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Mettre de l'eau dans son vin, c'est s'éviter de boire le calice jusqu'a la lie
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Le journal d'un fou d'art
Les fous d'art, ivres de savoir et de découvertes, riches ou moins nantis et sans cesse à l'affût des nouvelles relatives au marché de l'art, forment une belle légion à travers le monde. Sans eux, ce marché n'aurait donc sûrement rien de légendaire. Depuis plus d'une quinzaine d'années, Adrian Darmon a donc rassemblé à travers plus de 2200 pages de multiples anecdotes souvent croustillantes sur les chineurs, amateurs et autres acteurs de cet univers plutôt incroyable et parfois impitoyable.
Vème Chapitre
RENDEZ-VOUS SECRETS
01 Janvier 2001
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Un grand expert et marchand aurait pour habitude de donner des rendez-vous à l'abri d'oreilles indiscrètes dans un parking de l'avenue Montaigne, à croire que son bureau serait truffé de micros. C'est en fait dans sa limousine noire qu'il semblerait traiter une bonne partie de ses affaires. Voilà une belle anecdote rapportée par un de ses amis... Jeudi 18 janvier, le «Dinosaure» me rend visite à mon bureau. Cela faisait un bout de temps que je n'avais pas de nouvelles de ce personnage hors du commun qui parvient toujours à sortir des chefs d'œuvre dans des maisons huppées. Il me raconte qu'il a ainsi déniché un pastel de Manet, un Vlaminck fauve et un Picasso extraordinaire valant au bas mot dans les 200 millions de francs qu'il vient de faire acheter par une galerie prestigieuse pour un prix cinq fois moindre en raflant au passage une confortable commission. Le «Dinosaure» joue depuis quelques années dans la cour des grands et me révèle que les grands experts ont des dossiers sur tout ce qui peut traîner sur le marché. «Rien ne leur échappe et ils savent attendre pour mettre la main sur ce qu'ils convoitent,» me dit-il d'un air entendu. J'essaie d'en savoir plus au sujet des pratiques de certains spécialistes que je n'oserai dévoiler entièrement tellement elles peuvent être contestables. Il me fixe d'un regard narquois et lâche que ces messieurs peuvent laisser planer le doute sur une œuvre pendant longtemps jusqu'au moment où l'instant sera jugé propice pour qu'ils se l'accaparent.
Mais encore ? «Eh bien, cela peut durer plus de vingt ans car ils ont des fistons qui leur succéderont et à qui ils peuvent ainsi transmettre les dossiers de ce qu'ils n'ont pu arracher de leur vivant. Tu le sais autant que moi, le monde de l'art a ses secrets et ceux qui le dirigent tienne à ce qu'il reste impénétrables», ajoute-t-il d'un air sibyllin. Ce monde reste ainsi réservé à une élite qui entend jalousement préserver ses privilèges en ne laissant que des miettes à des collectionneurs qui n'ont pas la chance d'en faire partie. La Fontaine se régalerait merveilleusement en composant des fables sur ces gens là s'il ressuscitait. Sur ce, le «Dinosaure» me demande si je n'ai pas dans ma documentation la reproduction d'une danseuse de Degas, vendue 17,5 million de dollars chez Sotheby's en 1999. Comme par enchantement, je lui trouve le catalogue de la vente qu'il désire emprunter car on lui a confié un dessin préparatoire pour cette œuvre. Apparemment, l'argent agit comme un aimant sur ce type qui semble n'en avoir jamais assez et qui adore de surcroît se faire ouvrir les portes de grands collectionneurs pour leur arracher des pièces qui lui permettront de se faire toujours plus de beurre. A part le fait d'obtenir ses confidences, je me demande toujours pourquoi je me permets de lui accorder une partie de mon temps à lui ouvrir mes archives car cela ne me rapporte rien sinon que de jolis compliments au sujet de mes connaissances. Je pense qu'à la longue, je devrais finir par présenter une note d'honoraires à tous ceux qui me sollicitent de la sorte. En fait, je constate que les riches mettent toujours plus de fric de côté pour la simple raison qu'ils sont généralement près de leurs sous. J'aurais donc intérêt à retenir la leçon si par bonheur je parvenais un jour à être à l'abri du besoin. En attendant, il faut ramer… Le «Dinosaure» me quitte en m'informant que les trois premiers mois de l'année ne vont pas être performants au niveau des ventes dans le monde car le dollar va baisser en mars et les collectionneurs préfèrent attendre des jours meilleurs.
Ce qu'il me dit est plutôt un secret de polichinelle surtout qu'avec la faillite de tant de dot.com aux Etats-Unis, on n'est pas près de revoir autant de fous batailler à coups de millions de dollars pour des œuvres contemporaines quelque peu débiles. On pourra toutefois se rabattre sur des pièces qui tiennent la route comme les tableaux anciens qui valent souvent cent fois mieux que les trucs impensables produits par de pseudo artistes qui bénéficient d'une promotion médiatique éhontée. Finalement, je trouve qu'une crise peut avoir le mérite de remettre de l'ordre sur le marché de l'art car il est temps d'opérer des révisions salutaires.
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Un grand expert et marchand aurait pour habitude de donner des rendez-vous à l'abri d'oreilles indiscrètes dans un parking de l'avenue Montaigne, à croire que son bureau serait truffé de micros. C'est en fait dans sa limousine noire qu'il semblerait traiter une bonne partie de ses affaires. Voilà une belle anecdote rapportée par un de ses amis... Jeudi 18 janvier, le «Dinosaure» me rend visite à mon bureau. Cela faisait un bout de temps que je n'avais pas de nouvelles de ce personnage hors du commun qui parvient toujours à sortir des chefs d'œuvre dans des maisons huppées. Il me raconte qu'il a ainsi déniché un pastel de Manet, un Vlaminck fauve et un Picasso extraordinaire valant au bas mot dans les 200 millions de francs qu'il vient de faire acheter par une galerie prestigieuse pour un prix cinq fois moindre en raflant au passage une confortable commission. Le «Dinosaure» joue depuis quelques années dans la cour des grands et me révèle que les grands experts ont des dossiers sur tout ce qui peut traîner sur le marché. «Rien ne leur échappe et ils savent attendre pour mettre la main sur ce qu'ils convoitent,» me dit-il d'un air entendu. J'essaie d'en savoir plus au sujet des pratiques de certains spécialistes que je n'oserai dévoiler entièrement tellement elles peuvent être contestables. Il me fixe d'un regard narquois et lâche que ces messieurs peuvent laisser planer le doute sur une œuvre pendant longtemps jusqu'au moment où l'instant sera jugé propice pour qu'ils se l'accaparent.
Mais encore ? «Eh bien, cela peut durer plus de vingt ans car ils ont des fistons qui leur succéderont et à qui ils peuvent ainsi transmettre les dossiers de ce qu'ils n'ont pu arracher de leur vivant. Tu le sais autant que moi, le monde de l'art a ses secrets et ceux qui le dirigent tienne à ce qu'il reste impénétrables», ajoute-t-il d'un air sibyllin. Ce monde reste ainsi réservé à une élite qui entend jalousement préserver ses privilèges en ne laissant que des miettes à des collectionneurs qui n'ont pas la chance d'en faire partie. La Fontaine se régalerait merveilleusement en composant des fables sur ces gens là s'il ressuscitait. Sur ce, le «Dinosaure» me demande si je n'ai pas dans ma documentation la reproduction d'une danseuse de Degas, vendue 17,5 million de dollars chez Sotheby's en 1999. Comme par enchantement, je lui trouve le catalogue de la vente qu'il désire emprunter car on lui a confié un dessin préparatoire pour cette œuvre. Apparemment, l'argent agit comme un aimant sur ce type qui semble n'en avoir jamais assez et qui adore de surcroît se faire ouvrir les portes de grands collectionneurs pour leur arracher des pièces qui lui permettront de se faire toujours plus de beurre. A part le fait d'obtenir ses confidences, je me demande toujours pourquoi je me permets de lui accorder une partie de mon temps à lui ouvrir mes archives car cela ne me rapporte rien sinon que de jolis compliments au sujet de mes connaissances. Je pense qu'à la longue, je devrais finir par présenter une note d'honoraires à tous ceux qui me sollicitent de la sorte. En fait, je constate que les riches mettent toujours plus de fric de côté pour la simple raison qu'ils sont généralement près de leurs sous. J'aurais donc intérêt à retenir la leçon si par bonheur je parvenais un jour à être à l'abri du besoin. En attendant, il faut ramer… Le «Dinosaure» me quitte en m'informant que les trois premiers mois de l'année ne vont pas être performants au niveau des ventes dans le monde car le dollar va baisser en mars et les collectionneurs préfèrent attendre des jours meilleurs.
Ce qu'il me dit est plutôt un secret de polichinelle surtout qu'avec la faillite de tant de dot.com aux Etats-Unis, on n'est pas près de revoir autant de fous batailler à coups de millions de dollars pour des œuvres contemporaines quelque peu débiles. On pourra toutefois se rabattre sur des pièces qui tiennent la route comme les tableaux anciens qui valent souvent cent fois mieux que les trucs impensables produits par de pseudo artistes qui bénéficient d'une promotion médiatique éhontée. Finalement, je trouve qu'une crise peut avoir le mérite de remettre de l'ordre sur le marché de l'art car il est temps d'opérer des révisions salutaires.
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