensait pas ses rêves comme Moreau ou ne les polissaient pas comme Puvis de Chavannes mais traduisait des choses qu'il avait vues ou senties et ce, dans un langage purement plastique pour atteindre des effets mystérieux par des lignes, des contrastes, la composition ou la couleur en s'attachant à ce que la poésie fasse partie de son imagination.
Redon vécut ainsi dans un monde de rêves beaux et inquiétants faisant partie de sa réalité sans se soucier d'explorer leur signification mais de les exprimer par de riches et puissantes couleurs ou par les subtiles oppositions de noir et de blanc, comme le nota John Rewald.
Visionnaire, Redon réalisa de délicats pastels, des fleurs de rêve et de vérité, peignit des flots tumultueux et des personnages fabuleux ou simples, des figures douces ou hallucinantes, des femmes fées ou déesses et des compositions fièvreuses avec un talent éblouissant en faisant chanter des éléments naturels comme le soleil, le feu, l'eau ou le ciel avec des irisations et des reflets propres à susciter l'enchantement.
Pendant de longues années, Redon travailla sans attirer l'attention sur ses oeuvres sans même chercher à faire reconnaître son talent. Il débuta sa carrière en produisant des eaux-fortes puis s'adonna à la lithographie pour publier alors une série d'albums comme "Dans le Rêve" (1879), "AEdgarPoe" (1882) "Les Origines" (1883), "Hommage à Goya" (1885), "La Nuit" (1886), "L'Apocalypse de saint jean" (1889) ou "Songe" (1891). Il illustra également divers ouvrages, notamment " La Tentation de saint Antoine" de Gustave Flaubert (1888-89-96) ou "Les Fleurs du Mal" de Baudelaire ainsi que quelques frontispices.
Son premier album de lithographies parut en 1879 et sa première exposition eut lieu en 1881 dans les locaux de l'hebdomadaire "La Vie Moderne" sans même être annoncée dans ce périodique mais lors d'une deuxième exposition l'année suivante, il fut remarqué par le jeune critique Emile Hennequin qui s'enthousiasma sur son oeuvre dans un article élogieux à son égard en écrivant : "M. Odilon redon doit être considéré comme un de nos maîtres et comme un maître hors ligne qui, Goya mis à part, n'a ni ancêtre ni émule. Il a su conquérir sur les confins du réel et du fantastique un domaine désolé, qu'il a peuplé de fantômes formidables, de monstres, de monades, d'êtres composites, formés de toutes les perversités humaines, de toutes les bassesses bestiales, de toutes les terreurs des choses inertes et nuisibles", à la suite de quoi les écrivains symbolistes découvrirent l'originalité de l'artiste pour l'acclamer comme l'un des leurs.
Redon se sentit toutefois mal à l'aise au milieu de ses nouveaux admirateurs qui lui demandaient avidement de leur faire part de ses préceptes et théories alors qu'il les invitait seulement à broder sur les images qu'il leur offrait. En fait, au contraire de Moreau qui avait enfermé l'imagination dans une profusion de détails, ou de Puvis de Chavannes qui l'avait simplifiée d'une manière austère, Redon se voulut vague sans être vaporeux en évoquant sans préciser pour susciter une impression profonde mais indescriptible comme celle provoquée par la musique.
L'artiste obéissait sonc à son imagination sans rompre son emprise car selon lui, rien ne pouvait se faire en art par la volonté seule mais la soumission docile à la survenue de l'inconscient.
Redon subjugua également d'autres artistes comme Emile Bernard, Cézanne, Van Gogh et ceux du groupe des Nabis, Bonnard, Vuillard ou Denis qui le tirèrent de son isolement et le firent enfin connaître du grand public lors d'une exposition organisée par Durand-Ruel en 1899.
Enfin célébré, Redon vit de nombreux artistes de la nouvelle génération, notamment Matisse, venir chez lui où il prit alors plaisir à organiser des repas hebdomadaires très courus par ses admirateurs. Après des expositions chez Durand-Ruel et Vollard, il eut l'honneur de se voir consacrer une salle entière au Salon d'Automne de 1904 avant de montrer ses oeuvres à l'étranger à partir de 1913, notamment à Gand, Amsterdam, Chicago, New-York et Boston mais ce ne fut qu'après sa mort en 1916 qu'on commença à prendre vraiment la pleine mesure de son génie.
Le Grand Palais à Paris présente du 23 mars au 20 juin 2011 la première rétrospective consacrée à l'artiste onirique Odilon Redon (1840-1916), un des grands maîtres du symbolisme qui fut le contemporain des peintres impressionnistes dont l'oeuvre poétique reste aujourd'hui encore très mystérieuse.
Les quelque 240 peintures, pastels, dessins et lithographies présentées au Grand Palais permettront aux visiteurs de mieux cerner la personnalité de cet artiste énigmatique qui mania avec maestria la couleur pour essayer de pénétrer le domaine du rêve avec l'âme d'un chercheur maniaque.
Après avoir été jusqu'à 40 ans un artiste solitaire déterminé à décortiquer les formes pour découvrir une sorte de pierre philosophale à l'ombre de son atelier, Redon finit par susciter l'admiration de nombreux écrivains, poètes et artistes comme Mallarmé, Huysmans, Vuillard, Bonnard ou Matisse ainsi que nombre de pionniers avant-gardistes comme les Fauves, les Abstraits ou les Surréalistes.
Né à Bordeaux le 22 avril 1840, Odilon Redon fut souvent associé à Gustave Moreau et Puvis de Chavannes, deu autres maîtres du symbolisme français. De la génération de Monet, Sisley et Renoir, il fut un admirateur de l'oeuvre de Delacroix tout en étant un des premiers à reconnaître l'art de Piassarro mais il préféra se fier à son instinct plutôt que de s'associer au mouvement impressionniste qu'il considérait comme peu imaginatif.
En fait, Redon insista sur le rôle de l'imagination dans l'art dès ses débuts en critiquant ceux qui voulaient restreindre l'art de peindre en ne reproduisant que ce qui était visible tout en reconnaissant qu'il fallait au préalable être en possession de son langage et de prendre dans la nature les moyens nécessaires d'expression.
Pour lui, l'art véritable était dans la vérité sentie et s'il ne retint pas grand chose de l'enseignement de Jean-Léon Gérôme, il porta son intérêt sur les fleurs grâce au botaniste Clavand et à la gravure sous l'influence de Bresdin.
Redon étudia la nature en amoureux, dessinant sans relâche et avec minutie des plantes et des arbres pour acquérir un langage personnel propre à traduire le monde de ses visions.
"J'aitoujourséprouvé lanécessité decopier la nature endes objets menus, particuliers, fortuits ouaccidentels. C'est seulement après un effort de volonté pour représenter minutieusement un brin d'herbe, une pierre, une branche, le pan d'un vieux mur que je suis pris comme d'un tourment pour créer de l'imaginaire", souligna-t-il dans ses écrits.
Redon insista souvent sur le fait que son imagination avait ses racines dans l'observation de la nature, que les êtres fantasques qu'il créait, les visions souvent démoniaques qu'il transposait en blanc ou en noir appartenaient à un monde qui n'était jamais totalement détaché de la réalité.
Son originalité fut donc de faire vivre humainement des êtres invraisemblables selon les lois du vraisemblable en mettant la logique du visible au service de l'invisible.
Il ne pensait pas ses rêves comme Moreau ou ne les polissaient pas comme Puvis de Chavannes mais traduisait des choses qu'il avait vues ou senties et ce, dans un langage purement plastique pour atteindre des effets mystérieux par des lignes, des contrastes, la composition ou la couleur en s'attachant à ce que la poésie fasse partie de son imagination.
Redon vécut ainsi dans un monde de rêves beaux et inquiétants faisant partie de sa réalité sans se soucier d'explorer leur signification mais de les exprimer par de riches et puissantes couleurs ou par les subtiles oppositions de noir et de blanc, comme le nota John Rewald.
Visionnaire, Redon réalisa de délicats pastels, des fleurs de rêve et de vérité, peignit des flots tumultueux et des personnages fabuleux ou simples, des figures douces ou hallucinantes, des femmes fées ou déesses et des compositions fièvreuses avec un talent éblouissant en faisant chanter des éléments naturels comme le soleil, le feu, l'eau ou le ciel avec des irisations et des reflets propres à susciter l'enchantement.
Pendant de longues années, Redon travailla sans attirer l'attention sur ses oeuvres sans même chercher à faire reconnaître son talent. Il débuta sa carrière en produisant des eaux-fortes puis s'adonna à la lithographie pour publier alors une série d'albums comme "Dans le Rêve" (1879), "AEdgarPoe" (1882) "Les Origines" (1883), "Hommage à Goya" (1885), "La Nuit" (1886), "L'Apocalypse de saint jean" (1889) ou "Songe" (1891). Il illustra également divers ouvrages, notamment " La Tentation de saint Antoine" de Gustave Flaubert (1888-89-96) ou "Les Fleurs du Mal" de Baudelaire ainsi que quelques frontispices.
Son premier album de lithographies parut en 1879 et sa première exposition eut lieu en 1881 dans les locaux de l'hebdomadaire "La Vie Moderne" sans même être annoncée dans ce périodique mais lors d'une deuxième exposition l'année suivante, il fut remarqué par le jeune critique Emile Hennequin qui s'enthousiasma sur son oeuvre dans un article élogieux à son égard en écrivant : "M. Odilon redon doit être considéré comme un de nos maîtres et comme un maître hors ligne qui, Goya mis à part, n'a ni ancêtre ni émule. Il a su conquérir sur les confins du réel et du fantastique un domaine désolé, qu'il a peuplé de fantômes formidables, de monstres, de monades, d'êtres composites, formés de toutes les perversités humaines, de toutes les bassesses bestiales, de toutes les terreurs des choses inertes et nuisibles", à la suite de quoi les écrivains symbolistes découvrirent l'originalité de l'artiste pour l'acclamer comme l'un des leurs.
Redon se sentit toutefois mal à l'aise au milieu de ses nouveaux admirateurs qui lui demandaient avidement de leur faire part de ses préceptes et théories alors qu'il les invitait seulement à broder sur les images qu'il leur offrait. En fait, au contraire de Moreau qui avait enfermé l'imagination dans une profusion de détails, ou de Puvis de Chavannes qui l'avait simplifiée d'une manière austère, Redon se voulut vague sans être vaporeux en évoquant sans préciser pour susciter une impression profonde mais indescriptible comme celle provoquée par la musique.
L'artiste obéissait sonc à son imagination sans rompre son emprise car selon lui, rien ne pouvait se faire en art par la volonté seule mais la soumission docile à la survenue de l'inconscient.
Redon subjugua également d'autres artistes comme Emile Bernard, Cézanne, Van Gogh et ceux du groupe des Nabis, Bonnard, Vuillard ou Denis qui le tirèrent de son isolement et le firent enfin connaître du grand public lors d'une exposition organisée par Durand-Ruel en 1899.
Enfin célébré, Redon vit de nombreux artistes de la nouvelle génération, notamment Matisse, venir chez lui où il prit alors plaisir à organiser des repas hebdomadaires très courus par ses admirateurs. Après des expositions chez Durand-Ruel et Vollard, il eut l'honneur de se voir consacrer une salle entière au Salon d'Automne de 1904 avant de montrer ses oeuvres à l'étranger à partir de 1913, notamment à Gand, Amsterdam, Chicago, New-York et Boston mais ce ne fut qu'après sa mort en 1916 qu'on commença à prendre vraiment la pleine mesure de son génie.