Jeudi19 juillet 2007, l'atmosphère des vacances a plané dans l'Hôtel Drouot où les rares ventes courantes n'ont pas permis aux chineurs de rêver. Les seuls endroits susceptibles de les faire vibrer ont été les musées sauf qu'à Beaubourg ils ont probablement eu de quoi s'interroger devant les oeuvres plutôt déroutantes d'Annette Messager.
Agée de 64 ans, l'artiste qui a obtenu le Lion d'Or de la Biennale de Venise en 2005, a produit des oeuvres construites par séries s'imbriquant les unes dans les autres qui ont eu l'art de provoquer chez le spectateur des sentiments contradictoires, entre attraction et répulsion.
Le Centre Pompidou lui a consacré tout un espace pour exposer son répertoire de formes et de matériaux constitué de peluches, animaux naturalisés, tissus,laine, photographies et dessins offrant au regard un étrange ballet oscillant entre fête foraine et cabinet de l'étrange où se côtoient le morbide, la dérision, l'humour et le grinçant.
Autant dire qu'il est difficile de s'y retrouver même si on comprend peu ou prou le propos de l'artiste qui, célébrée sur la scène internationale, se laisse aller à d'incroyables fantasmes qui l'amènent tour à tour à plonger dans le cocasse, à sombrer dans la mélancolie, à déraper dans le morbide, à glisser dans la folie ou à se livrer à un genre qui frise l'obscénité dans certaines de ses oeuvres. On ressort de cette visite avec l'impression d'avoir été confronté à un grand guignol et si on désire se ressourcer avec l'espoir de mieux appréhender l'art contemporain, on ne sera guère servi avec l'exposition "Airs de Paris" qui offre pêle-mêle des oeuvres d'artistes aussi différents les uns que les autres sans objectif précis sinon que de nous offrir un parcours bizarre qui se termine en queue de poisson. Entre les oeuvres chocs composées de la laine parfois fétide d'Annette Messager et la pesanteur de cette exposition, on a vraiment du mal à trouver son souffle. C'est à se demander si le propre de l'art contemporain présenté cet été à Beaubourg ne serait pas d'ajouter à l'asphyxie qui nous gagne en respirant l'air plombé de la capitale.
LE COUP FUMANT DE CHARLES BAILLY
Vendredi 20 juillet 2007, rien d'excitant à voir au marché aux Puces de Saint-Ouen où le marchand de tableaux anciens Charles Bailly a toutefois circulé l'air hilare et pour cause, il a fait un coup fumant il y a peu à l'Hôtel Drouot en achetant pour 100 000 euros un tableau de maître dont il a tu le nom lequel vaudrait à ses yeux près de dix millions de dollars. Vendue sur catalogue, cette oeuvre était selon lui répertoriée dans les collections royales depuis1643. Apparemment, l'expert de la vente n'y a vu que du feu...
MONET DE SINGE POUR J.R
Dans l'après-midi, rencontre avec un "J.R" déconfit qui croyait dur comme fer obtenir un certificat d'authenticité pour un tableau impressionniste, en l'occurrence un Monet, chiné pour rien.
Le pauvre se voyait déjà prendre sa retraite en Espagne en espérant encaisser près de 300 000 euros pour sa toile représentant des meules mais non signée après avoir été la soumettre à l'Institut Wildenstein où on lui avait laissé miroiter une authentification, non sans omettre de lui réclamer 1200 euros pour cette soumission. Las, le verdict est tombé. Ce n'est pas un Monet. Commentaire de l'intéressé: "On n'a cependant pas oublié de me faire passer la monnaie pour cette expertise".
Ayant eu du mal à supporter de débourser 1200 euros pour s'entendre ensuite dire que le tableau qu'il croyait être un chef d'oeuvre n'était finalement qu'une crôute, "J.R" s'est retrouvé obligé de courir à nouveau les foires à la brocante en quête d'un trésor bien plus difficile à dénicher que dans une salle de vente où les amateurs nantis comme Charles Bailly peuvent se permettre de jouer des sommes conséquentes pour espérer faire ensuite de belles culbutes.
Profondément dépité mais rompu malgré tout à subir sans arrêt des désillusions, l'affreux « J.R » a cessé de s'épancher sur ses déboires pour se mettre ensuite à me parler d'un bas-relief en bois de Gauguin tout juste trouvé dans une foire ainsi que d'une petite toile représentant une jeune fille qui à son avis serait de Renoir puis, plongeant la main dans le sac qu'il avait avec lui, il m'a sorti ses deux découvertes avec une mine triomphante.
A la vue de son bas-relief représentant une Tahitienne sculptée d'une main malhabile, je me suis mis à rigoler tout en lui balançant que cette chose n'avait strictement rien à voir avec Gauguin, ce qui a eu pour effet de le faire sortir de ses gonds.
« Je ne suis pas d'accord avec vous. Le bois est du bien du XIXe siècle et il n'y a que Gauguin qui a sculpté des Tahitiennes ! », s'est-il exclamé un brin énervé.
« Si vous êtes aussi sûr de son authenticité, il ne vous reste plus qu'à aller soumettre votre trouvaille à l 'Institut Wildenstein. Vous connaissez d'ailleurs le tarif », lui ai-je répondu sur un ton narquois.
« Et ça, vous allez me dire que ce n'est pas de Renoir, je suppose », a-t-il rétorqué brutalement en me montrant son fameux portrait de jeune fille, peint certes avec une touche impressionniste mais dans un style ne rappelant nullement celui du célèbre artiste.
«Vous avez la rare faculté de faire passer des vessies pour des lanternes. Allons, un peu de sérieux », ai-je répliqué d'une voix agacée tout en subodorant que fauché comme les blés, le bougre allait essayer de me convaincre d'acheter sa croûte dans l'espoir de me soutirer quelque argent, ce qu'il n'a pas manqué de faire dans les secondes qui ont suivi.
Voyant son numéro de prestidigitateur tourner au fiasco, l'impayable « J.R » s'est alors abaissé à me supplier de lui consentir un prêt d'une centaine d'euros en me promettant un remboursement augmenté de 50 euros au bout d'une semaine, un exploit extraordinaire de sa part vu que l'animal n'a jamais tenu parole vis à vis de ses créanciers.
« Tenez, je vous laisse en dépôt mon Renoir contre ces cent euros. C'est correct, non ? », a-t-il dit en insistant lourdement.
« Cent euros contre un vulgaire morceau de toile qui serait adjugé dix fois moins à Drouot, je trouve votre exigence plutôt démente », ai-je répondu en lui conseillant d'aller se trouver un autre bienfaiteur tout en décidant de mettre un terme à notre conversation.
Ruminant de noires pensées, « J.R » a alors remballé ses bidules en maugréant non sans oublier de quémander une vingtaine d'euros afin d'avoir de quoi s'offrir un sandwich et probablement quelques Kirs et des clopes, histoire de boire pour oublier ses déboires et de griller des blondes pour rêver à des coups fumants.
Lundi 23 juillet 2004, réception d'un e-mail adressé par un artiste suisse qui m'a traité d'âne à l'esprit étroit pour avoir osé crier à l'imposture dans un article écrit en mai 2005 après avoir découvert qu'il proposait ses oeuvres sur E-Bay à un prix de départ de plus d'un million de dollars alors que son nom ne figurait pas dans le Bénézit ni dans aucun dictionnaire de peintres digne de ce nom.
Scandalisé par mes écrits, ce dernier m'a demandé qui j'étais pour me permettre de critiquer ses oeuvres, au demeurant insignifiantes, nonobstant le fait qu'elles auraient bien du mal à dépasser la barre des cent euros dans une vente publique. Sans aller jusqu'à lui dire qu'il ne fallait pas prendre les gens pour des imbéciles, je lui ai répondu que je me moquais d'être un âne en admettant toutefois que je lui reconnaissais le talent d'être sacrément gonflé de proposer ses toiles à des prix démentiels sur E-Bay,un site qui invite à la démesure. Sur ce, je suis allé déguster un petit suisse...
Jeudi 26 juillet 2007, mariage de la fille d'un docteur rmembre du club des Rêveurs Anonymes de Drouot (CRAD) surnommé parfois "G.De la Thune", aussi ému par l'événement que par l'immense toile d'Henri Martin ornant une salle de réception de la mairie du XVIe arrondissement qu'il aurait bien voulu découper et ramener chez lui histoire d'effacer la grosse ardoise de cette noce et de s'offrir en prime une année sabbatique dans les plus grands palaces du monde.
Ce bon docteur fou d'art a bien fait rire les membres du CRAD invités à la mairie qui ont admis qu'il n'avait pas lésiné sur les moyens en offrant à ses convives un somptueux buffet que n'aurait pas renié le fameux Bernard du même nom.
Dans la foulée visite au Musée d'Art Moderne pour aller admirer en compagnie de Chester Fielx les photographies et photo-montages d'Alexander Rodtchenko qui travailla pour la gloire de Staline et de ses copains lesquels le mirent à l'index à la fin des années 1920 parce que ses oeuvres ne collaient pas assez à la propagande du Kremlin. Les ingrats...
Petit détour par l'exposition consacrée à François Morellet, en tout onze peintures abstraites de petites dimensions réalisées en 1952 et dupliquées 55 ans après en grands formats, une démarche originale de la part de l'artiste surtout lorsque celui-ci peut être en panne d'inspiration. Il convient d'avouer toutefois que le processus a semblé plutôt réussi puisque les tableaux de 1952 ont conservé un étonnant caractère moderniste plus d'un demi-siècle plus tard.