Alors que les Etats-Unis et l'Europe sont restés confrontés
à une angoissante récession en cette fin d'année 2011, le marché de l'art a
continué à s'activer comme si de rien n'était.
En dépit des mauvais signaux économiques et de la menace de
dégradation du triple A de plusieurs pays européens, dont l'Allemagne et la
France, le marché de l'art a donc engrangé des enchères tonitruantes, notamment
lors de la vente chez Christie's à New York des bijoux de la star de cinéma Liz
Taylor où les compteurs se sont affolés tandis que nombre de prix records ont
été enregistrés ça et là pour divers artistes, notamment Jean-Michel Basquiat,
Roy Lichtenstein, Zao Wou Ki, Soulages ou Nicolas de Staël dont un nu s'est
vendu pour 6 millions d'euros chez Artcurial à Paris.
Pour l'instant, le marché n'a pas connu la crise, du moins
pour les oeuvres rares, donc recherchées, mais les pièces de qualité moyenne ont continué à rester boudées des amateurs.
Reste à savoir si le marché de l'art continuera à tenir le
cap en 2012 lorsque la récession n'aura pas manqué de s'amplifier aux
Etats-Unis et surtout en Europe laquelle a été promise à une croissance zéro
pour le premier semestre, ce qui par ricochet pourrait ralentir les
exportations des pays émergents comme l'Inde ou la Chine et plonger la planète
dans un marasme sans précédent.
Certains indices sont de nature à tempérer l'optimisme
régnant pour l'instant sur le marché, particulièrement dans les domaines de la
peinture ancienne, où nombre d'œuvres sont restées invendues durant le dernier
trimestre de 2011 alors que certaines ventes d'art asiatique ont marqué le pas
et que les riches amateurs chinois ou russes ont commencé à réfréner leur
frénésie d'achats.
Il n'en demeure pas moins que le marché de l'art a été
considéré comme bien plus sûr que les places financières ou boursières par des
investisseurs soucieux de placer leurs avoirs au chaud en période de crise.
Il ne faut toutefois pas oublier qu'une bonne partie du
monde industrialisé est passé de la crise à une récession nettement plus
inquiétante et que pour se sortir de cette situation, les Etats concernés
devront appliquer de sévères mesures d'austérité à leurs populations.
Appelée à durer un certain temps, la récession affectera tôt
ou tard le marché de l'art du fait que plusieurs de ses acteurs auront moins
d'argent pour se permettre d'acheter des œuvres à des prix mirobolants comme
cela est survenu après la Guerre du Golfe de 1991 sans compter que de riches
Japonais ayant précédemment investi des
millions de dollars dans des achats d'œuvres impressionnistes se trouvèrent à
cette époque dans l'incapacité de les proposer à la vente du fait que les
offres sur le marché avaient fini par dépasser de loin les demandes.
Il va sans dire que si elles servent à sécuriser un
patrimoine, les œuvres d'art importantes ont une faible utilité lorsqu'il
s'agit en cas de récession de récupérer rapidement du cash pour combler des
pertes sur les marchés financiers ou boursiers. Le risque est donc grand de
voir arriver le moment où l'offre sera inférieure à la demande sur le marché de
l'art d'autant plus que le nombre des acheteurs nantis aura mathématiquement
baissé.
On n'en est pas encore là car la baisse de l'euro face au
dollar aura tendance à favoriser les achats de précaution pour un temps mais si
la planète devait s'enfoncer dans une récession profonde, les liquidités
viendraient à manquer pour certains investisseurs tirant leurs revenus de
sociétés industrielles ou commerciales axées vers les exportations lesquels
pourraient se trouver obligés de réduire leur train de vie comme cela est
arrivé après la crise de 1929.
Pour le reste, certains événements survenus en 2011 ont pesé
sur le domaine de l'art, notamment les révolutions dans le monde arabe qui ont
entraîné des pillages archéologiques en Egypte, en Tunisie ou en Libye alors
que la crise économique a forcé plusieurs pays à réduire les budgets de leurs
ministères de la Culture. L'année 2012 ne s'annonce pas plus calme avec les incertitudes liées aux négociations de paix au Proche-Orient et à la situation en Syrie ou la menace d'une fermeture du détroit d'Ormouz par l'Iran en représailles des mesures prises à son encontre par les Etats-Unis ou l'Europe.
Le premier trimestre de 2012 constituera un sérieux test
pour le marché de l'art. On verra alors si les ventes de prestige attireront
toujours autant d'acheteurs millionnaires en espérant qu'une dégringolade
des prix pourra être évitée. On a toutefois constaté que tout était lié dans le monde d'aujourd'hui,
que si le Dow Jones frissonne, les bourses européennes toussent et que si la
crise a un effet néfaste sur le pouvoir d'achat des individus, elle entraîne des
ralentissement dans plusieurs secteurs économiques. A l'évidence, le marché de
l'art a jusqu'à présent constitué un Eden face à la crise mais dans le cas d'une récession, il
risquera de devenir à son tour un purgatoire.
Adrian Darmon